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Nationalisation temporaire pour les chantiers STX de Saint-Nazaire

L’Etat a fait valoir son droit de préemption sur le capital des chantiers navals STX, et ce alors que l'italien Fincantieri exige de détenir plus de 51 % dudit capital. « Nous avons pris la décision d'exercer le droit de préemption de l'État sur STX » a déclaré le ministre de l'Economie.

Nationalisation temporaire pour les chantiers STX de Saint-Nazaire
Nationalisation temporaire pour les chantiers STX de Saint-Nazaire
Nationalisation temporaire pour les chantiers STX de Saint-Nazaire
Nationalisation temporaire pour les chantiers STX de Saint-Nazaire

Une nationalisation temporaire pour faire évoluer les négociations

La décision a été annoncée aujourd'hui par Bruno Le Maire, à l'occasion d'une conférence de presse. L'objectif affiché par le ministre de l'Economie est de « défendre les intérêts de la France en matière de construction navale », tout en précisant que la nationalisation en question ne serait que « temporaire ».

Cette nationalisation temporaire permet en fait à l’État de se donner du temps en vue de la poursuite des négociations qui se tiendront mardi prochain à Rome, pour « continuer à négocier sur cette base avec Fincantieri ». « Nous allons reprendre la discussion, la reprendre sereinement [...] et j'ai bon espoir que nous trouverons dans les semaines qui viennent les modalités de cet accord industriel européen avec l'Italie dans le domaine de la construction navale ». 

Cette décision inédite va sûrement contrarier Fincantieri, qui est à l'heure actuelle le seul repreneur des Chantiers de l'Atlantique, basés à Saint-Nazaire et précédemment détenus à 66,66 % par STX Europe, en redressement judiciaire.

Les chantiers navals de Saint-Nazaire n'ont « pas vocation » à rester dans le giron de l’État, a précisé Bruno Le Maire. 

La nationalisation temporaire des chantiers STX de Saint-Nazaire coûtera 80 millions d'euros à l’État, qui « sera bien actionnaire à 100 % », toujours selon le ministre de l'Economie. Les 80 millions seront pris en charge « par l'Agence des participations de l'État » puis l'Etat pourra « récupérer cette mise » dès que le gouvernement aura « trouvé une solution industrielle » avec le groupe Fincantieri et le gouvernement italien. 

Se félicitant d'une mesure « parfaitement conforme aux règles européennes », le ministre a également souligné que la nationalisation temporaire « permet à la France de défendre ses intérêts stratégiques ». 

« J'ai bon espoir que nous trouverons dans les semaines qui viennent les modalités de cet accord industriel européen avec l'Italie dans le domaine de la construction navale », a-t-il conclu. 

Changement de donne pour les Chantiers de l'Atlantique

La justice coréenne a retenu l'italien Fincantieri comme repreneur exclusif des chantiers STX de Saint-Nazaire (alors détenus à 66,66 % par le groupe coréen). 

Le gouvernement (sous François Hollande) a ensuite négocié pour que Fincantieri reste minoritaire pendant 7 ans, avec 48 % du capital. La Fondazione CR Trieste (une banque italienne) dispose alors de 7 % des parts, tandis que l’Etat français garde un tiers du capital et un droit de veto. Naval Group (ex-DCNS) détient quant à lui 12 à 13 % du  total des parts. 

L'accord pour la reprise de participation est signé le 19 mai, mais Emmanuel Macron est revenu dessus le 31, à l'occasion d'un discours prononcé pour l'inauguration du Meraviglia, le tout dernier paquebot construit par les Chantiers de l'Atlantique. 

Le Président de la République avait alors souligné le fait que l'accord ne permettrait pas aux « actionnaires français de garder la main sur l'emploi ». Rome n'a pas très bien accepté la nouvelle, arguant que « le gouvernement français [avait] changé les cartes ».

Des inquiétudes pour l'emploi et les compétences des chantiers de Saint-Nazaire

L’État français détient actuellement 33,34 % des parts des chantiers STX de Saint-Nazaire. Une participation encore trop faible pour les syndicats et les élus locaux, qui considèrent que Fincantieri entretient des liens étroits avec l'autre actionnaire italien, la Fondazione CR Trieste, rendant de facto Fincantieri majoritaire.

La principale inquiétude des syndicats et élus vient du fait que Fincantieri pourrait faire travailler les Italiens plutôt que les Français si le carnet de commandes venait à s'assombrir. 

L'autre appréhension majeure concerne le transfert de savoir-faire à l'étranger, et surtout en Chine : Fincantieri est ainsi partenaire de la China State Shipbuilding Corporation, et pourrait développer les compétences des Chinois dans la construction de paquebots, un transfert de compétences qui inquiète jusqu'au plus haut niveau de l’Etat. 

Bruno Le Maire a notamment insisté lors de sa conférence de presse sur la nécessité pour la France et l'Europe de préserver ses intérêts stratégiques, et notamment les savoirs-faire des Chantiers de l'Atlantique, uniques en France : 

« Les compétences exceptionnelles » des chantiers de Saint-Nazaire « resteront en France ».

« Il n'y a aucun soupçon sur nos amis italiens », a-t-il assuré. « Mais il y a des enjeux en terme d'emplois [...]. J'ai bon espoir que nous arriverons à construire les garanties » nécessaires. Cette décision « nous laissera davantage de temps pour discuter ».

Après l'élection d'Emmanuel à la présidence de la République, la France avait proposé à l'italien une répartition des parts à « 50/50 », mais Fincantieri s'y était opposé : « Il n'y a aucune raison pour que Fincantieri renonce à la majorité et au contrôle » de STX, avait affirmé Pier Carlo Padoan, le ministre des Finances italien, d'où un blocage de la situation et l'ultimatum adressé par la France sous la forme d'une nationalisation temporaire.

« Si jamais nos amis italiens refusent la proposition honnête qui leur est faite, l'Etat exercera son droit de préemption », avait menacé mercredi le ministre de l'Economie sur Franceinfo. Une menace mise à exécution. 

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