25 Septembre 2012
A l'occasion du Grand Pavois 2012, ActuNautique a rencontré Stéphan Constance, fondateur et PDG du groupe Grand Large Yachting, qui nous présente l'actualité du chantier sur le salon, fait également un point sur sa stratégie notamment dans le domaine des trawlers avant de dresser un premier bilan de l'année 2012.
NV – Stephan Constance quelle est l’actualité du chantier sur ce Grand Pavois 2012 ?
SC – Sur le Grand Pavois à proprement parler, il n’y a pas particulièrement d’actualité puisqu’on présente un Allures 45 qui était déjà ici l’année dernière et l’année d’avant ; c’est un modèle qui a deux ans, qui est maintenant vraiment à maturité, l’archétype du dériveur intégral de grande croisière. En revanche au niveau du groupe, il y a pas mal d’actualités en effet, puisqu’on a présenté à Cannes pour la première fois un trawler. Un bateau à moteur de grand voyage, tout en aluminium, de 54 pieds. C’est un bateau qui est conçu autour du concept de la très faible consommation, de l’efficacité énergétique, avec une vitesse de croisière de l’ordre de 8 nœuds et qui consomme 10-11 litres à l’heure.
NV – Monomoteur, bimoteur ?
SC – Monomoteur ! Pour avoir cette efficacité-là, on est monomoteur. Il s'agit d'un moteur heavy-duty, c’est-à-dire un concept de moteur pour chalutier. C’est un gros moteur, extrêmement fiable puisqu’il tourne à très très faible vitesse. C’est également un gros moteur avec une toute petite puissance, sur lequel on met un énorme réducteur. A la sortie de tout ça, on met une grande hélice, une grande batteuse, qui tourne très lentement.
NV – Une batteuse !
SC – Une batteuse, oui, qui permet d’avoir une efficacité énergétique importante? Cette hélice, d’ailleurs, est calculée spécialement pour le bateau. Elle est faite sur mesure, en fonction de la carène du bateau, de son chargement, de sa motorisation…
Nous faisons faire ces hélices en Nouvelle-Zélande, puisque c’est vraiment le pays où l’on trouve des fabricants spécialisés dans ce domaine. Grâce à tous ces efforts, on arrive à avoir une faible consommation, qui est un enjeu financier, mais aussi un enjeu en termes d’autonomie, puisque notre trawler dispose d'une autonomie de l’ordre de 4 000 miles, ce qui lui permet d’être transocéanique. Aussi bien l’Atlantique que le Pacifique.
NV – Heavy-duty, donc, c’est un concept spécifique…
SC – Heavy-duty, cela signifie que la motorisation correspond à un usage spécifique : on peut utiliser le moteur de manière continue, comme les engins de chantier qu’on voit tourner jour et nuit. Ce sont des moteurs dont on peut même faire les révisions en fonctionnement.
NV – Comme sur un cargo…
SC – Exactement. Un moteur de chalutier. On est sur un niveau de fiabilité très très élevé ; cependant, comme on est dans le monde de la plaisance et qu’il faut rassurer sur la capacité du bateau à repartir même en cas de panne, on installe ce que les américains appellent un «take me home engine» : un moteur «ramène-moi à la maison» qui est un petit D2-75 de chez Volvo, un moteur beaucoup plus petit, mais qui permet de palier un incident mécanique sur le moteur principal. Ce qui est une hypothèse extrêmement théorique.
NV - Les incidents, sur ce type de bateau, c’est le carburant, généralement…
SC – Absolument.
NV – Avez vous avez deux réservoirs, deux circuits déconnectables l'un de l'autre ?
SC – On a deux réservoirs. On a de mémoire, 5 200 – 5 300 litres, en deux réservoirs aluminium séparés, avec des circuits avec double filtre qu’on peut permuter en navigation. Des choses assez classiques dans le monde professionnel…
NV – Dans lequel ce bateau pourrait avoir des applications ?
SC – Non, on n’est pas du tout dans ce registre-là, ni en termes de design, ni en termes d’aménagement intérieur. C’est plutôt un bateau destiné par exemple à des anciens voileux…qui ne souhaitent plus tirer sur les ficelles, mais qui voudraient jouir de la mer, un peu de la même manière, un peu avec les mêmes valeurs : une empreinte écologique faible, un rythme paisible, et la capacité d’aller explorer tous les coins les plus reculés de notre planète en toute sécurité puisque c’est un bateau en alu, ce qui est particulièrement sécurisant.
NV – Pour le groupe Grand Large, quel bilan dressez-vous pour le chantier, pour l’année 2012 ?
SC – 2012 est une année assez correcte pour nous, pour l’ensemble des chantiers…On peut parler du chantier Outremer qui a sorti le 5X, un 59 pieds qui remporte un succès tout à fait réconfortant pour nous.
Nous avons la chance d’avoir du travail pour l’ensemble des chantiers, avec un carnet de commandes qui n’a franchement pas été aussi bon depuis au moins quatre ou cinq ans, c’est-à-dire depuis le début de la crise. Bien sûr, nous restons attentifs…
En chiffre d’affaires, le groupe a fait 20 % de croissance cette année, à 12 millions d'euros, et je pense qu’on va avoir au moins la même croissance l’année prochaine, soit environ 15 millions.
NV – Et ça représente combien de bateaux ?
SC – Ca fait un peu moins de trente bateaux, sur l’ensemble des chantiers.
NV – Parlons du redémarrage de Garcia…
SC – Nous venons d’embaucher presque une petite dizaine de chaudronniers, pour accompagner le développement du chantier Garcia.
NV – Garcia, qui se spécialisera sur le trawler ?
SC – C’est une diversification pour ce chantier : il s’attaque à ce marché qui nous semble être le prolongement du bateau hauturier de qualité. Nos bateaux sont une autre expression du bateau de voyage, qui n’est pas du tout incompatible, mais Garcia reste un chantier spécialisé dans la fabrication de monocoques aluminium plutôt dériveurs intégraux de 50 à 110 pieds.
NV – Comment voyez-vous l’avenir sur 2013 pour le groupe Grand Large ? les évolutions, les idées au niveau des bateaux…
SC – Notre groupe continue à se structurer : on a embauché un responsable pour l’export qui s’occupe de recruter des agents et d’animer notre réseau, et on développe une branche courtage : en effet, notamment chez Allures, nous avons des clients qui reviennent avec leur bateau et qui me disent «je voudrais passer à la taille au-dessus», des gens qui passent du 40 au 45, ou du 44 au 45.
Donc il nous a semblé légitime de les aider à revendre leur bateau et qui mieux qu’Allures peut vendre un Allures d’occasion ? On peut, ainsi, réviser les bateaux, leur faire une peinture de propreté etc. On obtient un bateau qui est en très très bon état pour être revendu d’occasion.
Malgré tout, il faut être prudent, le marché est encore difficile, les gens sont attentistes. Mais sur notre toute petite niche de bateaux de voyage, il y a quand même des projets de bateaux de longue haleine qui ont été préparés, financés depuis plusieurs années. On peut retarder des projets, mais à un moment, si on les retarde trop, on ne les fait plus. Il y a des gens qui décident de passer à l’acte, et de réaliser leur rêve plutôt que d’attendre plus tard et de prendre le risque de ne plus pouvoir réaliser ce rêve à cause des aléas de la vie.