19 Juin 2025
La déconfiture du chantier suédois Sweden Yachts, doublée de la condamnation de Mattias Rutgersson, met en lumière les dérives d’une gestion défaillante et les failles des protections offertes aux acheteurs dans le secteur du nautisme.
La réputation de Sweden Yachts, établie depuis 1974 sur la qualité de ses voiliers et le soin apporté aux finitions, n’a pas suffi à éviter un effondrement spectaculaire. Réputé pour des modèles emblématiques comme le Sweden 340 ou le 370, le chantier avait déjà connu un premier dépôt de bilan en 2008 avant de reprendre son activité en 2011, sous la houlette du groupe CR Yachts dirigé depuis 2017 par Mattias Rutgersson.
Le 11 juin 2025, la justice suédoise a mis un point final à un long processus judiciaire : Mattias Rutgersson a écopé d’un an de prison ferme, assorti d’une interdiction d’exercer toute fonction commerciale pendant trois ans. Ce verdict, prononcé par le tribunal d'Uddevalla, vient sanctionner plusieurs années d’opérations frauduleuses et de détournements.
Les pratiques mises au jour par les enquêteurs ont mis en lumière un système bien rodé. Rutgersson a orchestré le détournement de plus de quatre millions d’euros provenant des acomptes versés par des clients pour la construction de yachts. Dans bien des cas, les voiliers commandés n’existaient que sur le papier, ou sous forme de coques inachevées. Ces fonds servaient en réalité à régler des dettes personnelles ou fiscales du dirigeant, et non à financer les projets.
Lorsque la faillite du groupe a été déclarée à la fin de l’année 2023, les actifs disponibles ne représentaient qu’une fraction infime des créances : moins de 12 000 euros étaient encore identifiables, contre plus de 4 millions d’euros dus aux créanciers. L’administratrice judiciaire, confrontée à une comptabilité chaotique et incomplète, n’a pas été en mesure de déterminer précisément la date à laquelle l’entreprise s’était retrouvée en situation d’insolvabilité, même si les indices pointaient dès 2020.
L’effondrement du chantier trouve en partie ses racines dans la crise sanitaire : la pandémie de Covid-19 a gravement perturbé les chaînes d’approvisionnement et ralenti les livraisons. Entre 2020 et 2023, des acheteurs, parfois engagés à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros, ont vu leurs projets échouer sans espoir de livraison ni de remboursement, en l’absence de garanties solides ou d’assurances spécifiques.
La justice suédoise a relevé pas moins de sept infractions graves aux obligations comptables de l’entreprise. Les comptes annuels n’ont jamais été déposés malgré de multiples relances, et les pratiques de gestion ont aggravé les difficultés du chantier. Le tribunal a souligné la gravité des faits, rappelant que Rutgersson avait déjà été condamné dans le passé pour des infractions similaires, ce qui a écarté toute alternative à l’emprisonnement.
Au-delà de la sanction individuelle, cette affaire jette une lumière crue sur les vulnérabilités de l’industrie nautique face à ce type de dérives. Le naufrage de Sweden Yachts laisse derrière lui un chantier à l’arrêt, des sous-traitants impayés et une clientèle flouée. Ce scandale pourrait relancer les discussions sur la nécessité de renforcer les outils de protection des acheteurs : contrôle plus strict de la santé financière des chantiers, garanties bancaires, ou encore assurances sur les acomptes versés.
L’affaire Sweden Yachts illustre les risques d’une confiance mal placée lorsqu’un dirigeant exploite la notoriété d’une marque prestigieuse pour dissimuler des pratiques condamnables. Pour la filière nautique européenne, ce cas pourrait bien servir d’avertissement et encourager un sursaut en faveur d’une plus grande transparence et d’une vigilance accrue. L’objectif : restaurer la confiance indispensable au bon fonctionnement de l’industrie et protéger les investisseurs comme les plaisanciers.
Décryptage - cela faisait des années que la situation du chantier n'était pas claire, et faisait jaser les professionnels suédois du nautisme, notamment pour ses créations de sociétés temporaires destinées à porter des projets clients, et pour la différence manifeste entre sa communication produit, et la réalité de son outil industriel. Une bonne visite de chantier, est généralement un bon indicateur sur la réalité d'une entreprise. Actunautique avait d'ailleurs pris le parti de ne pas parler de ce chantier....