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Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement

Partie l'année dernière à travers l'Océan Pacifique, la goélette Tara est à mi-parcours de son expédition dédiée à l'impact du réchauffement climatique sur les récifs coralliens. Bilan, déjà 50 000 kilomètres et 15 pays parcourus d'Est en Ouest.

Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement
Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement
Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement
Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement
Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement
Tara Pacific : Pourquoi les récifs coralliens se dégradent irrémédiablement

Cette mission scientifique exceptionnelle, initiée par la Fondation Tara Expéditions, a permis de prélever pas moins de 15 000 échantillons, au cours de 2000 plongées. 

Les analyses qui viennent de débuter permettront de mieux connaître la biodiversité et l'état de santé des récifs coralliens, ainsi que leur capacité d'adaptation aux changements climatiques et environnementaux.

L'équipe de scientifiques à bord de la goélette a également constaté un blanchissement massif des coraux sur tout le Pacifique : la couverture corallienne a ainsi été affectée à hauteur de 30 à 90 % sur certains sites, même si quelques uns étaient encore indemnes, comme à Wallis et Futuna.

Partie en mai 2016 de Lorient, Tara a parcouru la moitié des 100 000 kilomètres prévus pour l'expédition Tara Pacific 2016-2018. En parcourant l'Océan Pacifique d'Est en Ouest pendant la première année de la campagne, la goélette a rejoint les récifs coralliens les plus isolés du Pacifique Sud et prélevé 15 000 échantillons sur 35 000, destinés à mieux comprendre la biodiversité corallienne face aux changements environnementaux.

Un blanchissement massif des coraux 

C'est en arrivant à Ducie Island, à l'Ouest de l'île de Pâques, en novembre 2016, puis à Moorea, en Polynésie Française, le mois suivant, que les scientifiques ont observé les premiers récifs fortement impactés par le réchauffement climatique. 

Alors que l'expédition étudie principalement les réponses biologiques du corail face aux bouleversements environnementaux, l’équipage a pu établir plusieurs observations : 

  • En Polynésie, le blanchissement a atteint 30 à 50% dans certaines îles des Tuamotu ;
  • Sur certains sites, c’est près de 70% de la couverture corallienne qui était affectée par le blanchissement au passage de la goélette comme aux îles Pitcairn ;
  • Aux Îles Samoa le blanchissement avait atteint 90% et donné lieu à la mort des colonies coralliennes ;
  • En Micronésie, aux îles Tuvalu et Kiribati, une partie des récifs étaient déjà morts avant l’arrivée de Tara ;
  • Les récifs de Wallis et Futuna ont quant à eux été relativement préservés ;
  • Au nord du Pacifique, dans des eaux pourtant plus tempérées, les récifs n’ont pas non plus échappé au blanchissement : il atteint 70% à Okinawa, au Japon.

Dans les zones très peu polluées avec une densité de population très faible, comme en Polynésie Française, seule la hausse des températures a pu entraîner une telle dégradation des coraux :

« Plus l’augmentation de la température dépasse les normales attendues, et plus les durées d’exposition à ces fortes températures de l’eau sont longues et plus le blanchissement est fort », explique à ActuNautique Serge Planes, directeur scientifique de la mission et chercheur au CNRS. 

La combinaison de ces deux facteurs entraîne en effet la rupture de la symbiose entre l’animal et l'algue, donc la mort du polype si le réchauffement perdure au-delà de trois semaines. 

Selon Serge Planes, « on ne peut plus aujourd’hui parler d’épisodes ponctuels ou cycliques de hausse de températures, comme le phénomène climatique El Niño. Aujourd’hui, nous sommes en présence d’un réchauffement global de l’océan auquel s’ajoutent des périodes estivales très chaudes, de moins en moins espacées d’année en année. » 

Pour Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Expéditions, c’est bien la preuve que « limiter le réchauffement à deux degrés comme acté dans l’Accord de Paris est bien loin d’être suffisant pour les écosystèmes marins ».  

