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Les différents types d'efforts en présence sur un voilier

Les efforts en présence sur un voilier, aussi bien sur sa coque que sur son gréement, approchent rapidement plusieurs tonnes.

Un bateau évolue dans un milieu très hostile au sein duquel deux éléments interfèrent, l’un avec l’autre, l’eau et le vent. 

Chaque bateau réagit à ces interactions de manière différente. On aura beau fabriquer les bateaux les plus solides du monde, il est essentiel pour les plaisanciers de comprendre d'où proviennent les efforts mécaniques agissant sur le voilier, pour pouvoir adapter leur navigation à l’environnement.

Un effort a une direction donnée. Par exemple, 45 degrés. Il est composé d’une résultante verticale, et d’une résultante horizontale. Sur un voilier, l’étais tire donc le mât vers l’avant et vers le bas, ce qui explique la compression rencontrée dans le tube et en pieds de mat. 

Le mat ne traverse pas la coque, puisqu'une force opposée le retient. Il ne part pas non plus vers l’avant puisque le pataras le retient. Lui-même tirant l’arrière du bateau vers le haut, il pousse l’étrave vers le bas. 

Tous les efforts rencontrés sur un voilier ont donc leurs forces opposées, constatant un équilibre des forces. 

Dans un environnement stable, on considère ces efforts comme statiques, qui sont relativement simples à calculer. Les efforts dans le gréement répondent à des règles simples de trigonométrie. Par exemple, estimer les efforts aux trois coins d’un triangle sur lequel on applique une force donnée, est facile. Il suffit en effet de connaître la force appliquée correspondant à celle du vent (densité multipliée par la vitesse au carré, le tout divisé par deux. On applique cette force au centre de la forme géométrique représentant la voile (un triangle), et les efforts aux trois points peuvent facilement être déterminés. De là, découlent tous les efforts dans les haubans qui eux-mêmes les transfèrent dans la coque. 

Il suffit d’un peu de connaissance en mathématiques pour estimer ces efforts mécaniques.

Les différents types d'efforts en présence sur un voilier

 

Les efforts dans un environnement complexe

Néanmoins la réalité est toute autre, puisque cet environnement n’est pas stable et au contraire extrêmement complexe !

Le vent interagit avec la mer créant des vagues plus au moins hautes, lesquelles varient aussi en fonction de nombreux autres paramètres. Leurs hauteurs, longueurs ou fréquences sont différentes selon que l’on soit dans une mer fermée ou dans un océan, en eau profonde ou pas.

L’environnement du bateau est donc en mouvement constant, qui le fait réagir en gîtant, tanguant, accélérant ou en ralentissant. À chaque vague, le bateau ralenti et tangue; a chaque risée, le bateau accélère et gîte. Ces variations de vitesses et ces mouvements varient selon un nombre de paramètres infini : forme de coque, position du centre de gravité, habilité du barreur...

Lorsqu'un objet se déplace à une vitesse donnée, il emmagasine de l’énergie cinétique, dont la valeur est proportionnelle à sa masse et à sa vitesse au carré. Lorsque cet objet rencontre un obstacle, la vitesse diminue pour atteindre zéro, et l’énergie se transforme en force opposée.

Suspendez un poids à un bout suffisamment solide pour le retenir. L'effort dans le bout est égal au poids de l'objet en question. Si vous lâchez ce poids d’une certaine hauteur, il emmagasinera de l'énergie au cours de sa chute. Lorsque le bout va se tendre, l'objet va s'arrêter. L’effort dans le bout sera d’autant plus grand que le poids sera lourd, que sa vitesse aura été élevée et que son arrêt aura été brutal. En effet, si l’on parle d’élastique au lieu de bout, une partie de l’énergie du poids, lorsqu’il tombe, sera absorbée. Quand la vitesse de la chute atteindra zéro, la force exercée à ce moment sera donc moins importante que dans le cas précédent.

Tous les points d’un bateau se déplacent en tournant autour du centre de gravité. 

Plus ils en sont éloignés, plus leur distance parcourue lors de cette rotation sera grande ou autrement dit, plus leur vitesse sera rapide. Les vagues que le bateau rencontre, poussent l’étrave vers le haut. Cet effort provient de la force d’Archimède et fait donc tourner le bateau vers l’arrière. On appelle ce mouvement, le tangage. 

Le bateau va tourner jusqu’à que la force opposée crée par la force d’Archimède due à l’enfoncement de l’arrière du bateau dans l'eau, arrête cette rotation, elle-même repoussant l’arrière du bateau vers le haut et donc enfoncera l’étrave dans l’eau, et ainsi de suite...

Le mât suit le même balancement d’avant en arrière, en étant retenu par l’étais et le pataras.

