30 Novembre 2012
C'est désormais bel et bien parti et l'aventure, la vraie, commence ! En ce deuxième jour de mer, nous pouvons recommencer à envisager d'écrire...
A bord de Capricho, le jeudi 29 novembre, 16h. 26* 53,2'N 24* 18,2'O
"Il y eut un soir, il y eut un matin, ce fut le premier jour". Je ne suis pas abonnée à La-Bible-Point-Com mais j'ai toujours aimé la simplicité de cette phrase.
Et je crois ressentir sa justesse. Les journées ne sont plus définies par nos cycles de sommeil (nous tentons de nous habituer au rythme des quarts, les paupières sont fourbes, elles profitent parfois d'un clignement de l'œil pour se fermer et ne plus se rouvrir...), mais par ceux du soleil et de la lune. Ce qui permet, je me rends compte combien c'est rare, d'observer la lune durant plusieurs heures. Et, du coup, de me poser plein de questions à la mord-moi-le-noeud : chez nous, le soleil passe au sud, mais dans l'hémisphère sud, il passe au nord. Il passe donc sur l'équateur, plus ou moins bas selon les saisons. Mais alors pourquoi les saisons sont-elles inversées ?!
Quand le soleil est bas, il l'est pour tout le monde ! Je me mets à regretter mes cours de physique, ou était-ce la SVT...? Bref c'est loin et sans accès à internet, je me pose les mêmes questions que Léonard de Vinci & co. La loose...
Départ
Nous avons pris mardi un départ incroyable, seul "The Intrepide Bear" était devant nous. Feliz étant derrière nous, il me donne l'occasion de filmer et photographier ce second Lagoon 560 sous toutes ses coutures, puis, certainement pour compléter ce shooting, il nous passe devant ! (vidéos à venir...).
Stratégie
Nous prenons l'option de contourner l'île de Gran Canaria en mettant le cap très au sud, pour éviter d'être déventés, Feliz coupe plus près de l'île sans être déventé : il fait moins de route avec tout autant de vent et prend donc l'avantage. Depuis la Colombie, notre 6ème équipier suit tout cela de très près !
Quarts
Dès mardi midi, Romain met en place l'organisation des quarts : Oscar, Julian et moi veillerons pendant les trois prochaines heures, puis il prendra le relais avec Alvaro. J'ai de la chance, j'assiste au coucher et au lever du soleil ! Première étape : vérifier que le vent ne tourne ni ne forcisse trop, que la vitesse reste correcte (pour tout cela nous avons des repères chiffrés), et bien sûr observer la mer pour anticiper les rencontres impromptues : le premier voilier que l'on rencontre nous grille proprement la priorité ! Dans un premier temps, nous nous contentons d'observer. Si notre chef de quart n'est pas là, nous l'alertons.
Aujourd'hui, deuxième jour, j'ai pris mon premier quart seule pendant une heure, avec la possibilité de modifier le cap dans une fenêtre de 20 degrés :-). Malgré sa grande taille, je sens le bateau réagir, c'est génial ! J'essaye de prendre des petits surfs, comme avec le DragonFly, mais ça marche moyen, j'ai peut être encore besoin d'entraînement... Nous maintenons notre stratégie de passer au nord, pour profiter de la dépression qui devrait arriver dans deux jours, qui devrait nous permettre de redescendre au sud comme des balles ! (Parcours de la flotte à suivre en direct sur http://worldcruising.com/arc/eventfleetviewer.aspx.) Si pas de bol, nous aurons pétole : pas de vent. Dommage pour la régate, dommage pour leur Noël en famille mais j'espére secrètement que nous en aurons un peu pour lézarder et lire au soleil, voire même me baigner dans l'océan si j'ose !!
Quarts et froid
Pendant les quarts de nuit, je fais l'oignon. Il ne fait pourtant pas froid mais le vent, la position statique et certainement la fatigue gèlent la frileuse que je suis ! Je finis peu à peu par sortir mes atouts pensés pour Ushuaïa et la Cordillère des Andes (laine de merinos + sous pull synthétique + polaire + Gore-tex !).
Quarts et musique
Également pendant les quarts de nuit, je sors mon MP3. Incroyable comme la musique et la mer s'accordent à merveille. Je découvre la sélection de mes amis. Chacun m'a conseillé une à trois chansons à emporter, Victor et Yann ont complété : un bon moyen de les embarquer tous avec moi et de faire de belles découvertes, comme un cadeau à retardement, qui durera tout au long de mon voyage. Vos morceaux sont formidables, merci, j'apprécie énormément !
Alimentation
Comme annoncé par Romain et Oscar, quand nous ne dormons pas, nous mangeons, c'est impressionnant ! A toute heure du jour et de la nuit. Il a été décidé que nous aurons un repas en commun par jour : le déjeuner. Entre temps, chacun grignote : fruits, pain, gâteaux, délicieux jamon serrano entier... Le premier jour, ça bouge, on a tous un peu le mal de mer alors je mange pour combler l'estomac : Que personne ne bouge là-dedans ! Un grand succès, à J+2 je commence à me réguler, à moins manger. Tant mieux parce que c'était assez effrayant ! Oscar, Alvaro et Romain ont cuisiné.
Visiblement Julian et moi adoptons la même stratégie : attendre que les palais aient oublié les saveurs des restos canariens pour dévoiler nos talents culinaires...
Ambiance
L'ambiance est très bonne, Romain, le skipper et capitaine, est plutôt strict, une qualité de nature à rassurer un propriétaire qui laisse plusieurs centaines de milliers d'euros entre ses mains !
Pour trois d'entre nous, cette traversée représente un chagement de vie : Oscar rentre en Colombie pour retrouver son épouse et leurs deux enfants, après 9 ans passés en Espagne, Romain part ouvrir le bureau péruvien de sa société Globe Skipper (cf article dédié), et moi, je pars environ un an sillonner les routes de ce continent...
Pratique
J'ai fait tourner ma première machine (oui oui, ce Lagoon 560 est incroyable, je prévois un tour filmé du bateau car ça n'est pas la seule surprise qu'il réserve !), étendu mon linge... et perdu la première jambe de mon pantalon-short fétiche, pièce maîtresse de mon équipement. Tristesse indicible. Je commence à faire mon deuil et prévois de me coudre une nouvelle jambe. A moi les merceries latino-américaines !! Nous avons déjà cassé quelques pièces, vaillamment réparées dans la journée.
La machine semble lancée, je commence tout juste à me rendre compte que nous sommes en train de traverser l'Atlantique et à ce que ça signifie...
Je découvre aussi qu'il n'est pas simple d'envoyer un mail, et encore moins des photos, depuis le milieu de l'océan :-).
C. Rebours
"A Rumbo Libre en Amérique du Sud"