11 Juin 2018
L'Europe est le second producteur de plastique au monde après la Chine, et déverse entre 150 000 et 500 000 tonnes de macro-déchets plastiques en mer chaque année, et entre 70 000 et 130 000 tonnes de micro-plastiques. Le rapport publié par l'ONG environnementale alerte sur les conséquences de ces déchets sur la vie marine en mer Méditerranée.
Le plastique représente pas moins de 95 % des déchets en haute mer, dans les fonds marins et sur les plages méditerranéennes. Ces déchets proviennent principalement de Turquie (144 tonnes/jour), d'Espagne (126), d'Italie (90), d'Egypte (77) et de France (66).
L'impact du plastique sur la faune marine intervient à plusieurs niveaux, avec tout d'abord les gros morceaux de plastique, qui tuent et étouffent de nombreux animaux marins, notamment des cétacés et des espèces en voie de disparition (tortues marines). On retrouve ainsi de plus en plus de baleines et de cachalots échoués sur les plages du monde entier, tués par le plastique qu'ils ont ingéré.
En mai dernier, des scientifiques avaient dévoilé la découverte d'un sac plastique dans la fosse des Mariannes, l'endroit le plus profond sur Terre. La « découverte » avait été faite en 1998, mais n'a été révélée que cette année suite à l'analyse de 30 ans de données. La teneur en PCB dans les fonds marins de la fosse est également préoccupante, en étant 50 fois supérieure à celle contenue dans l'organisme de crabes vivant dans le fleuve Liao, l'un des plus pollués de Chine, d'après une étude britannique publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution.
En mer Méditerranée, ce sont les micro-plastiques qui atteignent des records ; leur concentration est quatre fois plus élevée que celle du « vortex de déchets » du Pacifique Nord, révèle le WWF. En entrant dans la chaîne alimentaire, ces micro-plastiques menacent les espèces animales et la santé humaine.
Selon l'ONG, la cause principale de la pollution plastique s'explique par les retards et les lacunes en matière de gestion des déchets dans la plupart des pays méditerranéens : sur les 27 millions de tonnes de déchets plastiques produits chaque année en Europe, seul un tiers finit par être recyclé.
En Italie, en France et en Espagne, la moitié des déchets plastiques terminent dans des décharges, et le plastique recyclé ne représente que 6 % de la demande européenne en plastique. La pollution plastique n'impacte pas seulement l'environnement, mais également la pêche et le tourisme.
Ces déchets entraînent une perte annuelle estimée à 61,7 millions d'euros pour la flotte de pêche de l'Union Européenne, en raison de la réduction des prises et des dommages faits aux navires. Les plages polluées peuvent éloigner les touristes et ainsi entraîner des pertes d'emplois.
La quantité de déchets plastiques dans les océans est aujourd'hui estimée à environ 150 millions de tonnes. Sans action concrète, l'océan contiendra en 2025 une tonne de plastique pour 3 tonnes de poisson et qu'en 2050 le plastique aura dépassé le poisson (en termes de poids).
En 2018, le programme des Nations-Unies pour l'environnement a placé la pollution plastique dans l'océan parmi les 6 questions environnementales les plus préoccupantes (avec notamment le changement climatique, la perte de biodiversité et l'acidification des océans).
80 % des déchets plastiques en mer proviennent des terres et 20 % de sources marines (pêche, aquaculture et transport maritime). La grande majorité de ces déchets n'étant pas biodégradables, « tous ceux présents dans l'environnement y resteront pendant des centaines ou des milliers d'années », prévient le WWF. Un mégot de cigarette reste ainsi en moyenne 5 ans en mer, 20 ans pour un sac, 50 ans pour un gobelet en plastique et jusqu'à 600 ans pour une ligne de pêche.