Des changements profonds pour les récifs coralliens

« Ce que nous serons en mesure de dire avec les données originales de Tara Pacific, c’est quels sont les facteurs qui favorisent ou non la résistance des espèces coralliennes », indique Denis Allemand, codirecteur scientifique de l'expédition et directeur du Centre Scientifique de Monaco. 

Les espèces qui sont aujourd’hui abondantes sont celles pour lesquelles les conditions sont idéales. Dans l’avenir, l’environnement devrait devenir favorable au développement d’autres espèces. 

Dans un tel contexte de bouleversements, les capacités d’adaptation se développent. Cela laisse envisager des changements importants des récifs coralliens dans les décennies à venir.  

15 000 échantillons prélevés 

Les 15 000 échantillons prélevés par Tara sur 17 sites différents permettront aux scientifiques de définir la diversité microbienne associée au corail. L'équipe a également pu tester un tout nouvel outil de séquençage in situ de l'ADN, pour permettre l'identification moléculaire des espèces immédiatement sur site. 

« Grâce au "MinIon", séquenceur de la taille d’une grosse clef USB, un séquençage à haut débit de l’ADN est réalisé à bord, ce qui est très utile pour identifier les espèces de manière quasi-instantanée en cas de doute. L'analyse des données permet une classification des espèces collectées par comparaison à celles déjà connues », explique Quentin Carradec, du Genoscope (CEA). 

À terre, les scientifiques du Genoscope ont commencé à séquencer les génomes pour caractériser la diversité du microbiome, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes associés au corail, à l'eau environnante ou aux poissons de récifs. 

Les premiers tests de séquençage révèlent des échantillons de très bonne qualité, confirmant que le mode de transport et de conservation des prélèvements à bord de la goélette est satisfaisant.  

Mieux comprendre la réponse des coraux aux changements climatiques et environnementaux

Cette véritable bibliothèque d’échantillons permettra d’établir une base de données inédite, à destination des différents laboratoires internationaux réunis par la Fondation Tara Expéditions. 

A terme, ils seront en mesure de comparer les récifs et distinguer leurs capacités de résistance aux bouleversements, et valider l’hypothèse selon laquelle un écosystème corallien riche, qui présente une forte biodiversité, est plus résilient. 

Par ailleurs, une corrélation pourrait être établie entre la diversité microbienne associée aux coraux et la diversité des espèces coralliennes elles-mêmes. La diversité génétique étudiée permettra de découvrir les génomes de tout un ensemble d’organismes qui cohabitent avec et autour du corail, ainsi que leurs réponses aux stress liés notamment au réchauffement climatique. 

Tara vient de quitter la Grande Barrière de Corail (où 50 % des coraux sont déjà morts), et se rendra dans les jours et mois à venir aux îles Salomon, en Nouvelle-Calédonie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux Philippines, en Indonésie, à Palau, au Japon, en Chine et à Hawaï, où les chercheurs poursuivront le même protocole. 

Tara parcourra des zones de biodiversité très riches, dont certaines très peu voire pas étudiées du tout, notamment en Chine. Tara Pacific s’achèvera alors avec un retour du bateau en octobre 2018 à Lorient.

 

Le bilan de Tara Pacific en chiffres : 

  • 11ème expédition de Tara depuis 2003
  • 2 ans d’expédition de mai 2016 à septembre 2018
  • 30 pays visités
  • 70 escales
  • 100 000 km parcourus
  • Près de 100 scientifiques impliqués
  • 23 institutions et laboratoires de recherche
  • 40 archipels analysés de façon identique et ensuite comparés
  • 10 sites feront l’objet d’études ciblées sur des problématiques locales 
  • Total de 35 000 échantillons en 2 ans 


Tara Pacific est soutenue par le CEA, le CNRS, l'Université Paris Sciences & Lettres, le CSM, et de nombreux autres partenaires privés et publics.

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