10 Mai 2025
Le film Un homme et une femme, réalisé par Claude Lelouch, long-métrage emblématique du cinéma français est né d’un concours de circonstances imprévu.
Le cinéaste, alors en plein doute professionnel, décide un soir de quitter Paris sans destination précise. Il venait tout juste d’achever un film dont la projection test s’était soldée par un échec cuisant.
Déprimé, il monte dans sa Mercedes SL et prend l’autoroute de l’Ouest, roulant sans but.
C’est ainsi qu’il atterrit à Deauville, sans l’avoir planifié. Une fois arrivé, il s’arrête, reste dans sa voiture pour la nuit, et s’endort. À l’aube, un spectacle inattendu l’éveille : un soleil éclatant, une plage découverte par la marée basse, et une silhouette féminine marchant aux côtés d’un enfant et d’un chien. Cette scène, baignée d’une lumière rare, déclenche immédiatement une idée dans l’esprit du réalisateur. “En marchant vers elle, a commencé à venir l’histoire d’Un homme et une femme”, dira-t-il plus tard. En une heure à peine, les grandes lignes du récit s’étaient imposées à lui.
De retour à Paris, Lelouch couche sur papier cette histoire née d’un moment suspendu. Il imagine la rencontre entre deux personnes marquées par des deuils respectifs : une femme dont le mari s’est suicidé, et un homme ayant perdu son épouse dans un accident. Tous deux se croisent à Deauville, un lieu sans drame ni artifice, où la mer, le vent et les silences laissent place aux émotions. Le ton est donné : ce sera un film intimiste, à la narration épurée.
Le tournage commence quelques mois plus tard. Lelouch revient à Deauville, cette fois avec une caméra, une petite équipe et deux comédiens peu médiatisés à l’époque : Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée. Il tourne en grande partie en lumière naturelle, misant sur la météo et les atmosphères réelles pour renforcer l’authenticité du récit. Les décors sont simples : les planches de la promenade, la plage, une école, une gare. L’essentiel repose sur les gestes, les regards, les silences, et la célèbre musique de Francis Lai, composée sur mesure pour le film.
À sa sortie en 1966, Un homme et une femme connaît un succès immédiat. Il remporte la Palme d’or au Festival de Cannes, puis deux Oscars à Hollywood, dont celui du meilleur film étranger. Un exploit pour un long-métrage tourné dans l’urgence, avec des moyens modestes, et dont la genèse repose sur un enchaînement de hasards.
La lumière de Deauville, captée à travers les objectifs de Lelouch, devient inséparable de l’image du film. La station normande, dont l’élégance discrète est révélée par la caméra, s’ancre dans l’imaginaire collectif comme un décor de cinéma. Depuis, la ville entretient ce lien avec l’œuvre, au point d’y ériger une cabine de plage aux noms des deux acteurs principaux.
Ce film n’aurait peut-être jamais vu le jour si une nuit d’insomnie n’avait conduit Claude Lelouch sur les routes de Normandie. Ce n’était ni un projet prémédité ni une commande. C’est un geste de fuite, un réflexe de désespoir, qui l’a mené jusqu’à une inspiration soudaine. Ce matin-là, sur la plage déserte de Deauville, la fiction s’est imposée à lui dans un éclair de clarté.
L’histoire d’Un homme et une femme ne tient donc pas seulement à son récit ou à ses récompenses, mais à la manière dont elle est née : d’un moment réel, fugace et lumineux, qui s’est transformé en scénario. Une coïncidence visuelle devenue film. Un hasard, devenu classique.