4 Mai 2025
Construit en 1917 à Govan, en Écosse, le Train Ferry No. 3 faisait partie d’une série de trois ferries conçus pour assurer la liaison directe entre les réseaux ferroviaires britanniques et continentaux. Doté de voies ferrées intégrées à son pont, il permettait de charger et décharger des wagons entiers sans transbordement, accélérant le transport de matériel stratégique. Ce type de navire innovant, de 107m de long, pour 18,75m de maitre bau et 1326 tonnes, répondait aux besoins pressants du front occidental durant la Première Guerre mondiale.
Bien que terminé après la fin du conflit, le Train Ferry No. 3 trouva son utilité dans les années 1920 et 1930, assurant des liaisons commerciales entre le port d’Harwich et celui de Zeebrugge. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, le ferry fut réquisitionné par la Royal Navy et renommé HMS Daffodil. Il fut profondément transformé pour les besoins militaires. Dès 1941, il adopta une nouvelle configuration : celle d’un Landing Ship Stern Chute, capable de déployer des péniches de débarquement par une rampe arrière.
Dans ce rôle, le HMS Daffodil contribua à l’effort logistique allié, transportant troupes, véhicules et équipements à travers la Manche, dans un contexte où chaque traversée représentait un défi stratégique et un danger constant.
Le 17 mars 1945, alors que le conflit approchait de son terme, le navire quittait le port de Dieppe après une mission de livraison de matériel militaire. Dans la nuit, alors qu’il naviguait au nord de la jetée, il heurta une mine marine non détectée. L’explosion fut dévastatrice. En dépit des efforts de l’équipage pour contenir les voies d’eau et stabiliser le bâtiment, la situation se détériora rapidement.
Peu après minuit, le HMS Daffodil sombra dans les eaux de la Manche. Neuf marins perdirent la vie dans le naufrage. Le navire, qui avait traversé deux guerres mondiales et connu plusieurs vies, terminait son parcours sur le fond marin, au large des côtes normandes.
Aujourd’hui, l’épave repose par une trentaine de mètres de fond, à quelques kilomètres au large de Dieppe. Devenu un site de plongée et de pêche reconnu, le navire attire les amateurs d’histoire sous-marine et les passionnés d’archéologie navale. Ses structures encore visibles rappellent son origine de ferry ferroviaire, avec des vestiges de rampes et d’équipements d’arrimage.
Le HMS Daffodil illustre le destin singulier de certains navires civils réquisitionnés, modifiés, adaptés et finalement sacrifiés pour répondre aux besoins de la guerre. Il témoigne aussi des risques permanents liés à la navigation dans des zones infestées de mines, même à l’approche de la paix.
L’histoire de ce navire rappelle que l’arrière du front, tout comme les théâtres d’opérations principaux, fut le théâtre d’épreuves tragiques. Dans les derniers mois de la guerre, alors que la victoire semblait à portée de main, les dangers restaient bien réels. Le HMS Daffodil, à la croisée de la logistique militaire et de l’innovation navale, demeure aujourd’hui un marqueur silencieux de cette réalité.