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Nautisme - un nouveau dispositif fiscal en France, pour faire revenir les yachts et superyachts

Depuis 3 ans, la France est confrontée au déclin du marché de la location de yachts et superyachts au profit de pays tels le Montenegro et la Croatie notamment, du fait du dumping fiscal résultant de la non harmonisation des taux de TVA en Europe. Devant l'ampleur des enjeux économiques en cause, la Fédération des Industries Nautiques, Bercy et les Douanes ont imaginé un nouveau dispositif fiscal, apte à faire redémarrer une activité cruciale en particulier sur la Côte d'Azur.

Un MCY 105 du chantier italien Monte Carlo Yachts en navigation

Un MCY 105 du chantier italien Monte Carlo Yachts en navigation

Le marché de la grande plaisance n'est pas anecdotique, qui génère un chiffre d'affaires mondial de près de 27 milliards d'euros. 5600 yachts de plus de 30 mètres naviguent ainsi sur les mers du globe, dont 50% sur la seule Méditerranée ! 

1.7 milliard d'euros d'activité en France, dont les 2/3 en Paca !

En France, les chiffres sont éloquents : en 2013, la grande plaisance dégageait un niveau d'activité de près de 1.7 milliard d'euros - à comparer au secteur de la croisière type Costa qui génère une activité hexagonale de 1.8 milliard !! - et employait près de... 20 000 personnes, entre la construction de yachts (anecdotique toutefois dans l'hexagone), l'entretien et le refit (l'une des grandes forces de la France), l'avitaillement, et les services annexes, une activité concentrée pour les deux tiers en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et en Corse !

Deux chiffres illustrent à eux seuls et mieux que toute longue explication, l'apport concret du yachting à l'économie locale : un yacht amarré dans un port de plaisance engendre près de 20 000 euros d'activité par jour pour l'économie locale, soit 10 000 euros directement liés au bateau (taxe, refuel, avitaillement, entretien...) et 10 000 euros dépensés par jour par ses passagers (achats divers, restaurant, taxi, hélicoptère...) !

Cette aubaine, la Côte d'Azur et la Corse ont su en tirer partie pendant des décennies, devenant le haut lieu du yachting, et le de rendez-vous incontournable des plus beaux superyachts de la planète.

Une activité en chute de 30% en France, sur les 3 dernières années

Depuis 3 ans cependant, cette activité stratégique pour l'économie littorale azuréenne et la Corse, a chuté de près de 30%, mettant en péril une filière économique unique au monde, réputée pour l'excellence de ses prestations. 

En cause ?

Une fiscalité appliquée au yachting qui a créé une distorsion de concurrence en Europe, préjudiciable à la France. Depuis plusieurs mois, le secteur de la Grande Plaisance connaît de fait de nombreuses évolutions ayant trait à la fiscalité : TVA, fiscalité pétrolière, situation douanière des navires tiers vis à vis du code des douanes de l'Union Européenne.

Certaines de ces évolutions s'opèrent dans un contexte de véritable concurrence entre Etats membres, engendrant un risque fiscal majeur pour les acteurs français du Yachting : chantiers, brokers, loueurs, services...

L'arrêt "Bacino" du 22 décembre 2010

A l'origine de cette situation, un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 22 décembre 2010, dans l'affaire "Bacino Charter", qui a remis en cause le régime fiscal dont relevait  jusqu'alors en matière de TVA, l'exploitation des yachts inscrits au commerce.

Concrètement, cet arrêt a eu deux conséquences directes pour le client affrêteur d'un yacht : se voir imposer le paiement de la TVA sur la prestation de charter à compter du 15 juillet 2015 (10%), et ne plus pouvoir avitailler le navire en carburant détaxé à compter du 1er octobre 2016 (44% de taxe !).

Dans un contexte où certains pays de l'Union Européenne ou hors Union n'appliquaient pas de TVA, les armateurs se sont logiquement détournés de la France, décidant d'embarquer leurs clients depuis des ports méditerranéens, certes moins prestigieux, mais réputés "sans fiscalité"...

Un nouveau dispositif fiscal à même de séduire tous les armateurs

Afin de préserver la filière française du yachting, la FIN (Fédération des Industries Nautiques), la DLF (direction de la législation fiscale) et la DGDDI (Direction générale des Douanes et Droits indirects) ont oeuvré de concert pour imaginer un nouveau dispositif fiscal "à l'épreuve des balles", apte à séduire tous les armateurs, et dont l'objectif est clair : rendre toute sa compétitivité à la filière yachting française, mettre un terme au dumping fiscal basé sur les écarts de fiscalité et rapatrier en France le chiffre d'affaires perdu ces dernières années.

Le principe de ce nouveau dispositif est simple, qui propose aux professionnels un nouveau contrat de croisière assimilable à celui d'un contrat de transport de passagers, basé sur les règles internationales de l'OMI (Organisation Maritime Internationale).

Ce nouveau contrat serait taxable en France (10% de TVA), sur la distance parcourue.

En cas de croisières pour partie effectuées dans les eaux territoriales d'un autre pays, la prestation de croisière ne serait plus soumise à TVA. Le yacht étant de surcroît assimilé à un navire de commerce, il bénéficierait d'une exemption de TICPE au même titre qu'un paquebot.

Ce dispositif fiscal, basé sur les règles internationales du commerce maritime, a pour avantage de permettre aux armateurs de profiter en France, des mêmes avantages que ceux existant dans les pays n'appliquant pas - ou ne percevant pas ! - de TVA, tout en bénéficiant des ports d'embarquement les plus prestigieux et les plus sûrs de la Méditerranée ! 

Cerise sur le gâteau : les yachts étant désormais assimilés à des navires de commerce, les primes d'assurance  pesant sur les armateurs devraient en outre fortement chuter, les surprimes extravagantes liées aux passagers des superyachts devant logiquement disparaître au profit de celles s'appliquant aux passagers des paquebots...

Des professionnels accompagnés pour cette évolution

Pour les professionnels de la location, cette évolution de fiscalité aura deux conséquences directes : tout d'abord apprendre à estimer à l'avance, le coût global de ladite croisière, et en particulier de la part relative à l'avitaillement pétrolier (susceptible d'évoluer selon les cours du brut), et prendre ensuite le statut d'agent de voyage, statut exigeant une licence spécifique et l'adhésion à des caisses de garantie idoines.

Sachant que dans le cas de la location de yachts et superyachts, le coût de la prestation effectuée pour l'armateur, par l'agent de voyage, sera soumis à la TVA... du siège de l'armateur ! Un autre avantage indirect du système...

Selon nos informations, ce nouveau régime fiscal, applicable dès à présent, devrait tout d'abord être mis en place pour des croisières effectuées cet hiver aux Caraïbes, avant de se généraliser aux croisières effectuées la saison prochaine en Méditerranée.

Synthèse - Ce dispositif fiscal, unique en son genre en Europe, a ceci d'exceptionnel qu'il est inattaquable par un autre Etat membre, étant basé sur une réglementation internationale en vigueur. Il supprime tout intérêt pour des ports d'embarquement exotiques non fiscalisés, et généralement peu sûrs.

De quoi inciter les armateurs à faire revenir leurs yachts et superyachts dans l'hexagone, rapatriant en France une activité économique qui avait disparu depuis 3 ans.

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