27 Avril 2016
Le moment de redressement est un aspect essentiel dans l'architecture d'un catamaran de croisière. C’est le seul danger de ces multicoques, qui, entendons-nous bien, ne chavirent pas, mais dont le gréement est soumis à des forces incroyables, du fait même de leur moment de redressement.
Si un catamaran ne chavire donc pas, perdre son mât est dans l'ordre du possible, alors le moment de redressement mérite que l'on s'intéresse un peu à lui...
Qu’est-ce que le moment de redressement ?
Prenez comme exemple une tige que vous plantez au milieu d’une base lourde, comme pour un parasol de jardin. La stabilité proviendra de deux facteurs, le poids de la base et sa largeur. En appliquant une force horizontale sur la tige verticale, vous allez donc chercher à incliner le parasol. La force contraire provient de la stabilité de la base. Elle est appelée moment de redressement.
Sur les catamarans de croisière ce moment de redressement peut atteindre des valeurs importantes (en tonnes mètres) puisqu’il est égal à la demi-largeur multipliée par le poids du bateau. La stabilité de forme du catamaran fait que son moment de redressement augmente de manière exponentielle lors des premiers degrés de gite.
Sur un monocoque c’est bien différent puisque son augmentation sera beaucoup plus progressive pour atteindre un maximum autour de 40 degrés de gite. Sur un catamaran de croisière ce maximum sera atteint autour de 10 degrés. Entre 0 et 10 degrés de gite, à la même inclinaison, le moment de redressement d’un catamaran peut être... 10 fois supérieur à celui d’un monocoque !
Des risques induits par un moment de redressement élevé
Qu'est-ce que cette différence entre un monocoque et un catamaran cache-t-elle ?
De manière extrêmement simple cela veut dire que sur tous les types de bateaux, plus le moment de redressement est élevé, plus les efforts dans le gréement sont importants.
Souvenez-vous du parasol, plus la base sera lourde, plus l’effort pour l’incliner sera important. Lorsque l’on parle de gréement on parle bien de gréement dormant mais également de gréement courant.
Sur un cata, difficile de bien percevoir la force réelle du vent
Cela signifie donc que très rapidement, plus le bateau s’incline, plus les efforts dans les écoutes augmentent, et ce, de manière exponentielle ! De 1 à 2 degrés de gite, on peut ainsi très facilement doubler les efforts.
Or, ressentir une différence d’inclinaison simplement due au vent, de 1 degré est quasiment impossible à bord d'un catamaran. Vous n’aurez donc que vos yeux et votre expérience pour vérifier la vitesse du vent, et prévoir une réduction de voilure suffisamment tôt, avant de voir les efforts passer de 2 à 4 tonnes sur le winch ou une compression en base de mat passer de 10 à 20 tonnes.
Tous les catamarans possèdent un tableau sur lequel sont inscrites les conditions de voilure limite.
Respectez-les !
Adrien Jousset Architecte Naval |
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Responsable du bureau d'études chez Sunreef Yachts, diplômé de l'Université de Southampton en architecture navale et d'un master en stratégie d'entreprise,Adrien Jousset a acquis son expérience en Angleterre, aux États-Unis et en Pologne, en travaillant pour des grands noms de l'industrie, Tony Castro, BMT Nigel Gee et Ted Hood. Il a notamment été reconnu pour ses designs pour le World Match Racing Tour et les World Super-Yacht Design Awards. |