Malheureusement le bateau et le mât sont flexibles. C'est-à-dire que la transmission des efforts d’un point du bateau à un autre n’est pas immédiate. En se soulevant, l’étrave va d’abord détendre l’étais. Puis l’arrière du bateau va s’enfoncer, tirant sur le pataras, lui-même tirant le mât vers l’arrière. À ce moment l’étais va se retendre.

Si un câble se tend et se détend, cela veut bien dire que l’objet qu’il retient se déplace. Il est donc en mouvement à une certaine vitesse et emmagasine de l’énergie cinétique proportionnelle à son poids. Le mât s’est donc déplacé et il a subi un effort dynamique.

Cette énergie cinétique, basée sur une vitesse et une accélération, a créé un effort plus important qu’il ne l’aurait été en statique.

Comme nous le disions dans le premier paragraphe, tous les efforts sur le bateau sont en équilibre. Cela signifie que si un effort est plus important à un moment donné et à un point donné, alors il sera également plus important à tous les autres points. Ainsi, un étais qui se tend et se d'étend, crée une compression en pieds de mât, elle-même plus importante.

Les différents types d'efforts en présence sur un voilier

Efforts et formes d'étraves

En fonction de la forme de l’étrave, le passage dans les vagues sera différent. 

On note deux grands types d’étraves, les formes en U et les formes en V. Au fur et à mesure que ces formes s’enfoncent dans l’eau, le volume immergé varie plus ou moins rapidement. La force d’Archimède augmente donc de manière plus ou moins rapide. 

Le tangage sera donc plus important sur un bateau avec une étrave en U que sur un bateau avec une étrave en V. De plus comme pour l’exemple du poids et du bout, l’étrave en V verra une partie de son énergie cinétique emmagasinée lors de la rotation du bateau, absorbée par la vague. Une forme en U, aura une réponse plus rapide, et donc la vague absorbera beaucoup moins d’énergie cinétique. 

Une étrave en V passera donc mieux dans la vague. 

Les étraves en U sont généralement présentes sur les bateaux légers et les étraves en V sur les bateaux lourds. 

Tant mieux ! Car comme nous avons vu, les efforts dynamiques varient en fonction du poids. Le tangage étant plus important sur un bateau avec une étrave en U, les efforts dynamiques seront compensés par un poids faible. Sur un bateau avec une étrave en V, les efforts dynamiques seront en partie absorbés par la vague.

Les différents types d'efforts en présence sur un voilier

Efforts et tossage

On pourrait penser qu’il est donc plus intéressant d’avoir des étraves en V et des lignes d’eau fines. Cela est vrai pour les allures de près. Les bateaux de course d’aujourd’hui ont néanmoins des étraves en U, voire même à fond plat, avec des lignes de type, dite en queue de castor.

Ce volume de réserve permet justement d’atteindre une force d’Archimède maximum le plus rapidement possible et au bateau de passer au-dessus de la vague. Il atteint ainsi un mode de planning beaucoup plus rapidement.

À cette allure, le bateau surfe, et se déplace à vitesse élevée de manière très stable. L’étrave en U empêche également au bateau d’enfourner. Cependant ce fond plat, ne cassant pas les vagues, subit toute l’énergie de la force d’Archimède et est beaucoup plus sensible à d’autres types d’effort, l’impact.

Les mouvements brutaux et la tendance de ces étraves à taper, les rendent plus sensibles aux efforts provenant de ces mouvements appelés en français tossage ou en anglais slamming. Il fait subir à la coque des efforts extrêmement importants par un fort impact sur l'eau, ou par des petits impacts à fréquence élevée.

Les différents types d'efforts en présence sur un voilier
Les différents types d'efforts en présence sur un voilier

Les efforts dynamiques sont extrêmement compliqués à calculer, du fait d'un nombre infini de paramètres.

Au fur et à mesure de l’évolution de la plaisance, les architectes et les organismes de certification ont adapté leurs modes de calcul. Ce retour d’expérience permet aujourd’hui de fabriquer des bateaux fiables et optimisés.

Qu'en est-il sur les bateaux ou le retour d’expérience est moins important, comme les bateaux de types planants ou les multicoques ?

L’effet du slamming sur la partie avant du bateau a été démontré il y a quelques années à peine. Augmenter les facteurs de sécurité n’est pas une solution, puisque l'on augmenterait les efforts dynamiques. 

Uns situation qui conduit à équiper de plus en plus de bateaux de capteurs de charge, qu'il s(agisse des VOR65 ou des multticoques... 

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Adrien Jousset
Architecte Naval
Responsable du bureau d'études chez Sunreef Yachts, diplômé de l'Université de Southampton en architecture navale et d'un master en stratégie d'entreprise,Adrien Jousset a acquis son expérience en Angleterre, aux États-Unis et en Pologne, en travaillant pour des grands noms de l'industrie, Tony Castro, BMT Nigel Gee et Ted Hood. Il a notamment été reconnu pour ses designs pour le World Match Racing Tour et les World Super-Yacht Design Awards.

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