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Prix de l'anneau - les députés décident de favoriser les propriétaires de gros bateaux

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La réforme votée par les députés et publiée au JO le 29 décembre 2012, qui s'appliquera à compter de janvier 2014, relative au changement de calcul de la taxe foncière appliquée aux ports de plaisance, pénalisera surtout les propriétaires de petits bateaux.

 

Si les députés français voulaient un calcul de la taxe foncière plus juste pour les plaisanciers, disons-le tout net, c'est raté, ce qui fait dire à d'aucuns que dans le meilleur des cas, ils n'ont rien compris au - complexe - texte fiscal qui leur était soumis par les services de Bercy... 

Actunautique.com a tenté d'en savoir plus sur ce dossier, sachant que la hausse moyenne directe du prix de l'anneau, issue du vote des députés, devrait être comprise entre 5 et 20% !!

Comme n'importe qu'elle entreprise privée, les ports de plaisance sont soumis à l'impôt, qu'ils soient publics ou privés. A ce titre, ils acquittent donc la taxe foncière, une fiscalité relativement lourde, qui rentre dans leurs charges, et qui est donc logiquement intégrée dans le prix de l'anneau réglé par les plaisanciers.

Un contentieux existe depuis des années dans ce domaine avec les services fiscaux de l'Etat, qui oppose les ports de plaisance français et le Ministère du Budget. Au début des années 1970, les servics fiscaux français ont mis en place un système de calcul de la taxe foncière forfaitaire, basé sur une valeur locative du poste d'amarrage, s'élevant à 700 Francs.

Un port de plaisance qui avait 100 postes d'amarrage avait donc une valeur locative de 70000 Francs. A cette valeur locative, les services fiscaux pouvaient ajouter un coefficient de commercialité compris entre 1 et 20%. A titre d'exemple, les ports de plaisance de la Côte d'Azur étaient à 20%, ceux de Languedoc-Roussillon plutôt aux alentours de 10-15%.

La taxe foncière était ensuite élaborée à partir de cette valeur locative, par les collectivités locales, et pouvait donc varier, d'un port à l'autre... 

 

Acte 1
La méthode forfaitaire jugée illégale

En étudiant les textes fiscaux, certains ports de plaisance, notamment Port Vauban à Antibes, se sont rendus compte que le principe même du calcul forfaitaire de la valeur locative du port était illégal, car non inscrit dans le Code Général des Impôts, et ont donc décidé d'attaquer le ministère du Budget devant la juridiction administrative.

Un combat de longue haleine qui aura duré des années, qui est remonté jusqu'au Conseil d'Etat, devant les appels de Bercy, et qui a vu la victoire dans les années 90 de Port Vauban, la méthode forfaitaire décrétée par les services fiscaux étant jugée illégale !

Forts de cette jurisprudence, de nombreux autres ports de plaisance, dans les années 90, ont attaqué l'Etat au même motif, notamment Port Camargue, Le Cap d'Agde, Palavas, pour gagner, à chaque fois ! 

 

Acte 2
La méthode classique de calcul de la valeur locative défavorable à l'Etat

Dans ce contexte, la méthode de calcul de la base de la taxe foncière devait se faire selon différentes méthodes, notamment selon celle de l'appréciation directe, la valeur locative étant la valeur du bien que l'on veut louer. A titre d'exemple, la valeur locative d'un hôtel, n'est pas égale à la somme du prix de location des chambres ! Il en est de même pour un port de plaisance. Pour calculer une valeur locative, la méthode indiquée dans le code Général des Impôts part ainsi du coût de construction du bien, en y intégrant des coefficients d'entretien et de vétusté.

Au final, il s'est avéré que la valeur locative des ports de plaisance recalculée selon cette méthode était bien moins importante que celle obtenue par le biais du système forfaitaire décrété par Bercy, et en vigueur depuis les années 70. 

Le directeur d'un port de plaisance nous a ainsi indiqué que sur la base de 700 francs l'anneau, l'avis d'imposition de son port de plaisance au titre de la taxe foncière, calculée selon le système forfaitaire était d'environ 800 000 euros, cette taxe ayant été ramenée à 270 000 euros, suite à la décision du Conseil d'Etat...

Il va sans dire que tous les ports ayant attaqué les services de l'Etat devant la juridiction administrative ont obtenu ou vont obtenir des dégrèvements fiscaux de grande ampleur, ce qui n'a pas lassé d'inquiéter Bercy...

