10 Mars 2021
Né à Paris, juste après l’écrasement de la révolution de 1848, le futur prince régnant suit une éducation très française, Petit Séminaire, lycée Stanislas, qui le conduiront à un engagement volontaire, au sein de la Marine Nationale, alors Marine Impériale, et une participation au conflit franco-prussien de 1870.
Le jeune enseigne de vaisseau y gagne la Légion d’Honneur et une passion pour la chose maritime.
Monaco en 1889, à l’accession au trône d’Albert Ier est une étrange cité qui rassemble deux quartiers très différents.
Un vieux port fortifié endormi dont s’empara, au XIIIe siècle un aristocrate génois banni, François Grimaldi, surnommé “Malizia” et une petite cité balnéaire florissante, créée par son père, connue alors sous le nom de Monte-Carlo et regroupant casino et hôtels de luxe.
Les rentrées financières de cet ensemble, inouïes pour l’époque, placent des ressources considérables entre les mains de cet aristocrate qui n’a rien d’un jeune homme oisif mais fait plutôt figure d’idéaliste engagé.
Le Prince acquiert en 1873 une goélette anglaise, rapide, de 24m de longueur, l’Hirondelle, remplacée, par une voilier mixte dès 1889, l’Hirondelle II. A bord de ces navires il entreprend de longues explorations qui le menèrent des açores en Islande, en passant par la Grande Bretagne et une visite extensive des côtes méditerranéennes. Scientifiques et proches l’accompagnaient pour des croisières qui mêlaient détente et recherche.
En 1895, c’est sur le Princesse Alice qu’il fait porter sa marque, un trois mâts goélette de 53 mètres de longueur.
A bord de ce navire, changement de programme, le prince entreprend personnellement des campagnes de recherches bactériologiques, météorologiques et physiologiques marines du meilleur niveau professionnel de l’époque.
Au cours de vingt-huit campagnes, scientifiques et explorateurs se relayèrent aux côtés du Prince. Le français Charcot, du Pourquoi Pas, fut ainsi l'invité du prince.
Parmi les recherches entreprises, le largage de flotteurs, équipés de messages en 10 langues demandant de les renvoyer à Monaco, en de nombreux points de l’Atlantique permirent de détailler les effets du Gulf Stream ou encore la découverte d’une fosse de 5530 m de fond en Atlantique, la fosse Monaco.
Lors de la dernière campagne du Princesse Alice à l’aube du XXe siècle, à bord de son navire d’exploration de classe polaire, le Princesse Alice II, Albert Ier atteint les 80° de latitude Nord au Spitzberg et effectua de nombreux relevés topographiques et bathymétriques tout comme un inventaire des espèces rencontrées. Sa carte générale bathymétrique des océans représente sa contribution majeure à l’océanographie de l’époque, de même que sa carte de l’archipel du Svalbard servit longtemps de référence avant que le service norvégien de cartographie n’en édite une nouvelle.
Il établit aux Açores un service météorologique entouré de nombreuses stations à même de collecter des données météorologiques à grande échelle et établir ainsi les tendances et régimes.
A bord de ses grands navires, les Princesse Alice I dépassait les 53m et son successeur le Princesse Alice II atteignait les 83 m, équipés de chambres froides pour la conservation des spécimens, de tables d’étude antiroulis, de lumière électrique et de TSF, les équipes scientifiques menaient leurs expériences tandis que le souverain pouvait garder contact avec sa principauté.
Tout ce que l’Europe scientifique comptait d'éminents manœuvrait pour trouver une place à bord.
Son altesse avait coutume de ne point lésiner sur la quantité et qualité du matériel à emporter à bord ni sur celle de sa table !
Soucieux de partager découvertes et trouvailles avec le plus grand nombre, le Prince fonda en 1906 l’institut océanographique de Paris (aujourd’hui Maison des Océans, 195, rue Saint-Jacques à Paris) puis lança, en 1910, la construction du Musée Océanographique de Monaco.
Cette dernière institution, destinée à la fois à recevoir les collections de spécimens rapportés par le Prince lors de ses 28 campagnes, offrait aussi des espaces de travail destinés aux chercheurs en résidence. Une fois désarmés les navires monégasques de recherche, bien des pièces de leur matériel rejoindront les collections du musée.
L’édifice, véritable “temple de la mer”, alors plus haute construction monégasque dépassant en hauteur le palais princier, est entièrement décoré dans une thématique marine, mosaïques, fresques et lustres en forme de méduses y rappellent la mer sous tous ces aspects. Au fronton de l’édifice, aucune référence à sa personne mais à ses navires chéris.
D’une superficie de 6000m², il comporte une centaine de bassins, dont un lagon aux requins, l’édifice héberge expositions permanentes et temporaires, le centre de conservation des tortues marines, et un espace de congrès.
Le commandant Jacques-Yves Cousteau en fut le directeur de 1957 à 1988.
Le prince Albert Ier s’est éteint en 1922, et avec lui disparut un grand pacifiste ayant personnellement tenté d’agir contre la première guerre mondiale, un scientifique et un explorateur de tout premier plan.