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Visite dans les entrailles d'un catamaran de voyage sérieusement réalisé : New Windelo 54

Visite dans les entrailles d'un catamaran de voyage sérieusement réalisé :  New Windelo 54

Aujourd'hui, je vous propose de me suivre dans une visite d'un genre particulier. On ne va pas s'intéresser du tout aux aménagements, aux coussins et cuisine, ni même à la motorisation hybride ou aux systèmes d'énergie, non, on va regarder ce qui est vraiment important sur un catamaran de voyage, la manière dont il est fait, conçu, ce qui lui apporte sa solidité, sa raideur, sa résistance, bref, ce qui en fait un engin solide, sur lequel on peut envisager sereinement un grand voyage.

Le composite très spécial des Windelo

Vous en avez probablement entendu parler si vous lisez cet article, les Windelo sont construits avec un composite sandwich réalisé en infusion et mettant en œuvre une mousse PET et des fibres de basaltes dans une résine vinylester.

Le PET remplace ici soit une mousse PVC soit du bois, du balsa. La mousse possède des avantages immenses par rapport au balsa. Elle ne souffre beaucoup moins de l'humidité qui survient fatalement quelque part via un perçage, une gerçure, pas avec le temps. La menace de délamination n'est pas du tout la même dans le temps. Le PET est recyclé, il provient de bouteilles d'eau minérale. 

La fibre utilisée est réalisée à partir d'une matière naturelle, le basalte. A la différence du verre, il nécessite moins de ressources pour sa fabrication. Enfin, la fibre de basalte est 10% plus raide que celle de verre. Windelo a conservé le même échantillonnage pour gagner en rigidité.

Le chantier a fait développer une gamme de tissus variés pour son usage propre, des tissus comparables à ceux réalisés ailleurs, en fibre de verre. Ce composite d'un genre spécial est né d'une étroite collaboration avec l'École des Mines d'Arles.

Roche, fil et tissu de basalte

Roche, fil et tissu de basalte

Le catamaran, une structure sous tension

Il n'est inutile de rappeler que la structure d'un catamaran est soumise à de fortes tensions, que le mât pousse fort sur la poutre tandis que la tension des haubans et galhaubans, pour maintenir le tout en place, tendent à écarter les coques de l'axe longitudinal du bateau. Les efforts en jeu sont importants et, si la rigidité (la raideur) du bateau est insuffisante, il se déforme. Vous l'avez probablement ressenti en croisière, il arrive qu'une porte ne ferme plus en navigation ou encore que les planchers couinent sous le pied. 

Que se passe t'il dans ces deux cas précis ? La porte qui ne ferme plus montre les efforts de torsion verticale auxquels est soumise la cloison qui la reçoit tandis que le plancher qui couine montre la torsion (horizontale cette fois) que subit la structure longitudinale du voilier.

Alors ca bouge, ca cuine, ce n'est pas grave, ni bien embêtant ? Et bien si, parce que les catamarans de grande série sont construits de manière à limiter au maximum les coûts et ceci conduit, insidieusement, à la diminution de ceux en rapport avec la structure.

C'est ce qui a conduit l'industrie de la construction à adopter massivement le principe du contremoule en remplacement de la technique traditionelle de moulage stratification des renforts.

Peu de déformation : un catamaran raide

Peu de déformation : un catamaran raide

Contremoule ou stratification des renforts ?

Un contremoule structurel est une pièce de structure qui embarque tout ou partie des renforts structurels d'une coque (hors cloisons). Dans la pratique, la coque est moulée d'une ou deux pièces et le contremoule est collé (le terme est important) dans le fond de coque, assurant, d'un seul coup, la pose de tous les renforts.

Ceci n'est pas sans poser des problèmes. La liaison coque contremoule est assurée par collage. Un collage invisible et la collaboration de la colle avec les supports n'a rien à voir avec celle de deux matériaux stratifiés ensemble. D'autre part, on perd de vue le fond de coque par endroits, les boulons de quille, sur les monocoques, traversent le contremoule et leur réel état devient mystérieux... Les cloisons sont ensuite souvent collées à la coque et au contre-moule et seules les cloisons principales (dans le meilleur des cas) sont stratifiées à la coque. Les autres, souvent réalisées en CP, sont collées. Le pont est finalement collé sur les coques.