Les macro-déchets (sacs, bouteilles, mégots...) sont la forme la plus visible de la pollution plastique, mais ce sont les micro-déchets qui sont le plus dangereux pour la vie marine. Ces fragments de moins de 5 mm sont parfois produits en mer, suite à la décomposition de plus grands débris, mais d'autres sont intentionnellement fabriqués, comme les « nurdles », des granulés employés dans la production de plastique, les agents exfoliants (utilisés dans les savons, dentifrices, crèmes et autres gels). Ils sont également générés par accident, à partir de poussières générées par les pneus ou par l'usure et l'entretien des fibres synthétiques.
L'impact de ces micro-plastiques dépasse l'environnement marin. Il contamine aussi l'air, l'eau, la nourriture et les boissons (sel, miel, bière…). Le rapport du WWF estime à 13 milliards de dollars par an le coût économique des dommages environnementaux sur les écosystèmes marins causés par les 10 à 20 millions de tonnes de déchets plastiques déversés chaque année dans les océans. Ce coût inclut les pertes financières subies par les industries du tourisme et de la pêche, et même le temps passé à nettoyer les plages.
L'été est la période la plus critique en Méditerranée ; avec les 200 millions de touristes annuels, la pollution marine enregistre pendant la saison estivale une hausse de 40 %.
Il existe dans le monde 5 « îles de plastique » océaniques, dans lesquelles le plastique s'accumule ; deux dans l'Océan Pacifique, deux dans l'Atlantique et une dans l'Océan Indien. La Méditerranée est la sixième plus grande zone d'accumulation de ces déchets ; elle représente à peine 1 % des eaux mondiales mais concentre à elle seule 7 % de tous les micro-plastiques de la planète.
Ces micro-plastiques atteignent en Méditerranée un record de concentration : 1,25 million de fragments au kilomètre carré, soit une quantité 4 fois supérieure à celle des îles de plastique du Pacifique ! Les sédiments océaniques sont aussi affectés, avec une concentration de 10 000 fragments au kilomètre carré, un record au niveau mondial.
« Plus de 90 % des dommages causés à la faune par les déchets d'origine humaine sont dus au plastique », annonce le WWF. Dans le monde, plus de 700 espèces marines sont menacées par ces déchets, dont 17 % sont déjà classées comme « menacées » ou « en danger critique d'extinction » par l'UICN. Ce sont au total 344 espèces différentes qui ont été retrouvées piégées par le plastique en mer.
Les principales espèces impactées en Méditerranée sont les oiseaux (35 %), les poissons (27 %), les invertébrés (20 %), les mammifères marins (13 %) et les tortues marines (5 %). Le plastique cause également des blessure, des lésions et des déformations qui peuvent rendre les animaux très vulnérables. « 65 % des animaux pris au piège en Méditerranée le sont à cause de lignes de pêche ».
134 espèces marines sont déjà victimes de l'ingestion de plastique en Méditerranée, et 90 % des oiseaux de mer du monde entier ont des fragments de plastique dans l'estomac (contre 5 % en 1960), un chiffre qui pourrait atteindre les 99 % d'ici 2050.
L'ONG décrit ce problème d'ingestion de plastique par la faune marine comme un « empoisonnement silencieux ». Car le plastique absorbe dans l'océan (en plus des éléments toxiques qu'il contient déjà) de nombreux polluants divers, dont 78 % sont toxiques. Il contient ainsi « des substances toxiques concentrées jusqu'à 1 million de fois supérieures à celles naturellement présentes dans l'eau de mer ».
Le problème est exponentiel : ces déchets ingérés libèrent, une fois présents dans l'organisme des animaux, 30 fois plus de polluants que dans l'eau de mer. Ces déchets peuvent ensuite causer des dommages au foie ou aux hormones des animaux touchés, affectant la croissance, la reproduction et la mobilité, et provoquant même des cancers. L'ADN des espèces marines peut aussi être modifié à cause des différentes substances ingérées.
A l'échelle internationale :
Au niveau national :
Dans l'industrie :
A l'échelle des citoyens :
Source : https://www.wwf.fr/mediterranee-pollution-plastique