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Élimination du soutien public à la pêche illégale : l'OCDE renforce son engagement international

photo - I Groshev Adobe Stock

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Le Conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a adopté, sur proposition du Comité des pêches, une nouvelle recommandation historique visant à éliminer les aides publiques bénéficiant directement ou indirectement à la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). Cette mesure, adoptée le 29 avril 2025, marque une étape majeure pour la protection des océans et la gestion durable des ressources halieutiques.

La lutte contre la pêche INN est au cœur des préoccupations internationales depuis plusieurs années. Ces activités clandestines compromettent non seulement la durabilité des stocks marins, mais portent également atteinte aux économies locales, à la sécurité alimentaire et exacerbent les conflits liés à la rareté des ressources. En réaction à ces menaces, l’OCDE a construit une série de recommandations destinées à empêcher que les fonds publics ne soutiennent, même indirectement, ces pratiques destructrices.

La recommandation s’appuie sur les normes existantes élaborées par les Nations Unies, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les Organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) et l’Accord de l'OMC sur les subventions à la pêche. Elle complète également les objectifs mondiaux de développement durable, notamment la cible 14.6 visant à éliminer les subventions nuisibles à l’environnement marin.

Dans son texte, l’OCDE rappelle que certaines activités annexes, comme le transbordement ou le ravitaillement en mer, favorisent la pêche INN tout en échappant souvent aux dispositifs de contrôle. Elle souligne aussi les difficultés liées à l’identification des véritables bénéficiaires des aides, en raison d'une structuration opaque de la propriété des navires.

Pour répondre à ces défis, les pays adhérents sont invités à cesser toute forme de soutien financier aux armateurs et opérateurs engagés dans des activités de pêche illégale. De plus, ils devront établir des mécanismes clairs pour refuser, suspendre ou retirer les aides publiques aux acteurs impliqués dans la pêche INN, en tenant compte de la gravité des infractions constatées.

Parmi les mesures phares recommandées :

  • N'accorder des aides qu’aux navires battant pavillon national et disposant d’une autorisation de pêche conforme aux standards internationaux ;

  • Mettre en place des systèmes d'information interinstitutionnels pour échanger des données sur les infractions avérées et sur l'identité des propriétaires réels ;

  • Évaluer systématiquement le risque que les dispositifs de soutien puissent encourager la pêche illégale et y remédier ;

  • Encourager la diffusion de cette politique à l’échelle internationale, via les ORGP et autres enceintes multilatérales.

Le texte précise que la confidentialité des données personnelles devra être respectée, et reconnaît la diversité des systèmes juridiques des pays membres, en laissant une certaine flexibilité dans la mise en œuvre.

Un aspect innovant de cette recommandation est son appel explicite à la coopération internationale. Le Comité des pêches de l’OCDE jouera un rôle central dans le suivi de sa mise en œuvre, en servant de plateforme d’échange de bonnes pratiques et d’expériences. Ce travail s’inscrit dans une dynamique plus large de mobilisation mondiale contre la pêche INN, notamment en vue de la troisième Conférence des Nations Unies sur les océans prévue à Nice en juin 2025.

En arrière-plan, l’OCDE a mobilisé une expertise approfondie pour élaborer ce texte. Depuis mai 2023, de nombreuses consultations techniques, échanges écrits, ateliers virtuels et réunions en présentiel ont permis d'affiner les propositions, en étroite collaboration avec la FAO, l’OMC et d’autres partenaires internationaux. La version finale représente donc un large consensus entre experts, chercheurs et décideurs politiques.

Au-delà des adhérents traditionnels de l’OCDE, la recommandation invite également les pays non-membres à s’aligner sur ces principes. Elle constitue ainsi un socle normatif global pour éliminer les subventions néfastes, en lien direct avec les objectifs de l'Accord sur les subventions à la pêche de l’OMC et du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal.

La portée de cette recommandation dépasse la seule sphère environnementale. En s’attaquant aux soutiens publics à la pêche illégale, elle vise également à renforcer l’équité économique entre les pêcheurs respectueux des lois et ceux qui exploitent les failles du système. En limitant les avantages financiers liés aux activités illégales, l'OCDE cherche à rendre ces pratiques moins rentables et donc moins attractives.

Enfin, la recommandation prévoit des mécanismes d’évaluation périodique : le Comité des pêches devra faire rapport au Conseil de l’OCDE sur la mise en œuvre de cette politique dans un délai de cinq ans, puis au moins tous les dix ans. Cette clause de réexamen garantit l’adaptabilité du texte face aux évolutions du secteur et aux nouveaux défis.

En conclusion, à travers cette initiative ambitieuse, l’OCDE réaffirme son rôle moteur dans la promotion d’une économie bleue durable. Elle propose aux États membres et au-delà une feuille de route claire pour éradiquer la pêche illégale en asséchant ses sources de financement publiques. À l'heure où les océans n'ont jamais été aussi menacés, cette recommandation trace le chemin d'une gouvernance internationale renforcée, fondée sur la transparence, la responsabilité et la coopération.

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