22 Janvier 2015
Avec Jérôme Heilikman, président de l'association Légisplaisance, ActuNautique.com vous permet de mieux appréhender certains aspects juridiques ayant trait au nautisme et à la plaisance, pour naviguer plus... sereinement !
Courant janvier 2015, une vingtaine de bateaux de plaisance ont été ravagés par les flammes dans une marine fluviale des Pays-Bas (lire l'article).
Les sinistres qui surviennent dans un port de plaisance sont source de dépenses très importantes. En premier lieu, liées au coût de la prévention des sinistres et aux interventions lorsqu'ils se déclarent.
Mais, au-delà, elles peuvent aboutir, en cas de faute, à la mise en jeu de la responsabilité des acteurs concernés.
Il est utile de rappeler que le risque le plus conséquent pèse sur les communes qui sont responsables, lors de situations exceptionnelles, de la police générale des ports. La responsabilité administrative pourra être retenue à l’encontre des gestionnaires de port suite à des dommages survenus aux navires à poste, notamment du fait de défauts d’entretien des ouvrages portuaires.
En revanche, ce sont les règles de droit privé qui trouvent à s’appliquer s’agissant de la responsabilité du fait de la garde.
1 - Une responsabilité du fait de la garde au sein du port de plaisance
Dès lors que des dommages surviennent aux navires amarrés dans un port de plaisance, se pose la question de la garde et de la responsabilité du gardien. Notons d’ores et déjà que le régime de responsabilité civile du fait de la garde est favorable à l’autorité portuaire.
En effet, la détermination du gardien est un élément fondamental pour la mise en jeu de la responsabilité civile. Il ressort que ce sont les usagers qui sont considérés comme étant les gardiens de leurs embarcations même si parfois, a lieu un possible transfert de la garde et donc de responsabilité.
En zone portuaire, toute la difficulté quant à la détermination du gardien réside dans la distinction entre la notion de « garde » et de « surveillance ». En règle générale, c’est le propriétaire de la chose (le navire, en ce qui nous concerne) qui est présumé en être le gardien.
Par un arrêt rendu en date du 3 juin 1998, la Cour d’appel de Montpellier, à propos d’un incendie criminel survenu à bord d’un navire amarré dans un port de plaisance, a considéré que « le gardiennage du port qui permet une surveillance de celui-ci et de l’ensemble des bateaux ne peut être confondu avec un gardiennage individuel avec une présence d’un gardien qui va vérifier l’état de chacun des bateaux [...] ».
L’autorité portuaire n’étant pas redevable d’une obligation de garde des embarcations, son obligation de surveillance ne constitue pas une obligation de garde du navire. De plus, cette obligation de surveillance dont est redevable l’autorité portuaire ne constitue qu’une simple obligation de moyens et non de résultats.
Autrement dit, en cas de dommage du navire comme un vol ou un incendie, la charge de la preuve reposera sur son propriétaire et son assureur.
2 - Des causes d’exonération
Les zones portuaires sont particulièrement exposées à la force des vents, lesquels peuvent être à l'origine de nombreux dégâts matériels.
Qu'il s'agisse de l'autorité portuaire ou des plaisanciers, tous deux peuvent invoquer l'excuse de force majeure pour s'exonérer de toute responsabilité. Ces causes d'exonération sont situées « a posteriori » du fait dommageable.
Citons quelques exemples de jurisprudence :
- Concernant des dommages portuaires suite à une tempête : le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 juin 1992 a considéré qu’une tempête ne présence pas un évènement de force majeure lorsqu'existent des précédents connus dans la région concernée. Il est indispensable qu'elle soit d'une intensité telle qu'elle présente un caractère réellement imprévisible pour exonérer l'autorité portuaire de toute responsabilité.
- Concernant des dommages portuaires suite à un ressac : il a été jugé qu'un navire amarré à un poste à quai par l'autorité portuaire n'engage pas la responsabilité de son propriétaire pour les dommages provoqués par le navire au quai, dès lors que l'évènement est imputable au ressac fréquent à cet endroit, et dont l'existence n'avait pas été signalée au capitaine du navire qui fréquentait le port pour la première fois.
3 - Une assurance nécessaire
Pour conclure, les plaisanciers sont vivement invités à souscrire une police d’assurance pour leur bateau couvrant au moins la responsabilité civile dans les limites du port, les dommages causés aux ouvrages du port, quelles qu’en soient la cause et la nature, soit par le bateau, soit par les usagers et les dommages, tant corporels que matériels causés aux tiers à l’intérieur du port, y compris ceux pouvant découler de l’incendie du bateau et de son contenu.
Il est à noter que le tout nouveau "Guide du droit de la plaisance" publié aux Editions Ancre de Marine (voir ci-dessous), aborde cette question en détail, notamment dans la fiche intitulée « Les fondements alternatifs de responsabilité consécutifs aux dommages survenant dans les ports de plaisance » écrite par Matthieu GUILLOTTO, juriste et membre co-fondateur de l’association Legisplaisance.
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