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Juridique - Les garanties du plaisancier lors de l’achat d’un bateau neuf

Juridique - Les garanties du plaisancier lors de l’achat d’un bateau neuf

Quelles garanties s'appliquent lors de l'achat d'un bateau neuf ? Un sujet traité par Jérôme Heilikman, responsable de la rubrique Juridique d'ActuNautique et président de l'association Legisplaisance !

Le mois de septembre ouvre traditionnellement le bal des principaux salons nautiques à commencer par le Yachting Festival de Cannes, le Grand Pavois de la Rochelle et le Monaco Yacht Show en septembre, puis l’entrée en lice de la Bretagne avec le Mille Sabords du Crouesty et enfin le grand rendez-vous annuel de tous les passionnés du nautisme dans les allées du Nautic de Paris au mois de décembre.

Si pour la plupart d’entre nous, ces salons sont l’occasion de s’adonner à la découverte d’une région, de se promener le long des pontons et de se surprendre à rêver devant les curiosités, ils sont aussi l’occasion de franchir le pas du ponton pour larguer les amarres, acquérir son premier bateau de plaisance… et voguer sur les mers où « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».

Pour autant, avant de profiter pleinement de la poésie Baudelairienne, la tête dans les étoiles et le cœur dans l’océan, il convient de garder les pieds sur terre et de prendre quelques précautions utiles notamment juridiques. Acheter un bateau neuf sans connaître un minimum ses droits et obligations lors de la vente peut vite transformer le rêve en houle juridique cauchemardesque.

Rappelons les grands principes règlementaires que tout futur propriétaire doit conserver dans un coin de sa tête de moussaillon à l’occasion de son achat.

Rappelons qu’un navire présente la particularité d’être un bien meuble, en tant qu’il est appelé à circuler, mais qui, du fait de sa nature onéreuse, en devient immeuble ce qui est attesté par son indentification propre à savoir son immatriculation et sa nationalité. Quant au plaisancier, il est ni un expert juridique ni un marin professionnel. Il est un consommateur sans connaissance technique et juridique qui souhaite acquérir un bien et son statut est protecteur.

En ce sens, l'article préliminaire du Code de la consommation dispose « Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.». Cette définition légale du consommateur permet au plaisancier de s'en prévaloir lors de l'acquisition d'un voilier et de ses équipements auprès d'un professionnel et donc de bénéficier de toutes les garanties qui s'y attachent.

De ces deux constats, il résulte que l’achat d’un bateau neuf doit être encadré et le plaisancier protégé.

La protection du plaisancier lors de l’achat d’un bateau neuf

L’information du plaisancier : une obligation de la part du vendeur professionnel

« Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté cette obligation. » (Article L. 111-1 du Code de la consommation)

Le professionnel est libre de mettre cette obligation d’information sur le support de son choix mais elle doit comporter au minimum les caractéristiques essentielles du bien à savoir le prix, un descriptif technique, les conditions d’utilisation et d’entretien et enfin les conditions de vente.

La loi Hamon du 17 mars 2014 renforce les mesures visant à protéger les consommateurs en obligeant le professionnel à indiquer clairement une date ou un délai de livraison du bien, l’identité et les coordonnées du vendeur, les garanties légales et enfin les mises en œuvres des garanties et le cas échéant, mentionne l’existence d’une garantie commerciale et d’un service après-vente.

Le professionnel doit informer également le consommateur de la possibilité en cas de contestation de faire appel à la médiation conventionnelle ou à un autre mode alternatif de règlement des différends.

A noter que le décret du 17 septembre 2014 relatif aux obligations d'information précontractuelle et contractuelle des consommateurs et au droit de rétractation précise que l'information précontractuelle doit être fournie sur papier, ou avec accord du consommateur sur un autre support durable.

La signature du contrat de vente et l’information préalable du plaisancier

Le contrat de vente doit avoir une présentation claire, compréhensible et intelligible pour un non professionnel. Autrement dit, les clauses contenues dans le contrat doivent être compréhensibles par l’acheteur et ne peuvent l’engager de manière disproportionnée.

Ce contrat va obliger :

  • le vendeur professionnel à délivrer le produit ou le service au consommateur ;
  • le plaisancier à honorer le paiement.

A noter que qu’en cas de contrat pré rédigé, le vendeur a le droit de demander un exemplaire avant de s'engager. Si le vendeur professionnel refuse, il est passible de sanctions.

Le cas particulier des contrats de vente conclus dans les foires et salons

Lors de l’achat d’un bateau de plaisance à l’occasion d’un salon nautique, le cadre juridique encadrant la transaction se trouve modifié.

- Le consommateur ne disposant pas de délai de rétractation, le professionnel a obligation de l’en informer avant la conclusion du contrat.

Si le consommateur exerce son droit de rétractation dans un délai de quatorze jours, le contrat principal est résolu de plein droit. Le consommateur peut alors demander le remboursement des sommes versées d’avance sur le prix. Ces sommes produisent des intérêts au-delà du huitième jour de la demande de remboursement.

La garantie contre le défaut de conformité

« Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité. » (Article L.211-4 du Code de la consommation)

On parle de défaut de conformité quand le bien est impropre à l’usage habituellement attendu ou qui ne correspond à la description donnée par le vendeur ou encore qui ne possède pas les qualités annoncées ou convenues avec l’acheteur. Pour bénéficier de la garantie de conformité, le défaut du navire ou de ses équipements doit exister au jour de l'acquisition

Cette garantie s’applique aux contrats de vente entre un professionnel et un particulier comme celui entre un vendeur professionnel et un plaisancier.

- Si le défaut du navire ou de ses équipements apparaît dans les six mois de l'achat, il est présumé exister au jour de l'acquisition et c'est au vendeur d'apporter la preuve contraire.

