1 Juillet 2022
Les composites classiques utilisés en construction navale sont des FRP (Fibre Reinforced Plastics) qui se composent d'une résine, la matrice et d'un renfort en fibre de verre, de carbone ou d'aramide (kevlar).
De nombreuses fibres peuvent être utilisées en renfort dans les composites. Dans la construction navale de plaisance, certaines fibres naturelles sont utilisées.
Le problème principal concernant les fibres qui constituent les renforts traditionnels des composites tient dans l'immense quantité d'énergie nécessaire à leur fabrication. Il faut ainsi 300 kWh/m3 pour fabriquer 1 m3 de fibre de verre contre 30 pour la fibre de lin. Le second problème se trouve dans le fait que ces fibres se recyclent très mal. Enfin, ces fibres sont généralement fabriquées en Asie et doivent être importées.
Les fibres de basalte
Ces fibres ressemblent aux fibres de verre, mais leur origine est naturelle. Elles sont fabriquées à base d'un matériau naturel, le basalte, pierre volcanique à laquelle d'autres minéraux ou additifs sont parfois ajoutés lors de la fonte.
Windelo utilise cette fibre pour ses catamarans, sans additif. Le gros avantage réside dans l'énergie nécessaire à la production de ces fibres : 10 x moins importante que pour le verre !
Les fibres de lin
Ces fibres végétales effectuent un grand retour dans le monde nautique. D'origine purement végétale, elle ne nécessitent que très peu d'énergie à fabriquer pas plus qu'elles n'ont besoin d'additifs polluants.
Ces fibres sont nettement plus douces au toucher et plus faciles à travailler que la fibre de verre même si leur découpe est un peu plus difficile. Elles n'ont pas le côté irritant des fibres de verre ou de carbone.
Niveau recyclage, les composites lin-polyesters, lorsqu'ils sont valorisés en combustible, brûlent quasiment sans apport externe d'énergie, ce qui est loin d'être le cas pour leur cousin verre-polyester.
Les Virgin Mojito 888 et 650 sont les premiers voiliers de série construits en composite fibre de lin.
Parmi les inconvénients de ces fibres qui ne sont que 2 à 3 % plus onéreuses que les synthétiques, il faut noter la faiblesse de l'offre dans les types de tissus. Pas de triradiaux par exemple, et il faut alors recourir à des lés de verre ou de carbone dans le sandwich. Second inconvénient, et non des moindres pour la course, le poids. Les fibres naturelles (lin, bambou...) sont plus lourdes que leurs homologues synthétiques.
Au niveau des matrices, il y a deux angles à observer : la composition vertueuse ou non de la matrice de la matrice et son recyclage.
La composition des matrices
Une résine désigne un produit polymère (naturel ou synthétique) qui est une matière de base pour fabriquer des matières plastiques, textiles, peintures (et antifoulings), adhésifs et autres vernis. Elle peut être thermoplastique ou thermodurcissable.
Les thermodurcissables durcissent à la chaleur de la réaction d'un durcisseur ou d'une étuve tandis que les thermoplastiques durcissent en refroidissant, mais sont capables de revenir à l'état liquide une fois chauffées.
Dans la construction navale de plaisance, on utilise des résines polyester ou epoxy. Ces produits sont des polymères synthétiques therlodurcissables qui proviennent de la chimie du pétrole.
Les résines bio-sourcées sont des résines dans lesquelles le carbone mis en oeuvre est partiellement d'origine naturelle.
Ainsi, les produits Sicomin SR GreenPoxy 56 sont des résines époxy dont 56% du carbone provient d'une source renouvelable.
On a donc d'un côté les résines synthétiques, issues de la chimie du pétrole et de l'autre les biosourcées, issues partiellement de la chimie du pétrole et partiellement de composants renouvelables.
Le problème du recyclage des résines tient dans l'extrême adhérence qui les lie intimement aux fibres, une fois durcies. Quand on s'interroge sur le recyclage de ces résines, c'est bien de leur recyclage dissocié qu'il s'agit.
Et c'est bien là que se trouve le problème.
Les solutions actuelles de "recyclage" industriel des résines consistent à traiter le composite non-dissocié.
La dissociation du composite est possible en utilisant des méthodes onéreuses à mettre en œuvre. À base de cuisson sous pression ou de traitement thermique poussé, aucune n'a dépassé le stade expérimental à ce jour.
Du coup, les composites se recyclent mal, leur composant n'étant, à ce jour, pas séparés ni valorisables séparément (voir notre article Le recyclage des composites).
Toutefois, de très intéressantes pistes existent comme la résine thermoplastique Elium, développée par... Arkema, un des sponsors de la course au large.
À la différence des résines thermodurcissables, Elium va reprendre une forme liquide une fois la pièce portée à plus de 450°. À ces températures, la résine "fond" et libère les fibres qui peuvent être recyclées. La résine "fondue" peut être centrifugée pour la débarrasser des gels coats et autres pigments avant d'être réutilisée.
C'est ainsi qu'un composite lin-Elium, composé de fibre naturelle renouvelable, pourrait être quasiment intégralement recyclé.
Plusieurs industriels développent des produits similaires qui devraient arriver rapidement dans les chantiers qui voudront bien s'intéresser à la question.
Oui, c'est chez eux que se situe le problème. Les coûts supplémentaires directs sont faibles, mais il faut modifier outillage et habitudes ce qui génère une importante inertie.
Pour répondre à la question de savoir si les composites biosourcés sont ou non une réalité, on peut conclure sans hésiter par l'affirmative. Pour ce qui est du recyclage, les composites à base de fibres naturelle et de résines thermoplastiques apportent une solution réelle et efficace.
Il ne reste qu'à mobiliser la volonté des industriels...
Parions que nos futurs bateaux composites seront construits ainsi !