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Juridique - Le cobaturage, une activité légale à condition de ne pas devenir Uber-boat !

Juridique - Le cobaturage, une activité légale à condition de ne pas devenir Uber-boat !

Alors que les dirigeants français d'Uber ont été mis en examen, Jerôme Heilikmann, responsable de la rubrique juridique d'ActuNautique.com et président de l'association Legisplaisance, s'intéresse au cobaturage...

Le cobaturage peut se définir comme l'utilisation conjointe et organisée d'un bateau ou navire, par un plaisancier non professionnel et un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d’effectuer un trajet commun.

Il procure des avantages individuels (économiser les dépenses de carburant et de maintenance, agrémenter les voyages, développer le lien social) et collectifs.

Le cobaturage est une pratique écocitoyenne et les nouvelles plateformes de mise en relation (cobaturage.fr ou cobaturage.bzh) entre usagers témoignent du dynamisme de l'économie numérique française. Cette pratique a vocation à faire partager les coûts du transport (carburant, assurance, usure navire) entre usagers.

Pour autant, si les médias se sont fait l'écho de l'émergence de ces nouveaux modèles de mobilité chez les plaisanciers, autrement appelés plaisance participative ou collaborative, le terme est parfois utilisé à outrance… et sans nuance.

A force de mélanger les concepts, on en vient à douter de la légalité du cobaturage. Qu'en est-il ?

Le cobaturage ou le covoiturage de la mer

Le cobaturage se développe dans le sillage d'un néologisme désormais très connu qu'est le covoiturage, cité par ailleurs très souvent comme une opportunité de progrès social et écologique. Plusieurs textes de lois (loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie de 1996, Grenelle de l'environnement en 2009, loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte en 2014) ont créé les conditions du développement de cette pratique.

La légalité du covoiturage a été consacrée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 mai 2013, à condition toutefois qu’il ne soit pas pratiqué dans un but lucratif. Dans le cadre du covoiturage, la participation financière des passagers est donc limitée au partage des coûts.

En revanche, le transport de passagers, sous couvert de covoiturage, réalisé dans un but lucratif est illégal. Il constitue en effet une activité de transport public non autorisée. Les personnes qui s’engageraient dans cette activité, notamment via des sites de mise en relation, s’exposeraient à des sanctions pénales

Le cobaturage est un partage de frais

Lors d'une opération de cobaturage, la participation financière des passagers est limitée au strict partage des coûts. Tout transport de passagers réalisé dans un but lucratif est illégal. Il constitue en effet une activité professionnelle de transport de passagers sur le domaine public maritime non autorisée avec une concurrence déloyale envers les plaisanciers professionnels.

La frontière entre « activité à but lucratif » et « partage des coûts » est mince et, faute de jurisprudence en matière de nautisme, le bon sens doit prévaloir ainsi, on peut considérer que le partage des coûts concerne :

  • Le partage de la caisse de bord
  • Le partage des frais d'essence
  • Sera fonction du temps de navigation

La formule la plus classique consistera donc à diviser le coût du carburant et des frais de bouche.

Lors du cobaturage le plaisancier, propriétaire du bateau, n'est pas un chauffeur

Le cobaturage est l'utilisation en commun d'un bateau par un plaisancier non professionnel et un ou des passagers majeurs sur un itinéraire ou section d'itinéraire commun.

En d'autres termes il y a cobaturage lorsque le trajet aurait, de toute façon, été réalisé par le plaisancier « à vide ». La logique du cobaturage est d'optimiser le taux d'occupation de son navire lors d'un trajet que l'on aurait entrepris, même seul.

Il n'y a donc pas cobaturage lorsque qu'un plaisancier réalise un trajet spécifiquement pour servir les besoins d'un ou de plusieurs passager(s) comme par exemple une sorte en mer programmée spécifiquement pour percevoir une rémunération de la part du passager, en échange du service rendu.

Les utilisateurs de ces nouvelles plateformes doivent avoir conscience que lorsqu'ils utilisent leur navire pour répondre à des demandes de trajets spécifiques de la part de passagers, tel un transport de passager professionnel, ils exercent une activité à part entière, pour laquelle ils souhaitent être rémunéré, c'est-à-dire réaliser un bénéfice. Cette pratique est illégale et tombe sous le coup de sanctions pénales.

  • Le cobaturage c'est se satisfaire d'une participation aux frais d'un trajet que l'on aurait de toute façon entrepris.
  • Le transport de passagers c'est proposer un service à part entière, à but lucratif, qui consiste à transporter un passager sur un trajet que l'on n'aurait pas entrepris seul.

Pour conclure, si la vraie situation de cobaturage parfaitement légale et vertueuse doit être favorisée, nous recommandons la plus grande vigilance aux utilisateurs de sites de mise en relation pour le cobaturage et appelons l'attention sur le caractère illicite de toute pratique d’un tel site prévoyant une rémunération du plaisancier au-delà du simple partage des coûts


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Pour aller plus loin...

Association des Ports de Plaisance de l’Atlantique : www.appatlantique.com

Prochain numéro de la Revue du Droit de la Plaisance et du Nautisme :http://www.legisplaisance.fr/rdpn

Ce guide juridique et pédagogique est un nouvel outil de référence pour les plaisanciers et sera, un compagnon de voyage indispensable pour affronter la houle juridique....

site internet : http://www.legisplaisance.fr
Page facebook : http://www.facebook.com/legisplaisance

 

LE DROIT DE LA PLAISANCE
Broché: 240 pages
Editeur : Ancre de Marine (12 décembre 2014)
Collection : SANS COLLECTION
Langue : Français
ISBN-10: 2841412970
ISBN-13: 978-2841412976
Dimensions du produit: 22 x 2,5 x 15 cm

 

Au sujet de l'auteur de cet article

Titulaire du Master 2 Droit et sécurité des activités maritimes et océaniques de la Faculté de droit de Nantes, Jérôme Heilikman est juriste spécialisé en droit maritime et droit social des marins. Il travaille depuis 2012 à la Sous-direction des affaires juridiques de l’Enim (sécurité sociale des marins) en charge spécifiquement de la mobilité internationale des marins et de la participation à la codification du Code des transports dans sa partie règlementaire.

En parallèle il a cofondé Légisplaisance, association rochelaise qu’il préside et dont l’objet est d’expliquer le droit de la plaisance et de mettre en relation les spécialistes du droit et les plaisanciers. L’association a publié fin 2014 le guide du droit de la plaisance.

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