11 Décembre 2012
Depuis la dépression, les esprits sont plus à la pêche et la baignade qu'à la régate ! La grand voile affalée, on avance sous spi ou avec les voiles d'avant en ciseaux, on espace encore davantage les quarts, la chaleur devient humide : c'est un fait, nous sommes sous les tropiques et naviguons piano piano vers une arrivée probable le 12/12/12... :-)
Le 11 décembre 2012. 15* 16'840N - 56* 34'911O.
Les Internets
Tout d'abord, permettez-moi une plainte : le réseau wifi et les free hotspot marchent TRES mal ici. Et pas un MacDo à des km à la ronde pour prendre le relais... Et surtout pas UN responsable à qui s'adresser ! C't'uneu honte.
La pêche
Deux cannes à pêche de compèt' et une ligne de traîne : nous avons sorti l'attirail et avons déjà pêché deux poissons ailés, des "sword fish" ! L'eau et le soleil leur donnaient une couleur bleue irisée incroyable... qu'ils ont perdue quelques minutes après qu'on les ait sortis de l'eau, pour prendre la même teinte que tous ceux que l'on trouve sur les étalages des poissonniers.
Ce qui signifierait que tous ceux-là possédaient aussi des couleurs épatantes... La mécanique est bien rôdée : dès que la canne à pêche donne l'alerte, Alvaro se met à poste et commence à mouliner doucement. Romain et Oscar grimpent enrouler les voiles pour réduire notre vitesse, Julian a mis en place un astucieux système pour accrocher la GoPro au bout d'une perche, afin de pouvoir filmer le poisson sous l'eau.
Romain les chope au crochet puis les "endort" avec du rhum dans les ouïes. Vient la photo traditionnelle un peu ambiance "cow-boy" : chacun revêt sa camiseta del Capricho et exhibe son trophée, puis Alvaro le découpe... Et puis immédiatement après... on mange des sashimis ! (d'où la sauce soja :-)) Vive les purs omega 3. Pardon ? Et moi qu'est-ce que j'ai fait là- dedans ?! J'ai nettoyé le sang et un peu découpé les sashimis... :-) A partir de maintenant, l'objectif est de pêcher un "mahi-mahi", le poisson qui semble faire saliver tout le monde. Si on pêche autre chose, on fait un catch & release, promis !
Sciences de la Vie et de la Terre
Ou plutôt du ciel. En ce moment, la lune est en croissant et elle se fait bien attendre... 1h, 4h du matin... Cette nuit elle n'est même pas venue. Ensuite elle traînasse toute la matinée dans le ciel, peinarde, elle prend le soleil. Ces considérations sont d'une banalité crasse, on a tous vu la lune en croissant, la lune en pleine journée, mais ça prend ici une autre dimension car on observe le même phénomène TOUTES LES NUITS, pendant plusieurs heures (je n'oserais pas dire que c'est notre principale distraction !) et on constate que chaque nuit, c'est différent !
Cette vie au grand air est réellement régénérante : vivre pieds-nus, sentir le soleil et le vent sur sa peau à peu près 15h/24h, sortir de sa chambre et être immédiatement dehors, qu'il pleuve, qu'il vente... ou qu'il fasse un temps de rêve ! Voir chaque soir quelques ou un millier d'étoiles, et toujours deux ou trois étoiles filantes si l'on prend la peine de patienter 10 minutes le nez en l'air.
Nous sommes sans doute dans l'un des seuls endroits où le paysage était absolument identique il y a quelques millions, milliers ou centaines d'années, non ? Les conquistadores ont du voir et ressentir exactement les mêmes choses que nous au même endroit : étoiles, vagues, coups de vent, pluies, chaleur, etc... Excepté les avions (rares) et cargos (aussi) mais avec quelques galions de guerre et bateaux pirate en plus, soit...