Dans une construction composite traditionnelle, une coque de catamaran reçoit des raidisseurs longitudinaux sous forme de moulages en forme d'Ω grec (oméga) qui courent d'avant en arrière, stratifiés à la coque. Transversalement, les cloisons réalisées en composite sont également stratifiées à la coque, aux omégas et, plus tard, au pont. Dans un assemblage stratifié, les couches de tissus résinées répartissent plus largement et harmonieusement les efforts que dans un simple collage. L'ensemble se comporte d'une manière nettement plus homogène, qu'avec un contremoule, mais aussi nettement plus raide et rigide.

La manière traditionnelle n'est plus utilisée que par une poignée de chantiers de taille plus réduite. Gourmande en temps, en savoir-faire et en ressources, c'est celle choisie par Windelo ainsi que par les spécialistes de voilier de grand voyage. 

Windelo : Cloisons composite + omegas stratifiés à la coque

Windelo : Cloisons composite + omegas stratifiés à la coque

Crash box et cloisons étanches

Plusieurs événements sont redoutés par tous les marins. Au tout premier rang, figure la collision avec un OFNI. Son caractère impondérable le rend particulièrement terrifiant. Comment s'en protéger sur un catamaran composite quand on sait qu'un trou de 150 mm sous la flottaison vous envoie par le fond en moins de 10 minutes ? 

À l'instar des chantiers spécialisés dans le grand voyage, les Windelo comportent une crash box avant. Cet espace est délimité par le nez du bateau et par la première cloison et se prolonge sous le bateau. L'étrave elle-même est renforcée d'un pain de mousse PET qui y est logé et stratifié. Immédiatement en arrière de la crash box, c'est la pointe avant, un espace fermé par deux cloisons étanches.

La cloison arrière, également étanche, assure une protection en cas de choc par l'arrière.

Visite dans les entrailles d'un catamaran de voyage sérieusement réalisé :  New Windelo 54

Cloison de mât XXXL

La cloison de mât transmet aux coques les efforts verticaux du mât poussé contre elle par le gréement dormant. La solidité de cet ensemble est absolument cruciale sur un catamaran de voyage. Sur les Windelo, elle est sandwich mousse PET fibre de basalte, comme tout le bateau, mais sa section est nettement plus importante à près de 40 mm . Le sandwich travaillant mal en compression, elle est renforcée sous le mât d'une épontille faite de trois pièces de bois massif stratifiées à la coque. La cloison elle-même est épaissie en partie haute et basse et forme une sorte de H renversé de 90°, un IPN, dont la rigidité est accentuée. Pour en finir avec la déformation de cette cloison, elle est renforcée, en avant, de quatre contre-cloisons s'arc-boutant sur elle.

Solide, très solide.

 

La cloison de mat des Windelo avec, en avant les contrecloisons qui empêchent son flambage

La cloison de mat des Windelo avec, en avant les contrecloisons qui empêchent son flambage

Aménagements ultralight et à base de panneaux à âme PET 

Pour faire un catamaran de voyage vif sous voiles, comme l'est le New Windelo 54, il faut faire un bateau à la fois confortable tout en restant relativement léger. Pour cette raison, tout le mobilier des Windelo est réalisé en panneaux mélaminés dont l'âme est faite de mousse PET. La menuiserie maison assemble ces panneaux pour en faire la cuisine, les lits, et tous les aménagements des bateaux.

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Une organisation de la qualité au cœur de chaque poste du chantier

Comment assurer le passage de la théorie, ce qu'on sait devoir bien faire, avec ce qu'on fait réellement, sur le terrain, dans le cadre d'une forte croissance ? Avec une histoire récente (2018) combinée avec une montée en charge importante et rapide (10 unités construites dans l'année 2024) la feuille de route n'est pas facile à tenir.

Mais les fondateurs de Windelo savaient à quoi se tenir. Olivier Kaufmann et son fils Gautier ont structuré immédiatement la gestion de la qualité dans le chantier. Olivier est un manager très expérimenté et Gautier a appris le composite sous la supervision d'un mentor qui fit une longue carrière au sein d'un chantier voisin.

Aujourd'hui, un directeur du bureau d'études supervise un responsable de la qualité auquel répondent quotidiennement les différents responsables de poste. La qualité est au cœur du chantier, les équipes se réunissent brièvement avec les responsables de poste pour suivre les indicateurs à chaque prise de poste. 

À chaque changement de poste (moulage, assemblage, pontage, équipement...), les bateaux sont réceptionnés par l'équipe qui les reçoit avec 200 points de contrôle à la clé.

À la sortie de chaîne, les catamarans sont testés 48 heures en mer avec le contrôle de 750 points techniques.

Le travail d'équipe, d'une équipe qui compte maintenant près de 90 salariés.

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