 

Acte 3
Où Bercy fait modifier le Code Général des Impôts via les Députés

En 2012, voyant le nombre de contentieux en cours, les services fiscaux ont décidé de réagir, en faisant modifier le Code Général des Impôts. La Loi de Finance rectificative votée par les députés français, parue le 29 décembre 2012, a donc légalisé la méthode forfaitaire : ce qui était illégal, l'est devenu de facto !

Cerise sur le gâteau, les services fiscaux en ont profité pour faire passer la valeur locative forfaitaire de l'anneau de de 700 francs... à 110 euros (721 Francs), profitant aussi de l'occasion pour légaliser le principe de coefficient de commercialité, coefficient établi par chaque Commission Départementale des Finances, qui module l'assiette de la taxe foncière de +/- 40%, selon sa localisation de chaque port.

Dans le Sud de la France, les hypothèses prises par les directeurs des ports de plaisance aboutissent à une augmentation directe de la taxe foncière comprise entre 0% (cas unique) et 200% !! Un directeur de port nous a ainsi confié que sa facture passerait de 800 000 euros à près de 1 million d'euros, augmentation que devront donc payer les plaisanciers !

En parallèle, les services fiscaux ont décidé de profiter de cette nouvelle loi pour réactualiser le nombre de postes d'amarrage de chaque port, leurs bases datant jusqu'à présent de... 1970, bases qui n'avaient pas été mises à jour du fait sans doute de l'illégalité de la méthode forfaitaire... Le nombre de postes d'amarrage ayant explosé depuis les années 70, il va sans dire que cette actualisation brutale, non étalée dans le temps, augmente de façon plus brutale encore la valeur locative de chaque port, sachant que le coefficient de commercialité peut en multiplier d'autant plus le montant.

 

Acte 4
Vers un doublement de la taxe foncière des ports de plaisance

Selon des estimations obtenues de la Fédération Française des Ports de Plaisance (FFPP), la taxe foncière des ports de plaisance de la Méditerranée devrait quasiment doubler en 2014, une estimation sur l'ensemble du pays n'étant pas encore disponible... La taxe foncière représentant en moyenne 10% des charges d'un port de plaisance, le doublement moyen de son montant engendrera une hausse du prix de l'anneau de 10% pour les plaisanciers, selon les calculs établis pour ActuNautique.com, par le directeur d'un port.

Au national, en fonction des mises à jour du nombre de postes d'amarrage, et l'application des coefficients de commercialité, la facture du plaisancier augmentera entre 5 et 20%, au 1er janvier 2014 !

 

Acte 5

Les propriétaires de petits bateaux seront les plus pénalisés

Paradoxe de la loi de finance rectificative votée par les députés français, ce sont les ports de plaisance hébergeant des petits bateaux, qui seront les plus affectés, et les plaisanciers les moins fortunés qui paieront !

Car à y regarder de plus près, le système forfaitaire choisi par le législateur paraît socialement bien injuste, car si le prix d'une place de port varie de 1 à 30, par exemple, sur la Côte d'Azur, entre une place destinée à un bateau de 5m et celle destinée à un yacht ou un superyacht, la base de calcul de sa valeur locative est la même, avec pour seule modulation possible, le coefficient de commercialité allant de +/- 40% !

Ainsi, la valeur locative d'un port de plaisance hébergeant des petits bateaux de 5/6 mètres, ayant le même nombre de postes d'amarrage qu'un port hénergeant des superyachts, aura une valeur locative au pire équivalente, au mieux différente du fait du coefficient de commercialité de 130%, pour des prix d'anneaux variant eux de 1 à 30...

Comme justice fiscale, on aura connu mieux, et la méthode de calcul classique d'une valeur locative, semblait bien plus juste, puisque basée sur le coût de construction d'un port, corrigé de coefficients de vétusté et d'entretien. Les grands ports de plaisance, attirant des grosses unités seront donc les moins touchés par cette nouvelle fiscalité forfaitaire. Il n'en est pas de même pour les ports de plaisance hébergeant des petits bateaux.

En décidant de taxer avant tout les propriétaires de petites unités - les plus nombreux il est vrai - les députés français ont fait un vrai choix !

Nul doute que sur les pontons, ce choix sera amèrement apprécié et commenté...

 

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