1 Juin 2025
La saison 2025 marque une étape importante pour la commune de Ramatuelle, avec l’ouverture progressive d’une Zone de Mouillages et d’Équipements Légers (ZMEL) dans la baie de Pampelonne. Cette initiative vise à encadrer les pratiques de mouillage dans une zone très fréquentée du littoral varois, où la pression touristique est particulièrement forte en haute saison.
Concrètement, 210 bouées ont été installées dans cette zone, classée Natura 2000, où la protection des herbiers de posidonie est une priorité. Ces structures permettent d’amarrer les navires en surface, sans recourir à des ancres susceptibles d’endommager les fonds marins. La ZMEL s’adresse à tous types de bateaux, y compris ceux de plus de 24 mètres, souvent exclus des zones de mouillage classiques.
Le projet a été confié au groupe Edeis, spécialiste de l’ingénierie et de l’exploitation d’infrastructures, en partenariat avec sa filiale Corinthe Ingénierie. Il inclut à la fois la conception technique, les travaux sous-marins – réalisés par l’entreprise Trasomar – et la gestion opérationnelle de la zone. L’investissement global s’élève à 7 millions d’euros, financé dans le cadre d’une délégation de service public.
L’enjeu principal concerne la préservation des herbiers de posidonie, un habitat marin considéré comme prioritaire par l’Union européenne. Ces plantes sous-marines, qui couvrent d’importantes surfaces en Méditerranée, assurent des fonctions écologiques multiples : refuge pour la faune, stabilisation des sédiments, captation du carbone. À superficie égale, elles peuvent absorber jusqu’à huit fois plus de CO₂ qu’une forêt tropicale.
Selon les données communiquées, le recours aux mouillages écologiques permettrait de diviser par 26 le nombre de points d’ancrage et d’éviter de perturber près de 300 m² d’herbier. La phase de travaux a été conduite sans dragage, avec des techniques censées limiter au maximum l’impact sur l’environnement.
La ZMEL s’inscrit dans une stratégie plus large de gestion intégrée du littoral, amorcée en 2015 avec l’adoption d’un Schéma d’aménagement de la plage de Pampelonne. Celui-ci encadre depuis près de dix ans les usages terrestres et balnéaires sur cette portion emblématique du littoral varois. L’extension en mer de cette démarche vise à répondre à des conflits d’usage croissants entre activités touristiques, ancrages sauvages, et exigences de protection du milieu naturel.
Pour la commune, l’enjeu est également économique. La baie de Pampelonne accueille chaque année plusieurs milliers de bateaux, générant un chiffre d’affaires estimé à plus de 50 millions d’euros, notamment à travers les 27 établissements de plage installés sur le site. Les emplois directs liés à cette activité se comptent par centaines.
Dans ce contexte, la régulation du mouillage vise à préserver l’attractivité touristique tout en assurant un encadrement plus strict des pratiques. Les bouées installées sont censées offrir une alternative à l’ancrage libre, parfois problématique en haute saison. Selon la commune, le dispositif permettrait de concilier fréquentation nautique et réduction de l’impact écologique.
Du point de vue réglementaire, la création d’une ZMEL dans un site Natura 2000 découle d’orientations européennes en matière de conservation de la biodiversité. Le document d’objectifs du site identifie le mouillage comme une pression significative sur les habitats marins. La mise en place d’équipements fixes, positionnés de manière à éviter les zones sensibles, est considérée comme une solution adaptée.
Le dispositif reste cependant conditionné à l’adhésion des usagers. Une campagne d’information est prévue pour sensibiliser les plaisanciers aux enjeux de préservation et à l’usage des bouées mises à disposition. La gestion quotidienne de la ZMEL a été confiée à David Morillon, ancien responsable du port de Saint-Tropez, choisi pour son expérience des spécificités locales et des attentes des capitaines de grands yachts.
Pour le maire de Ramatuelle, Roland Bruno, la mise en service de la ZMEL est la suite logique du travail amorcé à terre. « Il s’agissait d’appliquer en mer les mêmes principes de gestion que sur la plage, afin de mieux organiser les usages », explique-t-il. Le recours à Edeis s’est imposé, selon lui, en raison de l’expertise technique de l’opérateur et de sa capacité à proposer un dispositif à la fois opérationnel et respectueux de l’environnement.
Du côté d’Edeis, le projet s’inscrit dans une stratégie de diversification. L’entreprise, présente dans 19 aéroports, 5 ports et plusieurs sites culturels, revendique une expertise dans l’accompagnement des collectivités. Sa filiale Corinthe Ingénierie, intégrée au groupe en 2024, a assuré la conception des ancrages, tandis qu’un contrôle rigoureux des risques géotechniques a été mis en place pour sécuriser les travaux.
La commune de Ramatuelle prévoit une montée en charge progressive du dispositif à partir de l’été 2025. Si les premiers retours sont jugés positifs, la ZMEL pourrait devenir un modèle pour d’autres sites du littoral méditerranéen confrontés à des tensions similaires entre fréquentation touristique et fragilité écologique.
En dépit de son coût et de sa complexité technique, le projet de Pampelonne repose donc sur un pari : celui d’une conciliation possible entre économie locale, préservation des écosystèmes marins, et organisation des usages du littoral. Un équilibre difficile à atteindre, mais de plus en plus nécessaire dans les zones côtières sous pression.
Décryptage - tout le succès d'un tel système résidera dans le système de réservation des bouées, et leur coûit éventuel, en faisant en sorte qu'elles ne soient pas accaparées pendant toute la saison par certains acteurs - armateurs - économiques de poids, au détriment du plaisancier lambda, ce qui a terme, signifierait une privatisation des mouillages.