C'est un grand industriel français qui vient de s'éteindre ce dimanche, à Perpignan, en la personne d'Olivier Poncin.
Un personnage hors du commun, un serial entrepreneur dirait-on aujourd'hui, qui en 35 ans d'activité, aura profondément marqué la filière nautique française mais aussi mondiale.
Discret, travailleur, innovant, accessible, simple, fuyant les médias, adulé de ses troupes, Olivier Poncin était le président de Catana Group, le numéro deux mondial du marché des catamarans de plaisance, bien connu au travers de ses marques Catana et Bali. Un groupe qui emploie près de 1500 salariés, pour un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros, un résultat de 17 millions, et un carnet de commandes de 450 millions.
Ce Groupe, Olivier Poncin l'aura créé à partir de 2003, rachetant à la barre du tribunal de commerce, le chantier Catana, de Canet en Roussillon, chantier en grande difficulté, qui réalisait alors un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros, employait 300 personnes et générait 15% de pertes !!
En 20 ans à peine, à force de travail, de rigueur, d'écoute du marché, d'organisation industrielle et d'innovation, Olivier Poncin aura transformé ce chantier de niche en un groupe leader, fort de 5 sites de production situés en France, en Tunisie et au Portugal, rentable, en forte croissance, proposant une gamme de catamarans innovante, plébiscitée par le marché.
Il faut dire qu'Olivier Poncin était un personnage assez unique dans le monde du nautisme, maîtrisant parfaitement l'ensemble des paramètres de son métier, qu'ils soient industriels, financiers ou produits !
Petit fils d'industriels ruinés par la guerre, il entame la construction de son premier bateau à l'âge de 16 ans, dans le grenier des parents d'un ami ! Diplômé de Sup Aero - l'aviation sera sa seconde grande passion - et d'HEC, Olivier Poncin crée sa première entreprise, à Saint Mandrier, dans la vente de bateaux, avant même la fin de ses études, avec un capital de 1500 euros. Cette entreprise, Plaisance 2000, qui deviendra vite le premier concessionnaire Kirie de France, il la revendra 7 ans plus tard avec une plus value lui permettant de poursuivre ses aventures entrepreneuriales.
Ces aventures, ce sera tout d'abord le rachat de Kirié, premier fournisseur de Plaisance 2000 qu'Olivier Poncin connaît bien.
Kirié est un constructeur de bateaux de plaisance de renom, situé en Vendée, actif depuis plus de 40 ans, et en mal de succession. Avec ce rachat, Olivier Poncin passe de gestionnaire à industriel : une révélation ! En 5 ans, il double l'effectif et triple le chiffre d'affaires, avant de céder l'affaire florissante à ses associés.
Un temps, il songe à quitter le nautisme, mais la passion reprend le dessus ! En 1988, il rachète Dufour un ancien grand chantier Rochelais repris par le Baron Bich à la fin des années 70, alors très impliqué dans la course de l’America.
Ce fleuron de l’industrie française n'est plus que l'ombre de lui-même, à deux doigts de disparaître.
En 12 ans, l’activité repart, l’effectif passe de 30 à près de 1 000 personnes et son CA de 3 M€ à 100 M€. Dufour est alors le 3e constructeur mondial dans sa catégorie, qui manque de reprendre Jeanneau, in fine racheté par Bénéteau.
Des hauts et des bas, Olivier Poncin en aura connus dans sa carrière, avec la perte de contrôle de Dufour au profit des fonds d'investissements partenaires, à l'occasion de la mise en place d'un plan de réorganisation, ou lorsque Catana était à la peine, et qu'il lui fallut vendre sa maison de famille, pour faire les salaires....
A chaque fois, il aura su rebondir, en mêlant à l'envi une vraie prise du risque combinée à un grand talent de financier, d'industriel et d'homme de produit.
Un industriel qui était capable - de tête - de vous décomposer la structure de coût de tous les bateaux de son chantier, de parler stratégie un dimanche matin, au téléphone, à 9H15, ou de descendre dans un fond de cale, en costume et sans chichi, pour voir si les consignes étaient bien appliquées.
Il y a quelques années, Olivier Poncin, souhaitant prendre du recul et préparer sa succession, avait réorganisé le Groupe, renforcé notablement sa gouvernance et confié des projets stratégiques à son fils Aurélien, notamment la nouvelle usine portugaise. Il voulait ainsi pouvoir profiter de la vie et naviguer sur son bateau, un Bali, avec son épouse, Pascale.
Le mauvais sort en aura décidé autrement.
"Avec ton air sérieux de premier de la classe un peu distrait, ton cerveau toujours sur le qui-vive, ta grande capacité d'écoute, ton élégance vieille France, ton humour pince sans rire, ton bar en croûte de sel et ton barbecue XXL, Olivier, tu vas nous manquer.
Que tes nouvelles navigations soient belles l'Ami...."
N Venance