29 Avril 2016
Aujourd’hui, le constat est le suivant : si vous pouvez louer votre navire à un particulier à Lorient ou au Lavandou, vous n’aurez pas l’autorisation de le faire à Arcachon…
De la Manche à la Corse en passant par la façade atlantique, l’absence d’harmonisation entre les ports de plaisance et les pratiques contradictoires participent donc à un flou général source d’insécurité juridique et d’incompréhensions par les navigants.
Au risque de décevoir le plaisancier en recherche d’une réponse claire, celle-ci ne pourra être que nuancée en l’absence de réglementation précise. Pour autant, le rappel des grands principes qui régissent le domaine public maritime permet d’apporter des éléments d’informations dans l’attente d’éclaircissement prochainement avec notamment les interventions de la Direction des affaires maritimes et de la Fédérations des industries nautiques.
Domaine public maritime et activité commerciale de location de navires entre particuliers
Il faut distinguer deux situations :
1 / Location du navire entre particuliers pour une utilisation en mer
Il serait audacieux pour un port de plaisance d’interdire un particulier de proposer son navire à la location particulière en vue d’une navigation. En revanche, la réglementation pose un certain nombre de précautions :
L’article 1 er du décret du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution expose que le navire de plaisance à usage personnel doit être utilisé à titre privé sans qu’il puisse faire l’objet d’une activité commerciale.
Or après avoir rappelé qu’un navire est un bien meuble au sens juridique (Article 528 du Code civil), toute entreprise de location de meubles est considérée comme une activité commerciale (Article L. 110-1 du Code de commerce).
Si on conjugue ces dispositions, il en ressort qu’un navire de plaisance à usage personnel ne devrait pouvoir faire l’objet de location. Or, dans les faits, il apparaît que les locations de navires de plaisance entre particuliers se pratiquent chaque jour dans un flou réglementaire problématique.
Sur un plan juridique et fiscal, comment fixer la durée de la location sans que celle-ci ne modifie l’usage du navire et le statut du particulier ?
Selon quelles modalités considère-t- on la location entre particulier comme une activité commerciale à part entière avec son lot de contraintes et d’obligations ? Fréquence des locations ? Seuil de revenus locatifs ? Montant du loyer fixé dans une limite « raisonnable » ?
Concernant la déclaration des recettes perçues par le plaisancier, reste à déterminer quel est le régime applicable de plein droit par l’administration fiscale ? Régime du micro-BIC ?
Nous vous invitons à lire cet article "19 pistes pour encadrer la plaisance collaborative" notamment concernant les obligations fiscales à la charge des sites de mise en relation :
« A compter du 1er juillet 2016, les plateformes seront tenues d’informer leurs utilisateurs de leurs obligations en matière sociale et fiscale. Pour qu’elles soient à même de remplir cette obligation, l’administration devra expliquer que certaines activités ne créent pas de revenus imposables. »
2 / Location du navire entre particuliers à titre d’hôtellerie au ponton
Certains sites se sont spécialisés dans la location de navires à quai entre particuliers. Au regard de la réglementation actuelle, un port de plaisance pourra refuser une telle location.
En effet, l'article R. 5314-31 du Code des transports autorise la disposition privative de postes à quai pour une durée d'une année, renouvelable, permettant un droit d'usage exclusif de l'emplacement attribué.
Autrement dit, le ponton appartient à un domaine inaliénable et imprescriptible de la collectivité nationale française. Il ne s’agit pas d’un bien ou d’une parcelle de terrain qui puisse faire l’objet d’actes de commerce.
A ce titre, la plupart du temps, la location du navire à quai sur le poste à flot objet de l’autorisation d’occupation privative sans aucune navigation sera interdite par l’autorité portuaire.
Le plaisancier qui souhaiterait louer de la sorte, aura l’obligation de prévenir la capitainerie de son intention, cette-dernière ayant toute discrétion et légitimité pour autoriser ou refuser la location.
Jérôme Heilikman Juriste - Doctorant |
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Président fondateur de Legisplaisance, juriste spécialisé en droit maritime et droit social des marins à la Sous-direction des affaires juridiques de l’Etablissement National des Invalides de la Marine. Titulaire du Master 2 Droit et Sécurités des activités maritimes et océaniques de l’Université de Nantes et en préparation de thèse de doctorat sur la construction et le recyclage des navires de plaisance. |