14 Juin 2023
En plein cœur de l’écu des armoiries de la Ville de Paris, on retrouve une caraque (un grand navire de la fin du Moyen-Âge). Mais pourquoi utiliser un tel symbole pour représenter une ville qui se trouve à près de 200 km de la mer ?
Le symbole de la nef/caraque dans les armoiries de Paris, descend en fait de la Hanse des Marchands de l’Eau (confrérie de marins commerçants gérant les affaires de la Seine et développant les échanges entre la cité et le reste du monde) qui utilisaient une nef comme sceau. Le symbole remonterait même jusqu’aux nautes de Lutèce (une confrérie d’armateurs gaulois de la tribu des Parisii) à l’époque Gallo-Romaine.
C’est Philippe Auguste, au départ pour la troisième Croisade en Terre Sainte (région de la vie de Jésus Christ, notamment Jérusalem) en 1190 qui donne ses premières armoiries à la Ville de Paris :
« un écu dont le champ était de gueules, à la nef d'argent, au chef d'azur, semé de fleurs de lys d'or ».
L’écu aurait trouvé son fond rouge dans l’oriflamme de Saint Denis, qui symbolise le sang des martyrs en temps de guerre, la nef et les flots représentent évidemment la corporation de la Hanse des Marchands de l’Eau, qui profitait du privilège du droit de navigation sur la Seine (de Mantes à Paris) depuis 1170, tandis que la bande bleue viendrait soit de Philippe Auguste qui souhaitait y représenter la couleur rare portée par la Vierge Marie, soit de Charles V qui l’aurait choisi pour représenter la suprématie de la royauté sur la Ville de Paris, ce qui expliquerait les fleurs de lys dorées qui la parsèment.
Le premier à reconnaître officiellement le sceau de Paris, fut Louis IX dit Saint Louis. Dès lors, il fut utilisé pour sceller les actes pris par le prévôt des marchands, un fonctionnaire dirigeant la Hanse des Marchands de l’Eau et qui, assisté de quatre échevins, était élu tous les deux ans pour servir en qualité de maire de Paris (ou l’équivalent sous l’Ancien Régime).
En novembre 1790, en pleine Révolution, la municipalité de Paris supprime ses armoiries suite à l’abolition de la noblesse. La Ville retrouve des armoiries changées sous le Premier Empire, notamment avec trois abeilles d’or qui remplacent les fleurs de lys, la déesse Isis en proue de la nef et une étoile d’argent au-dessus.
Les armoiries traditionnelles sont rétablies pendant la Restauration, par les lettres patentes de Louis XVIII en 1817, mais la Seconde République remplace ensuite les fleurs de lys par des étoiles, avant que l’avènement du Second Empire et de Napoléon III ne permette la restauration du motif d’origine.
Armoiries de Paris sous le Premier Empire puis sous la Seconde République
Aujourd’hui, les armoiries sont décorées de nombreux ornements extérieurs symboliques ajoutés au fur et à mesure du temps et qui comptent :
Deux ornements, une branche de chêne à droite de l’écu et une de laurier à sa gauche. Un Timbre, qui surplombe l’écu et les ornements d’une couronne murale à cinq tours. La devise de la Ville « Fluctuat nec mergitur » qu’on retrouve en dessous de l’écu et qui surplombe trois Ordres : la croix de la Légion d’honneur, la croix de Guerre de 1914-1918 et la croix de la Libération.
Fluctuat nec mergitur, la devise de Paris qui signifie « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas », accompagne le symbole de la nef et apparaît pour la première fois sur un jeton de 1581. Elle est alors légèrement différente de la version actuelle qu’on trouve dès 1582 puisqu’on y lit : Fluctuat at nunquam mergitur, qui signifie littéralement « battu par des vents qui le poussent en sens contraires, il est retenu sur les flots par une main sortant du ciel ».
La devise n’est cependant officiellement adoptée par la Ville qu’après la Révolution, suite à un arrêté du 24 novembre 1853 du baron Haussmann, agissant alors en tant que préfet de la Seine.
Les trois Ordres qui figurent au bas des armoiries sont quant-à-eux les ajouts les plus récents puisque la croix de la Légion d'honneur a été ajoutée suite au décret du 9 octobre 1900. La croix de guerre de 1914-1918 a suivi le décret du 28 juillet 1919 et la croix de la Libération a fait suite au décret du 24 mars 1945.