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Gabart vs Class Ultim 32/23, un panier de crabes dans le cockpit

Le cockpit fermé du trimaran de Gabart, SVR Lazartigues, est à l'origine d'une querelle avec l'organisation de la classe Ultim, un conflit que le marin a porté sous l'attention du public.

La classe Ultim refuse, contre l'avis des experts, son certificat de jauge à un SVR Lazartigues qui a, de son côté, poussé très loin son interprétation des règles de classe.

Une chose est certaine, laver son linge sale en public - comme a souhaité le faire le skipper - dans un monde (trop) connecté, ou chacun peut apporter son point de vue, ne conduit qu'à une augmentation du volume des vociférations et produit une image déplorable pour la course au large.

Image France Télévisions

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Le problème en jeu

Officiellement, le conflit porte sur le non-respect d'une règle de la classe numérotée 3.11, elle-même issue d'une règle OSR (Offshore Special Regulations) de World Sailing, l'organisme mondial d'organisation des compétitions de voile.

Cette règle stipule :

"3.11 Sheet Winches
3.11 Sheet winches mounted in such a way that an operator is not required to be
substantially below deck ".

Les winches doivent être montés d'une manière à ce que l'opérateur ne se trouve pas substantiellement sous le pont.

Or, un pont, c'est un espace humide ou se tiennent les marins. Le cockpit ultra-protégé de SVR Lazartigues, est conçu encaissé sous le niveau du reste du pont, ses winches se trouvant nettement sous le niveau du reste du pont du bateau, il est équipé de dalots pour évacuer les eaux entrant par les orifices d'entrée des manœuvres dans le cockpit.

Ce genre d'espace était connu, du temps de la marine à voile, sous le nom de faux-pont.

Techniquement, la question se pose sur les interprétations de cette règle.

Le pont

Le pont

Les différentes interprétations

A deux reprises, au long de la construction du Trimaran de Gabart, le comité de classe Ultim a envoyé des jaugeurs, très expérimentés, qui ne relevèrent pas cette incompatibilité à la règle OSR 3.11, mais en relevèrent d'autres, restées confidentielles pour le public.

Peu après le lancement de SVR Lazartigues, des skippers s'étonnèrent de la conception de ce pont abaissé et de sa conformité aux règles de classe. En dehors de la question des winches, le skipper ne voit directement à l'extérieur que... lorsqu'il barre, soit jamais ou presque ! Le reste du temps, seules ses caméras vidéo lui permettent de réaliser la veille obligatoire à bord de tous les navires...

En septembre 2021, ces questions furent abordées lors d'une réunion de la classe Ultim, avant le départ de la Transat Jacques Vabre. Afin d'éviter un impact médiatique négatif, SVR Lazartigues fut autorisé à prendre le départ, sans que ce point ne soit définitivement validé par la délivrance de son "Certificate of mesurement", qui atteste la conformité aux règles de classe.

De retour de Martinique, la situation s'est cristallisée autour de la définition de la notion de "pont". 

Statutairement, la classe Ultim devait alors faire appel à un groupe d'experts pour trancher.

Le 11 Janvier 2022, plans en mains, Luc Gellusseau, Philippe Pallu de la Barrière et Bernard Nivelt ont visité le bateau et rendu un rapport statuant sur la conformité du bateau à la règle OSR 3.11.

En validant le concept de cockpit de Gabart, les experts révolutionnaient la notion de pont.

Problème réglé ? Non ! Car alors la classe Ultim n'a pas accepté la décision de son comité d'experts. Rien dans ses statuts ne l'obligeait à agir en ce sens, et c'est là un des nœuds du problème.

C'est alors que la classe Ultim chercha à obtenir un avis de World Sailing afin d'infirmer les conclusions de son propre comité d'experts ou, plus précisément, d'obtenir son avis sur cette nouvelle notion de pont. 

De là l'envoi du fameux extrait de plan réalisé par M. X à la classe Ultim, un plan que le cabinet VPLP n'a pas reconnu à Wold Sailing, un organisme qui n'a aucunement vocation à traiter les litiges entre compétiteurs, c'est le rôle des classes. Une médiation refusée par Gabart.

Puis sous l'égide de la FFV, l'ensemble des parties accepta alors le principe de l'intervention cette dernière fédération pour trancher.

Et c'est alors que l'équipe SVR Lazartigues découvrit que World Sailing avait été sollicité, sur la base de plans d'origine inconnue, ceci, en dépit du véto l'équipe Gabart.

Le reste est public avec les échanges houleux entre les armateurs des bateaux des différentes équipes, siégeant par ailleurs au comité de classe et l'équipe SVR Lazartigues dont l'inscription au départ de la route du Rhum 2022 reste incertaine, en l'absence de sertificat de jauge.

 

Quand les armateurs font les règles, que les coureurs sont les armateurs et font les règles et que les règles de recours de la classe n'imposent pas clairement de marche à suivre lors de conflits, on se retrouve dans une situation médiatiquement désastreuse comme celle qui oppose SVR Lazartigues à la classe Ultim 32/23.

Souhaitons que l'affaire ne prenne pas une tournure contentieuse, car quoi de moins attrayant qu'une course (Route du Rhum 2022) entamée sous l'angle de la procédure ?

Une chose est certaine, il va y avoir de la clarification dans les règles de gestion des litiges de cette classe...

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