ActuNautique.com

WinGD franchit une étape vers la décarbonation avec un moteur marin à l’éthanol

Le motoriste suisse WinGD a officialisé l’introduction de son premier moteur deux-temps marin fonctionnant à l’éthanol, dont la commercialisation interviendra en 2026 pour des livraisons prévues à partir de 2027. Ce développement s’inscrit dans la continuité d’une décennie de travaux menés sur les carburants alternatifs et confirme la volonté de l’entreprise de proposer de nouvelles solutions conformes aux objectifs de décarbonation du secteur maritime.

WinGD VP R&D Sebastian Hensel

WinGD VP R&D Sebastian Hensel

Fondée en 1893 sous le nom de Sulzer Diesel Engine, WinGD (Winterthur Gas & Diesel) est l’une des entreprises historiques du secteur des moteurs marins. Basée à Winterthur, en Suisse, elle s’est spécialisée dans la conception de moteurs deux-temps de grande puissance destinés aux navires marchands, cargos et porte-conteneurs. Ses innovations ont marqué plusieurs étapes clés de l’évolution technologique du transport maritime, avec notamment l’introduction de moteurs basse consommation et, plus récemment, d’une gamme de moteurs fonctionnant au gaz naturel liquéfié (X-DF). Depuis son intégration au groupe chinois CSSC en 2016, WinGD a accéléré ses recherches sur les carburants alternatifs, tels que le méthanol, l’ammoniac et désormais l’éthanol, afin de répondre aux exigences environnementales croissantes de l’Organisation maritime internationale (OMI).

Le moteur annoncé par WinGD est directement adapté de l’actuel modèle X-DF-M, conçu pour fonctionner au méthanol. Cette technologie, déjà éprouvée, repose sur un cycle diesel qui sera ajusté pour prendre en compte les spécificités de l’éthanol : une énergie volumétrique plus élevée et donc des volumes d’injection réduits. Le système de contrôle ainsi que les injecteurs seront modifiés pour assurer un rendement optimal et une combustion stable.

L’éthanol présente un profil de combustion et d’émissions proche de celui du méthanol, mais offre plusieurs avantages supplémentaires. Produit à partir de biomasse, il peut être obtenu de manière renouvelable et est déjà largement distribué sur certains marchés à des coûts compétitifs. Pour l’industrie maritime, il représente une option supplémentaire dans le panel de carburants alternatifs visant à réduire l’empreinte carbone, tout en répondant aux normes internationales qui se durcissent progressivement.

WinGD a entamé ses travaux sur l’éthanol en 2014 dans le cadre d’un projet financé par l’Office fédéral de l’énergie suisse. Deux ans plus tard, la société a dirigé un volet du programme européen HERCULES 2, qui a permis de développer un injecteur flexible pour les carburants dits « alcools », incluant le méthanol et l’éthanol. En 2018, des tests grandeur nature avaient déjà confirmé la faisabilité d’un moteur marin alimenté à l’éthanol.

Le lancement en 2022 du moteur X-DF-M fonctionnant au méthanol a constitué une étape majeure, validée par les premières commandes de chantiers navals et la reconnaissance de sociétés de classification. Ce succès a servi de tremplin à l’intégration de l’éthanol, avec lequel les contraintes techniques et réglementaires sont similaires.

Selon WinGD, les premières livraisons de moteurs à l’éthanol concerneront à la fois des navires neufs et des projets de rétrofit sur des navires existants. Les discussions sont déjà engagées avec plusieurs armateurs, fournisseurs de carburants et sociétés de classification afin de définir les cas d’usage prioritaires. L’entreprise n’a pas encore précisé si la première version du moteur sera exclusivement optimisée pour l’éthanol ou conçue comme une double option méthanol/éthanol.

Cette flexibilité pourrait représenter un atout stratégique pour les armateurs, dans un contexte où l’approvisionnement en carburants alternatifs reste inégal selon les régions du globe.

Au-delà de la dimension technique, WinGD s’implique également dans la structuration de la filière éthanol. L’entreprise est récemment devenue membre fondateur de la Global Ethanol Association, un organisme visant à fédérer les acteurs de la chaîne de valeur : producteurs, logisticiens, motoristes et armateurs. L’objectif est d’assurer une meilleure cohérence entre l’offre et la demande, tout en favorisant l’investissement dans les infrastructures de distribution.

Le lancement de ce moteur intervient dans un contexte marqué par l’accélération de la transition énergétique maritime. Selon l’OMI, le secteur doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2030 par rapport à 2008, et atteindre la neutralité carbone autour de 2050. Ces objectifs imposent aux motoristes et aux armateurs de diversifier rapidement les carburants utilisés : GNL, méthanol, ammoniac, hydrogène ou encore carburants de synthèse.

L’éthanol pourrait trouver sa place dans ce mix, notamment grâce à sa disponibilité croissante sur certains marchés émergents et à son potentiel de production à partir de biomasse ou de résidus agricoles. Toutefois, son adoption dépendra de la mise en place d’une chaîne logistique mondiale adaptée et de la compétitivité des coûts face à d’autres carburants.

WinGD prévoit de présenter les spécifications techniques complètes de son moteur à l’éthanol dans son Low-Speed Engines Booklet au début de l’année 2026. Les prochaines étapes incluront la validation des prototypes, les premières commandes fermes et, à plus long terme, la possibilité d’intégrer cette technologie sur l’ensemble de sa gamme de moteurs deux-temps.

Partager cet article

Repost0