- Si le défaut du navire ou de ses équipements apparaît plus de six mois après l'achat : l’acheteur peut bénéficier de la garantie de conformité s’il apporte la preuve que le défaut existait au jour de l'achat.

Le plaisancier dispose d’un délai de deux ans à partir du jour où il prend possession du navire pour mettre en œuvre la garantie de conformité. Dans le cas de la preuve apportée du défaut, le plaisancier peut obtenir soit :

  • la réparation ou le remplacement du navire ou de ses équipements
  • le remboursement ou la réduction du prix d’achat.

La garantie légale contre les vices cachés

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. » (Article 1641 du Code civil)

Pour être garantie contre le vice doit être caché, le plaisancier doit établir :

  • L’existence d'un vice (ce qui implique éventuellement d'identifier la cause des défectuosités constatées)
  • La gravité du vice
  • Le caractère caché du vice
  • L’antériorité du vice par rapport à la vente.

Le plaisancier doit intenter l’action dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice et pourra obtenir réparation soit par :

  • Une action estimatoire : garder le navire (ou l’équipement en cause) et demander une réduction du prix.
  • Une action rédhibitoire : rendre le navire (ou l’équipement en cause) et demander le remboursement du prix payé ainsi que des frais occasionnés par la vente.

A noter que si ces deux actions peuvent se chevaucher dans le temps (action en garantie de conformité et action en garantie des vices cachés), « Les dispositions [de la garantie de conformité] ne privent pas l'acheteur du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires telle qu'elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi. » (Article 211-13 du Code de la consommation)

Pour autant, ces deux actions ont surtout vocation à se succéder dans le temps et il est conseillé au plaisancier d’opter pour l’une ou l’autre des actions suivant le délai de survenance du défaut :

  • Si le défaut apparaît dans les 6 mois à compter de la délivrance du navire : le plaisancier a tout intérêt à intenter une action sur le fondement de la garantie de conformité du Code de la consommation puisqu'il bénéficiera de la présomption de l'existence du défaut, à la charge du professionnel de prouver le contraire
  • Si au contraire le défaut apparaît après l'expiration de ce délai des 6 mois ou si le délai de prescription est expiré, le plaisancier aura une seconde carte à jouer en invoquant les dispositions de l'action en vice caché sur le fondement du Code civil dans un délai de deux ans après la découverte du vice.

La présomption d’existence du défaut

Par ailleurs, la présomption de l'existence du défaut dans le cadre de la garantie de conformité posée par l'article L. 211-7 du Code de la consommation facilite le recours du plaisancier à l'encontre du vendeur professionnel.

Cette présomption de « non-conformité » lors de la délivrance, dès lors que le défaut apparaît dans le délai de six mois à compter de cette délivrance, permet une protection renforcée du plaisancier consommateur qui dispose d'une arme juridique à l'encontre des professionnels de la vente des navires de plaisance.

Notons qu’à compter de mars 2016, la présomption de non-conformité passe de 6 mois à 24 mois. A l'avenir, cette protection du plaisancier va être encore renforcée puisque le nouvel article L.211-7 du Code de la consommation applicable deux ans après l'entrée en vigueur de la loi Consommation du 17 mars 2014 dite « loi Hamon », soit à compter du 18 mars 2016, prévoit d'étendre cette présomption des six mois à deux an à compter de la délivrance du bien et oblige le vendeur professionnel à informer l’acheteur que la garantie légale de conformité s’applique indépendamment de la garantie commerciale éventuellement souscrite.

Si les vents sont profitables au plaisancier, notons que le vendeur professionnel dispose également d’un arsenal juridique important pour s'opposer à la demande en garantie émanant de l'acquéreur notamment :

  • en contestant la réunion des diverses conditions qui doivent être satisfaites pour mettre en jeu les garantie
  • en invoquant la connaissance que l'acquéreur aurait dû avoir du vice en tant que spécialiste en la matièr
  • en apportant une éventuelle faute de l’acquéreur qui limitera la portée des sanctions financières auxquels il s’expose.

En conclusion, l’ensemble de ces obligations d’information et diverses garanties permettent tant de protéger un plaisancier profane que de responsabiliser un vendeur professionnel pour que l’achat d’un bateau de plaisance soit le début d’une belle aventure humaine…


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Pour aller plus loin...

Prochain numéro de la Revue du Droit de la Plaisance et du Nautisme :http://www.legisplaisance.fr/rdpn

Ce guide juridique et pédagogique est un nouvel outil de référence pour les plaisanciers et sera, un compagnon de voyage indispensable pour affronter la houle juridique....

site internet : http://www.legisplaisance.fr
Page facebook : http://www.facebook.com/legisplaisance

 

LE DROIT DE LA PLAISANCE
Broché: 240 pages
Editeur : Ancre de Marine (12 décembre 2014)
Collection : SANS COLLECTION
Langue : Français
ISBN-10: 2841412970
ISBN-13: 978-2841412976
Dimensions du produit: 22 x 2,5 x 15 cm

 

Au sujet de l'auteur de cet article

Titulaire du Master 2 Droit et sécurité des activités maritimes et océaniques de la Faculté de droit de Nantes, Jérôme Heilikman est juriste spécialisé en droit maritime et droit social des marins. Il travaille depuis 2012 à la Sous-direction des affaires juridiques de l’Enim (sécurité sociale des marins) en charge spécifiquement de la mobilité internationale des marins et de la participation à la codification du Code des transports dans sa partie règlementaire.

En parallèle il a cofondé Légisplaisance, association rochelaise qu’il préside et dont l’objet est d’expliquer le droit de la plaisance et de mettre en relation les spécialistes du droit et les plaisanciers. L’association a publié fin 2014 le guide du droit de la plaisance.

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