12 Septembre 2017
La querelle judiciaire se double d’une controverse historique. Alors que REED « fête » les 40 ans du Yachting, la Présidente du salon, Madame Annette Roux, ancienne Présidente de la FIN, s’est vue écartée de l’évènement. Elle vient d’adresser une lettre ouverte aux exposants pour rappeler dans quel contexte l’Industrie nautique française a développé son salon et accuse REED d’un déni historique.
L’histoire du salon nautique et de la plaisance à Cannes a, en plusieurs décennies, connu de nombreux rebondissements. Pour y voir clair, ActuNautique a sollicité Daniel Charles, 68 ans, qu’Eric Tabarly surnommait « l’encyclopédie de la plaisance » et en qui l’architecte américain Dick Newick voyait « le premier historien du yachting ».
Ce sont ses recherches qui permirent aux multicoques de courir, dès 1988, dans l’America’s Cup. Il a notamment co-écrit le livre « 100 ans de nautisme » (PC éditions, 2006) et étudie actuellement l’histoire de l’ancienne Chambre syndicale méditerranéenne du Commerce et des Industries nautiques.
Daniel Charles, le salon nautique de Cannes est-il né il y a 40 ans ?
Daniel Charles - C’est en 1931 qu’on retrouve la trace d’une première manifestation nautique à St Raphaël, mais c’est véritablement en 1959 que Cannes se lance dans la course aux salons nautiques. L’histoire se solde par un échec en 1961 qui servira toutefois de leçon au maire de Cannes, M. Bernard Cornut-Gentille. En 1968, naît le premier salon nautique d’automne de la Côte d’Azur à Cannes, sous le nom d’Expobat. Il est le fruit d’une double volonté, celle de la Chambre syndicale méditerranéenne présidée par Claude Deburaux, un des dirigeants de la fédération des industries nautiques, et de l’association des professionnels cannois. Après 10 années, le modèle « Expobat » s’essouffle : salon itinérant sur la Côte, associant bateaux neufs et occasions, il peine à s’imposer parmi les grands salons. C’est le moment choisi par la profession pour renouveler la manifestation, avec l’appui déterminant de Bernard Cornut- Gentille, alors maire de Cannes.
Le Festival de la Navigation de plaisance est donc le fruit d’une volonté de l’Industrie nautique Française soutenue par la mairie de Cannes ?
DC - Bien sûr ! L’industrie nautique Française veut un événement complémentaire au salon de Paris ; le Maire de Cannes recherche un événement nautique d’ampleur, les intérêts économiques et politiques convergent et donnent naissance au festival international de la navigation de plaisance.
Pourtant lorsqu’on lit l’édito de Mme Jacqueline Bourey, la Présidente d’honneur du salon, publié dans le magazine du salon, ce projet serait né à la demande de la ville avec le soutien de la société SPODEX ?
DC - C’est inexact. A l’époque, c’est la Fédération des industries nautiques qui a convaincu la ville de confier la commercialisation du Salon à son prestataire pour le Salon de Paris et Expobat : la SPODEX. Curieux choix lorsque l’on sait que la FIN et la SPODEX sont alors en guerre.
L’histoire se répète-t-elle ?
DC - On peut dire cela. En 1978 – l’année du premier Festival - la FIN décide qu’à partir de 1982, le salon de Paris ne sera plus confié à la SPODEX. Cette dernière multiplie alors les pressions et les actions judiciaires, et revendique des droits sur le Salon de Paris dont elle est l’organisatrice technique depuis 1962. Comme elle est également l’organisatrice d’Expobat, la FIN préfère ne pas ajouter un contentieux supplémentaire et choisit la SPODEX comme prestataire pour la commercialisation du nouveau Festival. C’est ainsi que Mr Dayné, Président de la SPODEX et sa collaboratrice, Mme Jacqueline Bourey vont s’occuper de la commercialisation du salon sous l’égide des représentants de l’industrie nautique française. En 1981, ayant perdu son procès, la SPODEX cède l’organisation des salons de la FIN à une nouvelle société : l’OIP, dirigée par Mr Jean Pierre Jouet, ancien Président de la FIN. Ce dernier se concentre sur Paris et donne à Mme Bourey le contrat de prestataire de services du salon de Cannes. Elle s’y appliquera avec force et passion.
Cela a été souligné par Mme Annette Roux dans sa lettre ouverte.
DC - Absolument. Pendant six ans, Mme Bourey agira aux côtés de la ville (qui s’occupe alors de l’organisation technique du Festival) et sous l’impulsion de l’industrie nautique. Puis, la ville de Cannes abandonne son rôle d’organisateur technique et la FIN transmet son patronage, assorti de conditions très strictes, à la SEPA, la société de Mme Bourey. Celle-ci poursuit la commercialisation, sous l’autorité du Président du salon qui n’est autre que Jacques Girardin, vice-Président de la FIN et délégué régional pour la Méditerranée. Ce dernier pilotera le salon de Cannes jusqu’en 1995.
Daniel Charles, quel est votre pronostic sur l’issue de ce conflit ?
DC - Je me garderai bien d’émettre un avis à ce sujet. Ce qui m’intéresse c’est l’histoire et les faits. C’est Winston Churchill qui disait « La vérité est incontestable, la malveillance peut l’attaquer, l’ignorance peut s’en moquer, mais à la fin, elle demeure ». Dans une controverse juridique, chacun a son histoire et la justice est là pour trancher. Ce que je sais, c’est que tous les documents de l’époque font clairement la distinction entre ceux qui ont impulsé et contrôlé le salon et ceux qui en ont assuré le démarchage commercial : qu’ils s’appellent SPODEX, OIP, SEPA ou REED, tous ces organisateurs de salon ont toujours agi comme prestataires au service des professionnels.