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Incident : Rupture de drosse de barre, barrer un multicoque avec la barre de secours

Les chantiers pensent à tout et fournissent leurs voiliers avec des équipements de sécurité.

Parmi ceux-ci, la barre de secours.  Comment l'utiliser et est-ce vraiment un accessoire sur lequel compter ?

Incident : Rupture de drosse de barre, barrer un multicoque avec la barre de secours

Vous avez préparé votre longue navigation de nuit et vous appretez à passer une nuit blanche à la barre d'un voilier. Vous allez avaler une centaine de milles, et cette simple évocation vous ravit. Quel fantastique programme !

Vous vous mettez en route, reprenez votre mouillage, hissez vos voiles, quand soudain..... la barre de votre catamaran devient molle comme une chiffe... Sous une risée le voilier lofe largement : plus de contrôle ! 

A bord d'un multicoque, comme dans notre cas, on démarre les moteurs et en jouant sur les différences de régime, on récupère immédiatement une manière d'agir sur la direction du bateau. On affale et demi-tour, et retour au mouillage au moteur.

Etat des lieux

La panne est causée par la rupture de la drosse de barre : le câble de liaison entre la barre à roue et la barre de liaison est rompu, au ras de son sertissage : irréparable.

En un sens, ce n'est pas grave, nous sommes loin du premier atelier ou chantier capable d'effectuer ces travaux.

Changer la drosse ? Pour pouvoir le faire, il faut disposer d'exactement la même, car les deux extrémités sont serties et filetées, et filetage et longueur du câble dépendent de chaque bateau.

A noter que nous sommes à bord d'un catamaran de 15 tonnes lège, et que le drosse de barre est formée d'un câble gainé de... 6 mm ! 

La drosse cassée au ras de son sertissage
La drosse cassée au ras de son sertissage

La drosse cassée au ras de son sertissage

Plus de barre à roue, petit ou gros problème ?

Sur un multicoque, une avarie de drosse de barre ne pose pas de problème insoluble si le pilote automatique fonctionne. En navigation, on peut se fier au pilote qui dispose de son propre vérin, et pour les manœuvres de port, on dispose des moteurs qui, à petite vitesse, permettent de diriger le bateau quelle que soit la position des safrans.

Sur un monocoque équipé d'un pilote, on peut naviguer sous pilote, mais la prise d'une place de port ne sera pas réalisable sans aide.

Tous ces scénarios sont valables par beau temps. Par mer formée arrière, les pilotes sont mauvais et les bateaux embardent. Il faut pouvoir barrer à la vague. Pas question d'entreprendre une traversée avec une drosse cassée au-dessus de force 5 Beaufort.

De plus, sur le plan de la sécurité, même si on navigue souvent au pilote, la barre roue est alors un élément de sécurité redondant, prête à parer à une défaillance de pilote.

Dans ce cas, ou en cas de panne électrique, on se retrouverait avec un voilier quasiment ingouvernable, que ce soit un mono ou un multicoque, une situation délicate.

Ceci même sur un catamaran, car au-delà trois nœuds, il devient difficile, voir impossible de se diriger aux moteurs seuls dans une mer formée.

L'autre extrémité de la drosse

L'autre extrémité de la drosse

L'essai de la barre de secours

La barre de secours de notre catamaran de 14 mètres se présente sous la forme d'une barre d'acier galvanisée, de section rectangulaire (30mm par 10mm de section) et d'une longueur de moins d'un mètre.

Son fonctionnement est simple : elle s'enfiche directement sur la tête d'un des safrans qui commande l'autre par l'intermédiaire de la barre de liaison.

Quand serait donc utilisée une telle barre de secours ?

En cas de panne de barre à roue et, simultanément en cas de panne de pilote automatique. Dans ces conditions, à moins d'être complètement cinglé, on devrait naviguer au moteur seul.

Et c'est en tenant compte de ce dernier détail que la position de barre, à la barre de secours, est très étudiée sur ce catamaran Aigrefeuillois, jugez plutôt : vous êtes confortablement installé... debout (!) sur un moteur tournant, donc.... chaud :-))) !!!!

Incident : Rupture de drosse de barre, barrer un multicoque avec la barre de secours

La barre arrive ainsi à 30 cm au dessus du niveau de la culasse, ce qui vous oblige à vous tenir penché. Penché dans le sens de la marche ou vers l'arrière ?

A ce stade vous avez le choix. Penché en avant, le regard dans le sens de la marche, vous n'avez pas de force et le bateau est absolument ingouvernable passé 1 nœud.

Vous vous tournez donc, dos à la marche, et passez la barre entre vos jambes. Dans cette position on est plus fort, mais impossible de dépasser les trois nœuds, tant le bras de levier de ce fer est trop court. Passé deux nœuds, on ressent la sensatrion que l'on va casser quelque chose...

Debout sur le moteur chaud, des heures durant...

Debout sur le moteur chaud, des heures durant...

Les conséquences des économies de bout de chandelle

Une drosse de barre de 6 mm de diamètre pour un voilier de 15 tonnes, c'est bien faible !! S'il n'est pas convenablement réglé ou s'il se détoronne, il ne reste pas grand-chose des 2.5 tonnes de résistance annoncées pour ce genre de câble.

Que faire avec une barre de secours d'un mètre de long que l'on devrait utiliser tourné vers l'arrière ? Un lest de palangre pour la pêche, tout au plus...

Pour porter le nom d'une barre de secours, il faudrait a minima qu'elle permette de contrôler le bateau à une allure habituelle, lui permettant de rentrer au port par ses propres moyens et l'aide de son moteur auxiliaire !

Quand on met en rapport les résultats financiers de certains chantiers avec des choix techniques dictés par ces résultats, on se dit que quelque chose doit changer. Les choix ou les résultats ?

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