ActuNautique a rencontré Yann Masselot, le directeur général du chantier bordelais CNB Lagoon, pour parler de l'actualité du chantier, des nouveautés 2018 et du lancement d'une seconde marque de catamarans, prévue pour 2019 !

Yann Masselot, l'actualité est chargée pour CNB-Lagoon : vous venez de clôturer une saison nautique très forte ; il y a de la croissance dans les volumes, un plan produit extrêmement riche, mais également un plan industriel, avec le développement de nouveaux sites et l'agrandissement de la capacité de production… L'année démarre au surf chez Lagoon !!

Yann Masselot - Cette année est en effet une année chargée pour le chantier, puisque pour Lagoon, nous avons lancé pas moins de trois nouveautés avec les Lagoon 40, Lagoon 50 et le grand Seventy 8, notre grand motoryacht. Au niveau de CNB, nous avons aussi lancé le CNB 66,  ce qui porte à quatre le nombre de nos nouveautés cette année ! C'est un plan produit très riche, et nos équipes de développement ont réalisé un travail incroyable pour lancer ces quatre bateaux en seulement un mois !

Peu de chantiers arrivent à lancer autant de gros bateaux... sur des périodes aussi courtes !

Yann Masselot - Oui, et nous sommes très fiers de nos équipes ; je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de chantiers dans le monde capables de lancer quatre grands bateaux aussi rapidement !

Quelques chiffres sur CNB Lagoon ? Vous êtes l'un des plus gros sites industriels d'Aquitaine et vous êtes également très présent sur Bordeaux...

Yann Masselot - C'est vrai, et on parle beaucoup de nous en ce moment ; la mairie de Bordeaux nous a fait remarquer l'année dernière que nous étions devenu le plus gros employeur industriel privé de Bordeaux, ce qui nous fait plaisir ! Nous avons pris beaucoup d'envergure grâce à une forte croissance, puisque nous avons un effectif qui a plus que doublé depuis 7 ans… Une belle réussite !

Combien de personnes et quel chiffre d'affaires chez Lagoon ?

Yann Masselot - Nous avons passé le cap des 1000 personnes en juin dernier, et pour l'exercice qui vient de se terminer pour nous fin août, année nautique, nous sommes arrivés à un chiffre d'affaires de 230 millions d'euros.

Combien de catamarans produits ? Le cap des 400 unités à t-il été franchi ?

Yann Masselot - Oui, nous avons effectivement passé ce cap des 400 unités produites et vendues ! C'est un beau cap que nous n'avions jamais passé auparavant.

Un cap qui n'avait pas été atteint avant crise ?

Yann Masselot - Non, c'est vraiment une première pour Lagoon ! Depuis maintenant trois ans, Lagoon a dépassé ses niveaux historiques d'avant-crise. C'est très particulier au marché des catamarans, parce que les chiffres de ce marché montrent qu'ils s'agit du seul secteur de tout le monde du nautisme qui est désormais plus haut qu'avant la crise de 2008 !

Comment avez vous articulé ce succès ?

Yann Masselot - Nous continuons de suivre la demande du marché de nos clients. Sur les catamarans, nous avons – et c'est un avantage – beaucoup de nouveaux venus sur le marché du bateau, qui ont des références complètement différentes de celles de nos clients traditionnels. Ces nouveaux arrivants viennent en fait s'acheter une résidence secondaire : ils attendent donc du confort, un niveau de luxe et de confort à bord des bateaux « comme à la maison ». Nous avons donc suivi ce marché pour répondre à cette demande. En travaillant en collaboration avec nos designers d'intérieur et nos architectes, nous avons réussi à faire monter le niveau des Lagoon en termes de confort et de perception de luxe. 

C'est particulièrement flagrant sur les Lagoon 40 et 50, qui sont complètement différents de leurs prédécesseurs ; les Seventy 7 et Seventy 8 aussi, qui s'inspirent des yachts. Ces deux bateaux sont « sold out » : ils ont été lancé il y a quelques semaines pour le premier et il y a un an pour le second… Vous attendiez-vous à ce succès, et combien comptez-vous d'unités vendues, pour quels délais ?

Yann Masselot - On espérait un tel succès, parce que ces deux unités représentent des énormes investissements pour nous, et nous avons dû construire des usines qui leur sont dédiées. Nous sentions qu'il y avait une demande du marché vers des bateaux plus gros, puisque nous nous étions arrêtés chez Lagoon au 620 et au 630, voile et moteur (62 pieds, 19 mètres), et nous avions un nombre croissant de clients qui souhaitaient de plus grands bateaux. Nous avons donc basé notre croissance vers ces grands bateaux sur ces clients existants. Ce qui nous a surpris, c'est que nous avons attiré des clients qui viennent des grands motoryachts, des clients que nous n'avions pas avant. 

Des clients qui avaient donc des grands monocoques, et qui ont décidé de « downsizer » vers du catamaran, moteur ou voile ?

