28 Septembre 2020
C’est la première fois qu’un navire sans équipage à bord reçoit un certificat de navigation en France, en tant que bateau « télé-opéré ».
La ministre de la mer, Annick Girardin, a remis le document officiel autorisant le bâtiment à la navigation hauturière sur le campus de l’Ecole Polytechnique, à Palaiseau, en Essonne. « Nous voulons repositionner la France comme une grande puissance océanique », a-t-elle déclaré.
La ministre assistera aussi à la démonstration en mer de ce navire de 80 mètres de long et de 12 000 chevaux basé à Toulon, contrôlé depuis la région parisienne, sans intervention humaine à bord.
Ce système de commande à distance a nécessité près de 4 ans de recherche et développement, conduit par le groupe français de services maritime SeaOwl, à l’origine de la conception d’un système de téléopération de navire.
Initié en 2015 après des discussions entre SeaOwl et des clients qui souhaitaient « améliorer la performance logistique » pour « des missions de surveillance et d'inspection des fonds marins » sur les champs éoliens ou pétroliers, le projet a été soutenu et financé par l’Agence de la transition écologique (Ademe), Total et Naval Group, explique Xavier Genin, le PDG de l’entreprise.
Le 10 septembre, le VN Rebel a pu réaliser un tour en mer, afin de démontrer la capacité de SeaOwl à manœuvrer un navire à distance ; ce remorqueur, que la société utilisait pour la formation et l’entraînement des marins d’Etat, a effectué une sortie dans la rade militaire de Toulon.
Son capitaine a pu piloter le navire via une liaison satellite, à 700 kilomètres de distance, depuis une « bulle immersive » installée sur le campus de l’Ecole Polytechnique, en Ile-de-France. Une dizaine d'écrans transmettent en temps réel les images du panorama maritime, et le pilote dispose aussi de caméras pour zoomer sur les obstacles éventuels.
« J'ai le radar qui me permet d'assurer l'anti-collision avec les autres navires, les commandes des moteurs et de la barre, et deux VHF pour communiquer avec les autorités portuaires et les autres navires si nécessaire », explique à l’AFP le capitaine Ludovic Gin. « Le seul paramètre qu'on va ajouter à la décision de commandement, c'est les prévisions de propagation des ondes pour voir s'il y a des risques que la latence [du signal satellite] soit trop élevée » ajoute-t-il.
Le système connaît une latence de 1,5 secondes pour le retour visuel (en conditions optimales), de 6 dixièmes de secondes pour envoyer une commande au navire, mais elle peut augmenter en fonction des conditions météorologiques affectant la qualité de la transmission.
En cas de coupure de la liaison satellitaire, le navire s’arrête automatiquement en se positionnant face au vent, en attendant d’être secouru. Si tout se passe comme prévu (lancement à l’horizon 2023), les navires employés seront plus petits (une vingtaine de mètres), fonctionneront à l’électricité et auront un robot sous-marin télécommandé.
« Nos services seront de 20 à 30 % moins chers. Surtout, on n'expose plus le personnel navigant dans les zones à risques et on réduit le nombre de rotations d'équipage », explique le PDG de SeaOwl.
Cargos autonomes développés par Rolls-Royce ou navettes de transport, les projets de navires sans pilote se multiplient depuis quelques années, avec notamment le trimaran Mayflower, qui se lancera au printemps 2021 dans une transatlantique sans équipage.