1 Mars 2015
Jérôme Heilikman, président de Legisplaisance et chargé de la rubrique juridique d'ActuNautique.com, décortique l'amendement relatif à l'éco-taxe sur les bateaux de plaisance introduit par un député écologiste dans le cadre du projet de loi transition énergétique
Après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 14 octobre 2014, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte a été examiné par le Sénat en séance publique du 10 au 19 février 2015.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ainsi que les plans d’action qui l’accompagnent doivent permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et de renforcer son indépendance énergétique en équilibrant mieux ses différentes sources d’approvisionnement.
Dans ce cadre, un amendement porté par Ronan Dantec, sénateur écologiste de la Loire-Atlantique sur le projet de loi de transition énergétique, se fixe comme objectif de répondre au besoin de gestion des bateaux de plaisance en fin de vie, qui font souvent l'objet d'abandon par leur propriétaire, faute d'une filière et d'un financement adaptés.
Proposition
La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est complétée par un article L. 541-10-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-10-10. – À compter du 1er janvier 2017, toutes les personnes physiques ou morales qui mettent sur le marché national à titre professionnel des navires de plaisance ou de sport sont tenues de contribuer ou de pourvoir au recyclage et au traitement des déchets issus de ces produits. « Les modalités d’application du présent article, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Selon le sénateur, "Le présent amendement vise à résoudre le problème de la gestion des bateaux de plaisance en fin de vie et qui font souvent l’objet d’abandon par leur propriétaire, faute d’une filière et d’un financement adaptés.
La mise en place de ce dispositif repose d’une part sur une contribution base REP pour tous les nouveaux navires mis sur le marché, et sur un financement par les utilisateurs, via un complément à la DAFN actuellement perçue par les Douanes, pour les bateaux déjà en usage. Cela évite un déséquilibre financier de la filière si seules les contributions sur les bateaux neufs devaient financer l’intégralité de la filière. A terme, seules les contributions perçues sur les mises sur le marché assureront le financement de la fin de vie des navires hors d’usage".
Cette contribution est de nature à créer une véritable filière de démantèlement, et à développer massivement les solutions d'éco-conception des navires
Lien de l'amendement : http://www.senat.fr/amendements/2014-2015/264/Amdt_839.html
Le régime juridique des navires de plaisance en fin de vie ?
La Convention de Hong Kong exclut de son champ d'application les navires militaires, les navires de commerce de moins de 500 tonnes de jauge brute, les navires de pêche et les navires de plaisance.
En France, des réflexions ont été engagées sur le sort des navires en fin de vie. Il en ressort la nécessité de créer une filière de démantèlement française et européenne. Cette logique va dans le même sens que la volonté «d'écologiser» le démantèlement des navires, initiative soutenue par les acteurs locaux.
La Mission interministérielle relative au démantèlement des navires civils et militaires en fin de vie (MIDN) a établi différents rapports montrant les problématiques que le démantèlement soulève en Europe, et a mis sur la table plusieurs propositions
Ces propositions sont en partie reprises par la Mission parlementaire « démantèlement des navires » dans un rapport de 2010. Un des engagements de cette dernière est de « porter un message au niveau international pour accélérer la ratification de la Convention de Hong Kong de mai 2009 et engager les négociations pour son évolution ».
Elle souhaite ainsi contribuer à l'émergence de réglementations contraignantes.
Quelles solutions pour les navires de plaisance ?
L'écologisation d'une activité pourrait se définir comme étant le fait de tendre, pour cette activité, à un développement économique qui soit durable, c'est-à-dire qui réconcilie l'environnement et l'activité économique. Pour que l'écologisation du démantèlement ait lieu, l'idée de la mise en place d'une taxe à l'achat du navire pour prévoir le démantèlement dès le début du cycle de vie du navire a été soulevée
Une directive européenne de 2006 définit le déchet comme « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou a l'obligation de se défaire en vertu des disposition nationales des Etats membres ». Le principe pollueur-payeur est ici appliqué puisque c'est au détenteur du déchet de supporter le coût de l'élimination. Nous pouvons remarquer que le coût de la gestion de la fin de vie des produits électroniques est aujourd'hui intégré dans leur prix. Il s'agit de l'éco-participation.
Ce principe pourrait être envisageable pour certaines catégories de navires, où « l'éco-participation maritime » serait due à l'achat d'un navire. Concernant les navires de plaisance, la MIDN propose l'instauration d'une éco-taxe sur la vente des navires neufs. Son taux serait variable en fonction de critères objectifs sur la « recyclabilité » du navire et alimenterait le fonds plaisance.
Le problème de cette solution est qu'elle ne concerne que les navires neufs, et ne pourrait donc fonctionner que sur le long terme. Notons que le terme « éco-taxe » retenue par la Commission semble plus contraignant et plus fort que celui d'« éco-participation ». On peut de nouveau y voir la volonté de mettre fin aux pratiques de recyclage « sauvages ».
L'éco-conception est le fait d'intégrer l'environnement dès la phase de conception d'un produit et jusqu'à la fin de son cycle de vie, c'est-à-dire pour les navires de leur construction jusqu'à leur démantèlement
Pour aller plus loin : ESVELIN.M, Le régime juridique des navires en fin de vie, Mémoire de master.
=> après la taxe sur les mouillages, l'éco-taxe sur les bateaux de plaisance ! |
Au sujet de l'auteur de cet article Titulaire du Master 2 Droit et sécurité des activités maritimes et océaniques de la Faculté de droit de Nantes, Jérôme Heilikman est juriste spécialisé en droit maritime et droit social des marins. Il travaille depuis 2012 à la Sous-direction des affaires juridiques de l’Enim (sécurité sociale des marins) en charge spécifiquement de la mobilité internationale des marins et de la participation à la codification du Code des transports dans sa partie règlementaire. En parallèle il a cofondé Légisplaisance, association rochelaise qu’il préside et dont l’objet est d’expliquer le droit de la plaisance et de mettre en relation les spécialistes du droit et les plaisanciers. L’association a publié fin 2014 le guide du droit de la plaisance. |
Pour aller plus loin...
L’association LEGISPLAISANCE a publié « Le droit de la plaisance - Guide en 50 fiches thématiques » aux Éditions Ancre de Marine et parrainé par François GABART, vainqueur du Vendée Globe à bord de MACIF. Ce guide juridique et pédagogique est un nouvel outil de référence pour les plaisanciers et sera, un compagnon de voyage indispensable pour affronter la houle juridique....
site internet : http://www.legisplaisance.fr
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