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Sept ans pour construire le Phare de la Jument

Le phare de la Jument est peut-être l’un des phares les plus importants de Bretagne. Situé près de l’île d’Ouessant, en pleine mer, sur la roche ‘ar gazeg’ (la jument) dont il tire son nom, il illumine l’une des zones les plus dangereuses du littoral breton, le rail d’Ouessant.

Sept ans pour construire le Phare de la Jument

L’île d’Ouessant a des abords si dangereux qu’elle requiert un total de cinq phares stratégiquement placés sur terre ou en pleine mer afin d’assurer la sécurité des navires qui passent non loin.

Car la zone est ainsi faite que la mer s’y déchaîne. Le vent et les vagues s’y battent pour former de violents courants qui creusent la mer et engloutissent les navires quand ils ne les emmènent pas se briser contre les rochers qui dépassent.

Le 16 juin 1896, le paquebot Streamer Ship Drummond Castle se heurte à un rocher au large de l’île d’Ouessant et sombre en seulement quinze minutes. Au terme du naufrage, il ne reste que trois survivants sur les 361 personnes embarquées au départ.

Ce naufrage n’en est qu’un, parmi de nombreux autres ayant eu lieu au large de l’île. Et c’est cette peur du naufrage qui conduit à la construction du phare de la Jument en 1904. La peur d’un homme de voir arriver à d’autres ce qu’il a lui-même vécu.

Phare de la Jument en fin de construction, photo de Daniel Bellet en 1912

Phare de la Jument en fin de construction, photo de Daniel Bellet en 1912

En 1878, Charles Eugène Potron réchappe de peu à un naufrage et décide d’inscrire sur son testament son désir de voir s’ériger un phare dans ‘les parages les plus dangereux du littoral de l’Atlantique’ et pour lequel il lègue la large somme de 400 mille francs à condition que le phare soit construit dans un délai de sept années suivant sa mort.

« Je soussigné Charles Eugène Potron demeurant à Paris, rue du Sommerard, 11, lègue la somme de quatre cent mille francs pour l’érection d’un phare bâti de matériaux de choix, pourvu d’appareils d’éclairage perfectionnés. Ce phare s’élèvera sur le roc, dans un des parages les plus dangereux du littoral de l’Atlantique, comme ceux de l’île d’Ouessant. La désignation sera celle de la localité. On gravera le granit : ‘Phare construit en vertu d’un legs de Charles Eugène Potron, membre de la société de géographie de Paris.’ »

Après son décès le 27 mars 1904, la municipalité choisit le rocher de la Jument pour accueillir son nouveau phare dont la construction débute la même année. Un chantier bâclé qui se terminera sept ans plus tard en 1911, respectant tout juste les délais imposés par le legs au prix de nombreux dangers.

En effet, le phare de la Jument n’est pas assez solide. Sa construction, achevée à la hâte ne permet pas à l’édifice de supporter les rudes éléments qui l’assaillent. Il s’abîme rapidement et nécessite très régulièrement d’être renforcé, de peur qu’il ne s’écroule. Les travaux de consolidation continueront jusqu’en 1940. Et en dépit de toutes les craintes, le phare reste droit, imperturbable au milieu des tempêtes.

Il s’élève à plus de 47 mètres, et perce la nuit de trois lumières rouges portant jusqu’à 30 kilomètres. Surplombant une mer agitée dont les vagues violentent sans cesse ses murs, le phare de la Jument voit son escalier être noyé et sa lanterne se briser à cause d’une déferlante en 1974, mais il tient bon, veillant sur ses gardiens aussi bien qu’ils veillent sur lui.

Phare de pleine mer, on le qualifie parfois d’‘enfer’. Ses gardiens en faisaient pourtant leur maison, autrefois, livrés à eux-mêmes au cœur d’une mer d’Iroise imprévisible qui les contraignait pourtant, jours de tempêtes, à se réfugier dans la cuisine.

Phare de "la Jument" et le gardien Théodore Malgorn, photo de Jean Guichard le 21 décembre 1989

Phare de "la Jument" et le gardien Théodore Malgorn, photo de Jean Guichard le 21 décembre 1989

En 1991, le phare de la Jument fut enfin automatisé grâce à l’installation de deux groupes électrogènes et le remplacement de son feu à pétrole pour une lampe électrique plus actuelle. 

En 2015, il fut inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Et le 20 avril 2017, il fut classé au titre des monuments historiques.

Désormais télécommandé depuis le Créac'h, le phare de la Jument est interdit d’accès, mais reste régulièrement entretenu par les services des phares et balises.

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