12 Mai 2025
Le 6 mai 2025, l’IMOCA Malizia - Seaexplorer a été remis à l’eau à Lorient, après plusieurs mois de refonte technique. L'équipe, dirigée par le skipper Boris Herrmann, se prépare désormais pour la Course des Caps et The Ocean Race Europe. Cette relance ne se limite pas à une simple révision : elle inaugure un changement de paradigme avec l’intégration d’un système de propulsion hybride-électrique, une première à ce niveau dans la classe IMOCA. Ce projet a été rendu possible grâce à deux nouveaux partenaires technologiques, Molabo et Fischer Panda, dont les solutions permettent de concilier exigences sportives et engagement environnemental.
Dans un contexte où les règles de la classe IMOCA évoluent, les moteurs thermiques restent obligatoires à bord pour répondre à des situations critiques, telles que les manœuvres au port ou les secours en mer. Toutefois, leur usage n’est plus envisagé comme une simple contrainte. L’introduction d’un moteur électrique basse tension et d’un générateur utilisant des carburants alternatifs s’inscrit dans une volonté de transformation durable. Ce système permet désormais à l’équipe de répondre aux exigences de motricité tout en minimisant l’impact carbone de ses navigations.
Le nouveau moteur installé, un Molabo ARIES i50 fonctionnant à 48 volts, présente des avantages à la fois techniques et sécuritaires. Contrairement aux systèmes haute tension plus complexes et risqués, cette motorisation est conçue pour être manipulée sans danger. Elle est couplée à des panneaux solaires Solbian déjà présents à bord, ainsi qu’à des hydrogénérateurs Watt and Sea. Un générateur Fischer Panda, homologué pour fonctionner à l’huile végétale hydrogénée (HVO), complète cet ensemble, offrant une alternative crédible aux carburants fossiles.
Ce système hybride repose également sur une capacité accrue de stockage d’énergie. Une batterie à haute densité, fournie par Solid State Marine, permet désormais de conserver l’électricité produite par les énergies renouvelables, notamment pendant les heures d’ensoleillement. Ainsi, les périodes de faible production, comme la nuit ou par temps couvert, peuvent être franchies sans recours au générateur. L’objectif est de maximiser l’autonomie énergétique tout en conservant la souplesse opérationnelle requise par la navigation hauturière.
L’équipe a aussi tenu compte des changements de réglementation décidés pour cette saison. La puissance minimale requise des moteurs est passée de 35 à 45 chevaux. Trois options s’offrent alors aux équipes : installer un moteur diesel plus puissant, ajouter un lest compensatoire à l’ancien moteur ou adopter une solution hybride, à condition que la performance obtenue soit équivalente à celle d’un moteur thermique de 45 chevaux. Dans ce cadre, chaque IMOCA doit démontrer sa capacité à naviguer pendant cinq heures à une vitesse constante de cinq nœuds, un test que Malizia - Seaexplorer est en train de finaliser.
En optant pour une motorisation hybride, Team Malizia ouvre la voie à une nouvelle génération de voiliers de compétition. Selon Jesse Naimark-Rowse, conseiller technique, le projet a nécessité une réflexion approfondie sur l’intégration de la motorisation à l’ensemble du système énergétique du bord. Le stockage d’énergie a été un élément central dans cette réflexion, permettant de tirer le meilleur parti des sources renouvelables déjà installées. Désormais, les départs et arrivées au port peuvent se faire entièrement en mode électrique, sans émission.
Cette innovation n’est pas seulement fonctionnelle. Elle offre également un gain de poids non négligeable par rapport aux moteurs thermiques traditionnels, ce qui constitue un avantage certain en course. Selon Pierre-François Dargnies, directeur technique de l’équipe, la conversion vers une architecture 48V a exigé quelques ajustements électriques, mais s’est effectuée sans modifier fondamentalement la structure du bateau. Les tests en mer permettront de valider cette transformation avant les premières phases d’entraînement.
Au-delà des aspects énergétiques, d’autres évolutions ont été apportées à bord. Les foils de troisième génération, initialement testés en 2024 mais écartés pour le Vendée Globe en raison de leur manque d’homologation dans des conditions extrêmes, sont désormais pleinement intégrés. Boris Herrmann précise que ces appendices avaient été conçus pour optimiser les performances dans les régates au large, et que leur utilisation à partir de cette saison était prévue dès l’origine.
Des ajustements ont également été réalisés sur la voilure, notamment avec l’introduction d’un nouveau spinnaker plus plat, censé offrir une meilleure stabilité dans certaines conditions de vent. Par ailleurs, les cordages de manœuvre ont été en grande partie renouvelés, grâce au partenariat technique avec la société Gleistein, spécialisée dans les matériaux textiles de haute performance.
Le retour à une configuration pour course en équipage a nécessité plusieurs modifications structurelles. Le cockpit a été réorganisé pour accueillir quatre marins et un reporter embarqué. Le siège de navigation a été repositionné afin d’offrir une meilleure visibilité sur le pont et une interaction directe avec le reste de l’équipage. L’espace de repos a été optimisé grâce à l’ajout de couchettes supplémentaires dans la cabine arrière, offrant un accès direct à l’extérieur pour les changements de quart.
Will Harris, co-skipper, précise que le bateau avait été entièrement optimisé pour la navigation en solitaire durant le Vendée Globe, notamment avec un siège suspendu destiné à réduire la fatigue du skipper. Ce dernier a été retiré afin de libérer de l’espace pour l’équipage et de rétablir l’agencement adopté lors de The Ocean Race.
Du point de vue technologique, cette refonte place Team Malizia à l’avant-garde d’un changement profond dans la course au large. Pour Adrian Patzak, directeur opérationnel chez Molabo, l’exemple du Seaexplorer montre que des solutions techniques fiables existent déjà pour réduire les émissions en mer. La même motorisation équipe aujourd’hui un ferry solaire de 84 passagers, utilisé quotidiennement. Selon lui, cette avancée dépasse le seul cadre de la compétition et peut s’appliquer à des usages commerciaux ou récréatifs.
Holly Cova, directrice de Team Malizia, rappelle que cette démarche s’inscrit dans une continuité. Après plus de 100 000 milles parcourus, plusieurs tours du monde et une collecte de données océanographiques en continu, l’équipe poursuit son double objectif : améliorer ses performances sportives tout en menant des actions concrètes en faveur du climat. Cette relance s’accompagne d’ailleurs du lancement d’un second navire, un voilier-laboratoire destiné à renforcer le programme de recherche environnementale du team.
Cette dynamique est soutenue par sept partenaires principaux : EFG International, Zurich Group Germany, Kuehne+Nagel, MSC Mediterranean Shipping Company, Hapag-Lloyd, Schütz, ainsi que le Yacht Club de Monaco. Tous s’engagent aux côtés de l’équipe dans la mission « A Race We Must Win – Climate Action Now! », chacun œuvrant dans son domaine pour favoriser les innovations durables.
Team Malizia ne se contente pas de suivre l’évolution des normes : il participe activement à leur définition. En collaborant étroitement avec la classe IMOCA sur l’application concrète des nouvelles règles, l’équipe contribue à poser les bases d’un modèle plus responsable pour la course au large. Ce positionnement pourrait à terme devenir un standard dans l’univers de la voile de compétition.
À l’aube d’une nouvelle saison, l’équipe aborde ainsi la compétition avec une vision élargie : celle où la performance sportive, l’innovation technologique et l’engagement écologique s’inscrivent dans une même trajectoire.