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L’Union Européenne fait entrer le nautisme dans sa stratégie verte, avec une démarche très pragmatique

La publication du Sustainable Transport Investment Plan (STIP) par la Commission européenne marque une étape inédite pour l’industrie nautique. Pour la première fois, les bateaux de plaisance apparaissent dans une stratégie communautaire d’investissement liée à la décarbonation des transports. Ce signal politique ouvre la voie à de nouvelles sources de financement, à un cadre technologique plus large et à une reconnaissance accrue du rôle économique du secteur dans la transition écologique.

L’Union Européenne fait entrer le nautisme dans sa stratégie verte, avec une démarche très pragmatique

Le STIP dévoilé par la Commission européenne introduit une évolution majeure : la prise en compte explicite des unités de plaisance dans ses orientations d’investissement pour la transition énergétique du transport. Jusqu’à présent, les politiques européennes consacraient l’essentiel de leurs dispositifs aux segments commerciaux du maritime, laissant en marge un marché de la plaisance qui représente pourtant plusieurs milliers d’entreprises et un parc vieillissant d’embarcations à moderniser.

Le document stratégique souligne que, contrairement au transport marchand, les bateaux de plaisance connaissent une « faible vitesse de renouvellement ». Dans ce contexte, la Commission évalue qu’en l’absence d’objectifs obligatoires, plus de 90 % du parc pourrait être progressivement alimenté par des carburants renouvelables dits « drop-in », compatibles avec les moteurs thermiques existants. Cette orientation reflète une approche technologique volontairement ouverte : aucune filière énergétique ne s’impose, et l’UE considère l’électrification, les carburants synthétiques, le HVO, le méthanol vert ou encore l’hydrogène comme des options pertinentes selon les usages.

Cette reconnaissance institutionnelle arrive alors que l’industrie de la plaisance plaide depuis plusieurs mois pour un cadre lisible. L’European Boating Industry (EBI), qui s’est engagée dans un dialogue continu avec Bruxelles, voit dans ce plan une première réponse à ses demandes. Pour son secrétaire général, Philip Easthill, l’intégration explicite des bateaux de plaisance confirme que le secteur « devient un élément reconnu » de la stratégie de décarbonation européenne et qu’il pourra bénéficier d’une feuille de route adaptée à ses spécificités.

L’un des volets centraux du plan concerne le financement. La Commission mobilisera près de 2,9 milliards d’euros d’ici 2027, visant à générer plus de 100 milliards d’investissements totaux à l’horizon 2035. Une part de ces fonds pourrait bénéficier au nautisme, notamment pour soutenir les carburants alternatifs, les motorisations hybrides ou électriques et les infrastructures portuaires nécessaires à leur déploiement. Les marinas, souvent limitées par leurs moyens d’investissement, figurent parmi les acteurs susceptibles de profiter de nouveaux mécanismes d’aide pour la certification des carburants, la traçabilité ou des systèmes de type « book and claim ».

Par ailleurs, le STIP évoque de futurs outils destinés à encadrer la filière des carburants renouvelables pour les petites unités. Ces mesures visent à faciliter l’accès à ces énergies pour les opérateurs de taille modeste, afin que la transition ne se limite pas à quelques chantiers ou à certaines catégories de navires.

Cette dynamique intervient dans un contexte plus large d’évolution des politiques industrielles européennes. Deux initiatives majeures sont attendues en 2026 : la stratégie industrielle maritime de l’UE et une stratégie européenne du tourisme durable. L’EBI prévoit de poursuivre ses échanges avec les institutions pour que le nautisme y soit pleinement intégré, notamment en matière d’infrastructures, de technologies propres et d’harmonisation réglementaire.

Si le STIP ne constitue qu’une première étape, il redéfinit néanmoins le positionnement du nautisme de plaisance dans les politiques européennes. En intégrant ce secteur dans son approche transport, la Commission ouvre un champ d’action nouveau, susceptible d’influencer les investissements, l’innovation et la transition énergétique d’une industrie longtemps restée en marge des dispositifs communautaires.

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