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Un projet chinois de mise en bouteille du lac Baïkal provoque la colère en Russie

La Chine va-t-elle boire le lac Baïkal ? Un projet de mise en bouteille de la plus grande réserve mondiale d’eau douce a provoqué une vague de protestations en Russie.

Un projet chinois de mise en bouteille du lac Baïkal provoque la colère en Russie
Un projet chinois de mise en bouteille du lac Baïkal provoque la colère en Russie
Un projet chinois de mise en bouteille du lac Baïkal provoque la colère en Russie
Un projet chinois de mise en bouteille du lac Baïkal provoque la colère en Russie
Un projet chinois de mise en bouteille du lac Baïkal provoque la colère en Russie

« Dommages irréparables »

L’annonce de la construction d’une usine d’embouteillage chinoise sur la rive sud du lac a suscité une onde de choc dans la société russe ; une pétition réclamant son interdiction rassemble déjà près d’un million de signatures. 

« Ils veulent construire une usine chinoise sur les rives de notre lac ! », s’insurge la pétition, en appelant à tous les « patriotes » russes. L'eau extraite « sera envoyée en Chine », ajoute-t-elle, provoquant des « dommages irréparables » au lac inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.

Un tribunal régional a ordonné vendredi la suspension de la construction de l’usine, le temps que soient résolues les « violations » constatées au niveau des dommages infligés à l’écosystème du lac Baïkal.

Le gouvernement russe a pour sa part déclaré qu’il allait « vérifier » si le projet respectait « les normes environnementales les plus élevées ». 

Un projet à 19 millions d’euros

Ces protestations, qui ont pour le moins surpris les promoteurs du projet, résulteraient d’années de frustrations des habitants envers leurs gouvernants, et des peurs liées à l’appétit du voisin chinois en ressources naturelles. 

Cette usine d’embouteillage, qui doit être bâtie dans le village de Koultouk, est construite par la société AkvaSib, qui prévoit une mise en production dès cette année. 

L’investisseur principal du projet est Baikal Lake, une entreprise basée en Chine, selon les autorités de la région d’Irkoutsk, qui ont donné il y a deux ans un statut prioritaire à ce projet estimé à 19 millions d’euros. 

La société AkvaSib a assuré avoir réussi toutes les inspections nécessaires et reçu le feu vert des autorités locales. « Personne n’était contre », explique à l’AFP Alexeï Azarov, un représentant de la compagnie. « Le pompage ne va pas impacter le niveau d’eau du Baïkal », assure-t-il en mettant en avant la création de « 150 emplois ». 

« Ils vont transformer le Baïkal en marécage »

Pour Denis Boukalov, l’un des principaux militants opposés au projet, la construction de l’usine a déjà « ruiné » les rives du lac à Koultouk, affirmant que ces terres ont été acquises « illégalement […] Ils vont transformer le Baïkal en marécage. Peu importe si ce sont les Chinois », déclare-t-il à l'AFP.

Des ornithologues ont pour leur part souligné que le projet ne prend pas en compte l’impact de l’usine sur des terres essentielles à l’alimentation des quelques 130 espèces d’oiseaux recensées autour du lac Baïkal, dont certaines sont en danger. 

La localisation de l’usine pose également problème, estime le militant écologiste Alexandre Kolotov, qui voit aussi dans les protestations « un vecteur anti-chinois très clair ». 

L'affaire « touche en plein dans les peurs et les stéréotypes russes sur une Chine qui va engloutir notre héritage national », estime-t-il. Plusieurs protestations similaires contre le bûcheronnage des forêts de Sibérie ont conduit par le passé à l'annulation de contrats avec des compagnies chinoises.

Zone protégée

La rhétorique des messages appelant à l’interdiction du projet le présentent souvent comme une manifestation de plus de la présence chinoise dans la région, renforcée avec la chute du rouble russe et la libéralisation du régime des visas. 

« Pour les Sibériens, il y a deux choses qui sont comme un drapeau rouge agité sous le nez d’un taureau : les Chinois, « qui prennent tout et ne laissent que des ordures » et les empiètements sur le lac », explique Svetlana Pavlova, rédactrice en chef du site IRK.ru. « Et il s’avère que la société qui construit l’usine est détenue à 99 % par des citoyens chinois » ajoute-t-elle. 

D’après la journaliste, la multiplication des hôtels chinois, souvent illégaux, sur les rives du lac Baïkal suscite la colère des habitants qui, eux, ne peuvent obtenir de permis officiels pour y construire quoi que ce soit, et qui ne gagnent rien des touristes amenés de Chine. « Il y a une accumulation et les gens sont fatigués de l’inaction du gouvernement », explique-t-elle. 

Sergueï Levtchenko, le gouverneur de la région d’Irkoutsk, qui a obtenu la construction de l’usine d’embouteillage en 2017, a depuis totalement viré de bord : « Le site se trouve dans une zone protégée. Je ne vois aucune possibilité d’y mettre de l’eau en bouteille », déclarait-il récemment. 

Pour Alexandre Kolotov, toute l’affaire met en danger les efforts réalisés pour créer des projets respectueux de l’environnement sur le lac Baïkal, après la fermeture des usines soviétiques, particulièrement polluantes : « C'est comme si le projet avait été pensé exprès pour discréditer l'idée d'une mise en bouteille du Baïkal. »

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