Yann Masselot - Effectivement, nous avons récupéré une clientèle qui avait des grands motoryachts de 75 à 120 pieds, et qui disent tous la même chose, et c'est vraiment intéressant, qui viennent sur du grand catamaran à moteur. Ils se sont retrouvés dans l'offre produit que nous avons amené, à un niveau de confort et de luxe que personne n'attendait sur un Lagoon. Nous avons engrangé un raz-de-marée de commandes, ce qui a rassuré nos équipes et nos actionnaires, parce que les investissements que nous avons engagé sont énormes. 

Justement, vous avez construit une usine flambant neuve, déjà saturée, pour ces catamarans géants ; est-ce à dire que vous allez ouvrir un nouvel atelier à Bordeaux pour répondre à la demande ?

Yann Masselot - Il faut garder la tête froide, il y a une priorité quand on arrive à ce niveau de bateau, c'est la qualité. La montée en cadence de cette usine est très progressive, nous ne devons pas aller trop vite, et avec un œil très critique sur chaque bateau qui sort de l'usine pour garantir le niveau de qualité que nous avons présenté sur les salons et que nos clients attendent. Donc il n'est pas prévu de doubler cette usine dans l'immédiat.

Une phase d'apprentissage, donc, pour répondre aux attentes des clients des superyachts ?

Yann Masselot - Tout à fait ! Nous ne devons pas nous tromper dans ce domaine : nous sommes entré dans un monde (le superyacht, le grand luxe), où nous avons rencontré une clientèle que nous n'avions pas jusqu'à présent ; nous avons dans ces clients, beaucoup de milliardaires, et leurs attentes sont très hautes. Donc nous devons être au niveau ! C'est un vrai challenge pour nous, et nous avons engagé de nombreuses démarches à ce niveau-là !

Si l'on s'intéresse maintenant aux Lagoon de plus grande distribution, jusqu'à 60 pieds,  la demande ne faiblit pas. POur ces modèles également, vous manquez aussi de capacité de production. Vous aviez jusqu'à présent deux sites industriels ; vous en ouvrez aujourd'hui un troisième, avec l'objectif de faire passer à terme votre capacité de production de 400 à 700 unités. Est-ce bien raisonnable ?

Yann Masselot - L'analyse faite au sein du Groupe Bénéteau, a conclu que sur ce marché spécifique, les perspectives sont positives. Nous pensons être sur une tendance de fond avec le développement du marché des catamarans. La décision a donc été prise et j'en remercie l'actionnaire, de transformer l'une des usines vendéennes de monocoques du groupe, pour y construire des catamarans. Notre usine principale se situe sur un site qui s'appelle Belleville-sur-Vie, à côté de la Roche-sur-Yon, et à seulement un kilomètre de ce site, il y avait d'autres usines du Groupe Bénéteau, notamment une qui s'appelle Poiré et que nous avons transformé et que nous continuons de transformer : depuis maintenant 6 mois, nous avons commencé à produire des catamarans dans cette usine, pour effectivement à terme, à un horizon que nous ne nous sommes pas fixés, être à une capacité de production de 700 catamarans pour répondre au marché. 

Le développement du marché aujourd'hui se fait sur un développement intrinsèque et sur des transferts de clientèles. Il y a quelques mois, des bruits ont fuité, peu à peu officialisés, sur le fait que le Groupe Bénéteau envisageait de lancer une seconde marque de catamarans ; qu'en est-il Yann Masselot, et quel serait l'horizon ?

Yann Masselot - Nous avons passé du temps à analyser l'état du marché, sa direction, les concurrents, et nous sommes arrivés à la conclusion qu'avec une marque, on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Nous avons estimé qu'il y a des pans entiers du marché, des segments qui sont aujourd'hui délaissés. Le succès de Lagoon et de certains de nos concurrents ont drainé l'ensemble des constructeurs catamarans dans une partie du marché, qui reste le cœur du marché. Or, il y a d'autres parties du marché qui sont délaissées. Nous nous sommes dit qu'il était peut-être temps de positionner une gamme, une marque de catamarans sur ces secteurs-là que nous connaissons bien, et nous avons décidé de lancer cette marque pour 2019. 

Le repositionnement de Lagoon avec un niveau de finition et de luxe supérieurs, ouvre donc la porte à toutes les possibilités...

Yann Masselot - Exactement, et nous avons une vraie vision à long terme, et nos actionnaires font confiance à CNB pour développer cette nouvelle marque. C'est un challenge qui est passionnant !

Décryptage

Avec cette seconde marque de catamarans, complémentaire de Lagoon dans son positionnement, le chantier CNB-Lagoon compte bien renforcer son leadership sur le marché, notamment face à de nouveaux entrants comme Dufour, ou face à Fountaine-Pajot qui affiche cette année une croissance de CA 12% un peu décevante (23% pour Lagoon et 26% pour Catana Group). Le positionnement de cette nouvelle marque sera intéressant à observer, tant en terme de services proposés, que de design et de fonctionnalités. Les mois à venir seront assurément passionnants sur le marché des multicoques...