25 Février 2014
Il y a deux ans maintenant, le super yacht de Stéphane Courbit sombrait en Mer Egée. ActuNautique s'est plongé dans le rapport d'enquête établi par le BEA Mer, le Bureau d'Enquête Accident Maritime.
Ce rapport de 40 pages du BEA Mer se révèle être très sévère quant à la conception du navire, suite à son réhaussement par rapport à ses sisterships. Il émet des doutes, tant sur la stabilité du Yogi, que sur des choix architecturaux risqués. Il note de plus que les canots de sauvetage n'étaient pas accessibles quand l'équipage a cherché à les gagner...
A son lancement en 2011, le Yogi avait pourtant fait sensation.
Lors de son lancement, le super yacht de l'homme d'affaires français Stéphane Courbit, construit en Turquie chez Proteksan Turquoise, ne s'était pas seulement distingué par son design très personnel. Egalement par son immatriculation. Portant le pavillon du RIF, le Registre International Français, le Yogi était en effet le plus grand yacht immatriculé en France : 197 pieds soit près de 60 mètres de long !
Un yacht qui avait une nouvelle fois fait la Une de l'actualité moins d'un an plus tard, quand il avait sombré en Mer Egée, et que l'hélitreuillage de son équipage avait fait la tour des télévisions du monde entier.
=> lire l'article : le yacht de Stéphane Courbit sombre en Mer Egée
Pourquoi un navire neuf, parfaitement entretenu et conduit pas un équipage aguerri avait-il sombré de la sorte ? Tel était l'objet de l'enquête diligentée par le BEA Mer pour en savoir davantage sur les raisons de cet accident rarissime, pour lequel par chance, aucune victime n'était à déplorer.
Présentation du Yogi
A sa présentation, le Yogi est le troisième d'une série de trois navires construits à Pendik par le chantier Proteksan Turquoise, sous le nom NB 49. Plus long de 6,40 m, il se distingue des NB 47 et NB 48 par un sun deck couvert et un hard top. De ce fait, un lest a été soudé sur la quille, au cours de la construction, pour un poids total de 27,9 tonnes. La coque est en acier et les superstructures en aluminium.
Proteksan Turquoise a réalisé les études de coque, de structure, d'ingénierie et les plans de détails. Le cabinet d'architecture JG Vergés Design a réalisé le style extérieur, l‟architecture intérieure et le design du mobilier de pont.
Livré en avril 2011, il est alors considéré comme une vitrine du savoir-faire de Proteksan Turquoise. Le Yogi a d'ailleurs reçu la distinction internationale « Most innovative yacht of 2011 » à Cannes...
La chronologie des faits
Dans la nuit du 16 au 17 février 2012 le motor yacht français YOGI fait route en Mer Égée, à destination de Cannes, avec un équipage de conduite de huit marins.
Les conditions météo sont relativement bonnes (mer et vent de l‟arrière) et les deux moteurs sont en service ; la vitesse moyenne est proche de 14 nœuds.
Une élévation anormale de la température eau douce de réfrigération et une fuite sur l‟échappement du moteur tribord contraignent le capitaine, qui est de quart, à stopper celui-ci. Peu après, le moteur bâbord est également en surchauffe et stoppe automatiquement, alors que le chef mécanicien, de quart, a demandé au capitaine de réduire le nombre de tours. La personne désignée à terre est alertée de la situation par le capitaine.
Le navire est alors en dérive, travers à la houle, et gîte sur bâbord. Les filtres du circuit d‟eau de mer de réfrigération des deux moteurs sont contrôlés mais trouvés propres. Le moteur bâbord est remis en route et les températures sont redevenues normales ; le capitaine décide de mettre le cap vers l‟île Skyros, distante de 25 milles, mais la barre ne fonctionne plus et indique un angle de 30 degrés sur tribord.
De ce fait, des investigations sont alors effectuées par le second capitaine et les mécaniciens vers les trois compartiments de l‟arrière (beach club 1, beach club 2 et local appareil à gouverner) ; tous sont trouvés partiellement envahis, avec des hauteurs d‟eau plus ou moins importantes. L‟assèchement est mis en route.
Alerte PAN PAN et demande d‟assistance par remorqueur auprès des autorités grecques.
Sous l‟effet de la giration, la gîte passe sur tribord puis s‟accentue brusquement. Les moyens d‟assèchement ne fonctionnent plus. Peu après, le pont inférieur et le pont principal sont envahis.
Un MAYDAY avec demande d‟évacuation de l‟équipage est envoyé. Un remorqueur d‟assistance est mobilisé et l‟intervention d‟un hélicoptère des garde-côtes grecs est rapidement confirmée. À 8h50, les opérations d‟hélitreuillage sont terminées et l‟équipage est sain et sauf. En fin de matinée, le YOGI sombre par 500 mètres de fond.
Les causes de l'accident du Yogi
Le Yogi a pris de la gîte avant de se coucher sur le côté puis de sombrer, suite à l'envahissement initial de ses 3 compartiments arrières par de l'eau, qui a destabilisé le navire. Ce naufrage survient dans un contexte réglementaire « exigeant », le Yogi étant le premier grand yacht immatriculé au RIF, et un environnement où les évolutions techniques ont été importantes dès le début du projet.
Selon le BEA Mer, les différents problèmes relatifs à cet accident sont les suivants :
Si la cause initiale de l'envahissement d'eau gagnant rapidement 3 compartiments arrières du Yogi demeure incertaine (fissure de l'échappement sous-marin, étanchéité de la porte arrière), il n'en demeure pas moins que le réhaussement du navire à sa construction, qui a nécessité 28 tonnes de lest supplémentaires, le choix d'une porte arrière dont la partie basse était immergée, la défaillance de systèmes d'alarme et de réfrigération des moteurs, l'interrogation sur les tests de stabilité à priori insuffisants, sont les raisons de ce naufrage spectaculaire.
Les recommandations du BEA Mer
Aux armateurs de yachts de grande plaisance :
Le BEA Mer leur recommande :
Aux architectes et constructeurs de yachts de grande plaisance :
Le BEA Mer leur recommande :
À l’administration :
Le BEA Mer leur recommande :
Aux sociétés de classification :
Le BEA Mer recommande :
A la publication de ce rapport, le directeur général du chantier Proteksan Turquoise a déclaré que son chantier avait parfaitement respecté les différentes réglementations lors de la construction du yacht, et que le client avait lui même renoncé au second test de stabilité qu'il avait demandé précédemment, arguant du fait que le navire était stable. Les armateurs jugeront...
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