ActuNautique.com

Juridique - Noyade lors d'une baignade sur le littoral : quelle responsabilité pour le maire ?

Jerôme Heilikman, président de Legisplaisance et responsable de la rubrique Juridique d'ActuNautique  répond à cette question...

photo - N Venance

photo - N Venance

Par une décision du 7 février 2019, le Tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Saint-Trojan sur l'île d'Oléron d'une amende de 234.000 euros de dommages-intérêts, reconnue coupable de la noyade d'un couple de touristes.

Dans son jugement, le Tribunal a relevé que la plage de Maumousson, terminus d'une balade touristique, présentait un lieu de baignade dangereux avec de forts courants et des baïnes. Or, la signalisation indiquant que la baignade était interdite, était très peu visible, et qui plus est dirigé vers la mer et caractérisait de graves insuffisantes.

Cette affaire permet de rappeler les prérogatives du maire en matière de police des baignades et des activités nautiques.

Avant même la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite "loi littoral", le juge administratif avait consacré la responsabilité du maire en mer au nom de son pouvoir de police administrative générale.

  • Conseil d'Etat du 13 mai 1983 Dame Lefebvre : reconnaissance d'un véritable service public de prévention et d'intervention en matière d'accidents susceptibles de se produire au cours de baignades
  • Conseil d'Etat, 5 février 1971 arrêt le Fichant et du 13 mai 1983 veuve Lefebvre : obligation d'information du public et d'organisation préventive des secours. Cette obligation concernait tant les zones aménagées que les zones non surveillées mais habituellement fréquentées
  • Conseil d'Etat du 23 mai 1958 Consorts Amoudruz confirmé par leConseil d'Etat du 4 octobre 1961 Dame Verneuil : la responsabilité de la commune est engagée en cas de faute simple pour défaut de prévention et de signalisation ou en cas de faute lourde dans l'exécution des mesures d'intervention.

La loi littoral  n'a pas changé cet état antérieur du droit, mais est venue combler un vide normatif avec une codification des obligations du maires au sein de l'article L 2213-23 du Code général des collectivités territoriales 

"Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux.

Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux.

Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours.

Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés.

Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées."

A l'appui de ces dispositions :

  • Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités.
  • Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours.
  • Il délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante.
  • Il détermine les périodes de surveillance. Hors zone et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés.

En aparté, la limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux pour déterminer la compétence territoriale du maire est sujette à discussion. N'aurait-il pas été plus opportun de prendre comme référentiel la laisse de basse mer, la limite des eaux étant fluctuante au gréé des marées, à l'exception de la Méditerranée, et par conséquence, le champ de la responsabilité également ?

Les obligations du maire diffèrent selon que l’on est en présence d’un lieu de baignade aménagée ou d’un lieu de baignade libre. Hors zone et périodes définies, les baignades et activités nautiques sont par principe autorisés. Mais, pas plus que dans l'hypothèse des zones d'interdiction, les communes ne peuvent se considérer comme totalement exonérées de leur responsabilité. Autrement dit, le maire sera tenu responsable s'il a omis de signaler l'existence de dangers incontestables ou n'aura pas pris les mesures nécessaires à l'intervention rapide des secours.

Par ailleurs, dans les deux situation (lieu de baignade aménagé ou libre), la jurisprudence a dégagé deux principes majeurs qui gouvernent l’exercice du pouvoir de police par le maire :

  • le maire doit faire signaler les dangers ;
  • le maire doit prendre toutes les mesures préventives que requiert l’organisation des secours en cas d’accident.

Si le maire est chargé par ces dispositions du maintien de l'ordre dans la commune, il doit concilier l'accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois. Il en résulte que les mesures de police édictée par le maire d'une commune du littoral en vue de réglementer l'accès à la plage et la pratique de la baignade doivent répondre à trois exigences :

  • Etre adaptées
  • Etre nécessaires
  • Etre proportionnées au regard des seules nécessités de l'ordre public, telles qu'elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu'impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l'hygiène et la décence sur la plage.

Il n'appartient donc pas au maire de se fonder sur d'autres considérations et les restrictions qu'il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d'atteinte à l'ordre public. il lui est enfin interdit de se retrancher derrière une formule d'interdiction générale.

Sources :

Droits Maritimes, Sous la dir. de Jean-Pierre Beurier, Ed. Dalloz, 2015-216
Droit du littoral, Norbert Caldéraro, Coll. l'actualité juridique, Le Moniteur, 1993
Droit du littoral et de la mer côtière, Sous la direction de J.-M. Becet et D. Le Morvan Economica 1991
Police et Responsabilité municipales sur le littoral après la loi du 3 janvier 1986, Les petites affiches
septembre 1987
La loi littoral et les pouvoirs de police des maires, Jean-Claude Helin. (revue française de droit
administratif 1986

 

Association Legisplaisance
20 Ter Rue Salvador Allende
17 440 AYTRE

http://www.legisplaisance.fr
http://www.facebook.com/legisplaisance
http://www.twitter.com/legisplaisance
https://www.linkedin.com/groups/8489444
 

Partager cet article

Repost0