En direct des quarts, avec notre ami le pilote automatique
Romain entre dans la danse et reprend un quart : nous passons à des quarts de 2 heures espacés de 6... Le Club Med ! Seulement mon organisme a pris le pli et je ne dors pas plus de 4/5h d"affilés... Bon organisme.
Sans grand voile, nous avons le vent "plein-cul" :-). Le spi alterne avec le couple genaker-genois ou genois-trinquette, ce qui donne quelque chose d'assez beau que les français appellent "voiles en ciseaux" et les hispaniques, "orejas de burro" (oreilles d'âne).
Beau mais pas pratique : on ne voit plus rien devant ! Le capitaine est formel : regarder toutes les dix minutes sous les voiles car plus nous approchons des côtes plus nous avons de chances de rencontrer d'autres embarcations. Ca revient vite dix minutes. Et puis c'est rare de voir un copain mais nous obtempérons et quand nous en repérons un à 20 km à la ronde, nous décortiquons toutes les infos que nous pouvons trouver sur lui : voilier ou cargo, taille, vitesse, cap, destination... ça ne nous sert à rien mais ça nous occupe !
Alors donc puisque tout le monde a bien lu les conseils de Romain quant à l'utilisation des voiles d'avant, tout le monde se dit "oulala, attention à la pression sur le mât !" Bravo : nos quarts sont désormais consacrés à surveiller la vitesse réelle du vent et les nuages noirs et épais venant de l'arrière (grâce au radar mais surtout en nous retournant et en scrutant avec nos petits yeux), nuages qui pourraient nous apporter des coups de vent. Suivre l'orientation du vent si nous sommes sur pilote automatique ou vérifier que notre cap ne devient pas absurde si nous sommes en mode vent.
Le mode vent est top : on dit au pilote : je veux que tu gardes toujours le même angle avec le vent (172 degrés tribord, par exemple), comme ça mes voiles sont bien réglées et toi tu modifies le cap pour que le vent entre nickel dans mes voiles (ça évite que les voiles ne claquent - pas bon pour le mât ! - et que l'on empanne par erreur). C'est magique. Mais je dois dire qu'il est un peu fourbe, le pilote, et heureusement qu'il est accompagné de beaucoup d'électronique. On lui dit "fonce aux 235 degrés !" (notre cap pour arriver à Saint Lucia), il répond "OK !". Eh bien heureusement que l'on a un petit écran GPS avec un indicateur de cap réel à côté car avec les courants et je ne sais quels autres facteurs, on voit bien que parfois, si on gardait ce cap, on se retrouverait en Martinique !
Bref il y a plein d'écrans et plein d'infos super... qu'il faut savoir déchiffrer.
Le bulletin météo
A propos de déchiffrer, j'ai eu hier entre les mains un extrait de Bloc Marine avec des infos sur les vents, la formation d'une dépression, lire une carte météo, qu'est-ce que la brise de mer, un front chaud... C'est conplexe mais c'est chouette de comprendre un peu ce qu'il se passe tous les jours dans le ciel et qui nous affecte directement... Et ça me servira peut être au cours de mon voyage à vélo...
Pères et fils
Alvaro et Julian, Patrice et Charles-Etienne, les pornicais... J'imagine qu'il y en a beaucoup d'autres, des pères et des fils qui font cette traversée ensemble. Les longues heures partagées pendant les quarts de nuit, notamment, doivent être des moments sacrément privilégiés. Une belle chose à faire même si on s'accorde au féminin, d'ailleurs...
The end ?
Pim pam poum, après 14 jours de mer, nous sommes actuellement à 155 milles nautiques de Saint Lucia, et nous serons demain le 12/12/12... L'étau se reserre sur le pronostic mystique d'Alvaro :-). Reste à savoir à quelle heure le vent nous portera sur la ligne ! En attendant, grand ménage de printemps afin de pouvoir profiter a tope des deux pitons et des plages de cette île qui me paraît idyllique... Qui eu cru qu'un jour je me retrouverais aux Antilles ?!
C. Rebours
"A Rumbo Libre en Amérique du Sud"