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Bateaux célèbres : Le Wilhelm Gustloff, le pire naufrage de tous les temps

Lors de son naufrage en janvier 1945, dans les eaux glacées de la Baltique, le paquebot allemand de ligne MV Wilhelm Gustloff emportait le plus grand nombre de passagers que l’on n'ait jamais embarqués sur un seul navire… C’est tout simplement le pire naufrage de tous les temps.

Bateaux célèbres : Le Wilhelm Gustloff, le pire naufrage de tous les temps

Le Wilhelm Gustloff était un paquebot moyen, lancé en 1937 en Allemagne, dans le cadre des gigantesques travaux et investissements d’infrastructures qui permirent au IIIe Reich de relever l’Allemagne de la crise de 1929 et des conséquences économiques de la Première Guerre mondiale.

Le Wilhelm Gustloff portait le nom du chef du Parti national-socialiste de Suisse, assassiné l’année de la mise en chantier du bateau.

Le chantier Blohm und Voss, célèbre chantier de la Baltique où fut lancé le Wilhelm Gustloff, est toujours très actif. C’est ce chantier qui réalisa, en 2010, le superyacht Eclipse, second superyacht au monde en termes de taille et de prix, armé par Roman Abramovitch, oligarque russe propriétaire entre autres du club de football de Chelsea.

Un navire de propagande

L’organisation nationale-socialiste “Kraft durch Freude” (NDLR La force par la joie) visait à obtenir, de la part du peuple allemand, la plus large adhésion possible aux principes politiques du régime.

C’est ainsi que la KdF est devenue, après l’accession au pouvoir de Hitler en 1933, le plus gros tour opérateur mondial !

L’organisation proposait en effet à ses membres des croisières “sponsorisées” par le parti, visant à susciter l’adhésion des masses à son idéologie et à participer au rayonnement du régime nazi à l’étranger, lors des escales.

C’est également sous l’impulsion de la KdF que vit le jour le programme “Volkswagen” qui déboucha, après guerre, sur la commercialisation de la célèbre Coccinelle !

Le Gustloff (208 m de longueur sur 24 m de largeur, 25.000 tonnes, 12.000 NM d’autonomie à 15 nœuds) était un paquebot moyen, d’un tonnage représentant la moitié de celui du tristement célèbre Titanic.

L'ambiance" à bord du Wilhelm Gustloff

Enrôlé dans la Kriegsmarine

Dès 1939, le Gustloff sert à livrer au régime fasciste de Franco les “volontaires” de la légion Condor, leurs équipements et avions. Ces avions écrasèrent sous les bombes la ville républicaine de Guernica, ce qui inspira à Picasso son célèbre tableau.

Guernica de Picasso

De fil en aiguille, l’état-major allemand équipa le navire en hôpital puis en baraquements, à quai, destinés aux équipages de sous-marins en formation dans le port polonais occupé de Gdynia.

Janvier 1945

Le Reich allemand est désormais pris en tenaille entre la gigantesque opération offensive soviétique Bagration, au cours de laquelle 2.000.000 d'hommes, 6000 tanks et 8000 avions repoussent les restes des forces allemandes vers l’ouest, d'où progressent 1.500.000 soldats américains et britanniques, fraîchement débarqués en Normandie au cours de l’opération Overlord.

Dans ce contexte, l’arrivée des éléments soviétiques terrorisait les populations allemandes conscientes des représailles à venir, eu égard aux comportements inqualifiables de certaines troupes nazies en Russie Soviétique.

A l’approche des troupes soviétiques du port de Gdynia, en janvier 1945, c’est la panique totale et le chaos chez les allemands. Ils mirent alors sur pied une opération d’évacuation de leurs ressortissants civils et militaires.

Panique à l’embarquement

Le Wilhelm Gustloff, à quai à Gdynia, en fait naturellement partie. Lors de l’embarquement, le 29 Janvier 1945, alors que le feu de l’artillerie soviétique illumine l’horizon, la panique pour embarquer à bord des navires encore à quai est indescriptible.

Passe-droits, intimidations, violences, noyades et coups de feu se succèdent.

L’écrivain Günter Grass, alors membre des forces allemandes, a relaté ces scènes dans son livre “En crabe”.
Le bateau, conçu pour 1465 passagers, embarque finalement 10.482 passagers, soit 10 fois sa jauge…
A titre de comparaison, le “Harmony of the Seas”, plus important paquebot en service avec 362 mètres, embarque seulement 8500 passagers et membres d’équipage.

En route pour le Heimat

Lourdement chargé, le Wilhelm Gustloff quitte Gdynia à 12h30 ce 30 Janvier 1945, dans un épais brouillard.
Parvenu à une dizaine de milles des côtes, en plein brouillard, le commandant du Gustloff est avisé de la présence d’un convoi militaire allemand circulant à pleine vitesse dans la zone par ailleurs partiellement minée.

Il décide alors d’allumer les feux de position du bateau pour éviter une collision avec ces rapides navires amis. Funeste décision…

La zone revêtait, pour les Soviétiques, une importance stratégique et ces derniers la patrouillaient sans relâche…

C’est que la route du nord était très utilisée par les convois alliés qui ravitaillaient l’URSS en matériel, et c’est par cette voie que 200.000 jeeps, GMC et autres camions rejoignirent les ports russes et participèrent à la réussite de l’opération Bagration.

3 torpilles au but

Le sous-marin soviétique S13

A 21h00 ce 30 janvier 1945, le sous-marin d’attaque soviétique S-13 repère le Gustloff, grâce à ses feux.
Le S-13 manœuvre deux heures pour se placer dans une configuration optimale de tir puis, à 21h00, lâche 4 torpilles explosives à courte distance.

Les trois premières touchent leur cible et éventrent le paquebot.

En moins de 20 minutes, il n’était plus possible de mettre à l'eau les canots tribord ni ceux de bâbord tant le bateau donnait de bande.

40 minutes après les impacts, le Gustloff gisait, renversé sur le flanc bâbord et 10 minutes plus tard, il sombrait.

Une vue d’artiste du naufrage

Seuls 9 canots de sauvetage furent mis à l’eau à temps.

Par une température de l’eau comprise entre 0 et 4°C et une température de l’air extrêmement froide (inférieure à -10°C), les passagers tombés à l’eau n'auront aucune chance.

Seuls 1.252 survivants seront secourus par la flottille de dragueurs de mines qui accompagnaient le Gustloff.
Plus de 9.400 passagers périrent cette nuit-là, soldats, cadres du parti mais aussi civils, infirmières et enfants.

Après de fréquentes intrusions de plongeurs en recherches de macabres sensations, le gouvernement polonais instaura, en 2000, une zone d’exclusion autour du naufrage, y interdisant toute navigation et plongée.

Qui se souvient du naufrage du Wilhelm Gustloff qui fit six fois plus de victimes que le Titanic ?

Les circonstances du naufrage, en pleine guerre, et la nationalité des victimes, honnie à l’époque, ont éclipsé ce naufrage dans l’imaginaire collectif. Vae Victis, disaient les Romains (NDLR malheur aux vaincus)…

 

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