29 Octobre 2018
Cachez-moi ce vice que je ne saurais voir, un article de Jérôme Heilikman, président de Legisplaisance, et responsable de la rubrique juridique d'ActuNautique.com !
Nombreux plaisanciers sont confrontés à des dommages survenant à leur navire. Ces dommages peuvent survenir dès la première utilisation du bateau (dysfonctionnement du moteur, problème d'étanchéité ou d'osmose) voire quelques mois ou quelques années après son achat...
Quand un dommage survient suite à une vente d'un bateau de plaisance et que vous estimez que ce dommage est anormal et lié à un problème de structure du navire ou de ses équipements ou un problème de fabrication, deux actions principales s’offrent à vous :
Il ne faut pas confondre ces deux notions proches, mais clairement distinctes.
Pour bénéficier de la garantie de conformité, le défaut du navire ou de ses équipements doit exister au jour de l'acquisition.
Pour bénéficier de la garantie légale des vices cachés, le défaut du navire ou de ses équipements doit être occulte au jour de la vente.
1 - La garantie contre le défaut de conformité
« Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité. » (Article L.211-4 du Code de la consommation)
Cette garantie s’applique aux contrats :
On parle de défaut de conformité quand le bien est impropre à l’usage habituellement attendu ou qui ne correspond à la description donnée par le vendeur ou encore qui ne possède pas les qualités annoncées ou convenues avec l’acheteur. Pour bénéficier de la garantie de conformité, le défaut du navire ou de ses équipements doit exister au jour de l'acquisition
Comment apporter la preuve d’un vice de conformité ?
Vous devez présenter tout document susceptible d’attester de la non-conformité : attestations de réparations, rapports d’expertise…
Quels sont les délais pour agir ?
Vous disposez d’un délai de deux ans à partir du jour où vous prenez possession du navire pour mettre en œuvre la garantie de conformité.
Quelles conséquences ?
Si vous prouvez un défaut de conformité, vous pouvez obtenir la réparation ou le remplacement du navire ou de ses équipements, soit obtenir le remboursement ou la réduction du prix d’achat.
2 - La garantie légale contre les vices cachés
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. » (Article 1641 du Code civil)
Le vice doit être caché, ce qui suppose la réunion de conditions pour entraîner la garantie. Vous devez établir :
Le vice résidera dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement du navire ou de ses équipements, dans l'impossibilité de s'en servir dans des conditions satisfaisantes ou encore dans les conséquences nuisibles produites à l'occasion de son utilisation normale. Lors de la vente d’un navire d’occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en jeu la garantie.
Quels délais pour agir ?
Pour un contrat de vente conclu après le 19 février 2005, vous devez intenter l’action dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Quelles conséquences ?
Vous avez le choix entre deux actions :
Que dois-je demander à l’expert maritime ?
Qu’il s’agisse d’une expertise amiable ou judiciaire, l’expert devra clairement notifier dans son rapport d’expertise :
Il semble préférable voire nécessaire que l’expert amiable mandaté par son client ou ses assureurs précise dans son contrat ou dans son rapport s’il s’agit d’un vice caché. L'expert devra également estimer l’option la plus opportune entre l’action estimatoire et rédhibitoire. Autrement dit, estimer le coût d'une réparation pour la comparer avec le montant de la transaction qui pourrait être remboursé par le vendeur.
3 - Le problème spécifique de l'osmose
L'osmose est généralement considérée par les tribunaux, comme un vieillissement normal de la coque et il sera difficile de démontrer un vice caché ou de conformité.
4 - Sur le sujet, les Tribunaux apportent des réponses nuancées
La jurisprudence reste nuancée pour retenir le préjudice sur ce fondement tel qu'illustré dans quelques décisions ci-après :
Pour aller plus loin...
L’association LEGISPLAISANCE a publié « Le droit de la plaisance - Guide en 50 fiches thématiques » aux Éditions Ancre de Marine et parrainé par François GABART, vainqueur du Vendée Globe à bord de MACIF.
Ce guide juridique et pédagogique est un nouvel outil de référence pour les plaisanciers et sera, un compagnon de voyage indispensable pour affronter la houle juridique....
site internet : http://www.legisplaisance.fr
Page facebook : http://www.facebook.com/legisplaisance
LE DROIT DE LA PLAISANCE |
Au sujet de l'auteur de cet article Titulaire du Master 2 Droit et sécurité des activités maritimes et océaniques de la Faculté de droit de Nantes, Jérôme Heilikman est juriste spécialisé en droit maritime et droit social des marins. Il travaille depuis 2012 à la Sous-direction des affaires juridiques de l’Enim (sécurité sociale des marins) en charge spécifiquement de la mobilité internationale des marins et de la participation à la codification du Code des transports dans sa partie règlementaire. En parallèle il a cofondé Légisplaisance, association rochelaise qu’il préside et dont l’objet est d’expliquer le droit de la plaisance et de mettre en relation les spécialistes du droit et les plaisanciers. L’association a publié fin 2014 le guide du droit de la plaisance. |