22 Mars 2019
L’ONG environnementale Robin des Bois annonçait le 12 mars son intention de porter plainte pour « pollution et abandon de déchets auprès du tribunal de grande instance de Brest », quelques heures après le naufrage du Grande America dans l’Atlantique, à environ 300 kilomètres de La Rochelle.
L’association demandait également à la préfecture maritime de l’Atlantique « d’obtenir de l’armateur Grimaldi la liste complète des marchandises et matières dangereuses embarquées à bord du navire ».
Le préfet maritime de l’Atlantique, Jean-Louis Lozier, a reçu hier les représentants d’associations environnementales pour faire le point sur la situation actuelle et leur présenter la liste détaillant les matières dangereuses présentes à bord.
« Ce classement est utile pour la sécurité maritime. Il évite de placer au même endroit dans le bateau des produits incompatibles, susceptibles de réagir chimiquement s’ils entrent en contact. Mais des produits considérés non dangereux peuvent être très nocifs pour le milieu marin. Des résines et des plastiques vont se disperser dans l’environnement. Ils sont toxiques chimiquement pour les organismes vivants qui les rencontrent. Ils sont également toxiques mécaniquement puisqu’ils peuvent être confondus avec des proies, être ingérés et provoquer la mort des animaux », explique la directrice de Robin des Bois, Charlotte Nithart.
A l’intérieur de ce cargo de type ConRo (mi-roulier, mi-porte-conteneurs) se trouvaient 45 conteneurs de matières dangereuses, dont 85 tonnes d’hydrogénosulfure de sodium (utilisé dans l’extraction du cuivre et les industries du cuir et du papier), 62 tonnes de résine, 16 tonnes de white-spirit, 14 tonnes de phosphate de zinc, 25 tonnes de fongicides, 9 tonnes d’aérosols, 720 tonnes d’acide chlorhydrique et 82 tonnes d’acide sulfurique.
Le cargo renfermait également dans ses cales 320 conteneurs de matières non-dangereuses (dont 5 conteneurs de lubrifiants, 2 tonnes de pneus, 18 tonnes d'engrais et 24 conteneurs d'acier) et 2100 véhicules, dont 1212 voitures, 44 engins de chantier, 20 bus et 43 poids lourds. 2200 tonnes de fioul lourd, 190 tonnes de diesel marin et 70 000 tonnes d’huiles se trouvaient aussi à bord du navire au moment du naufrage.
Les opérations antipollution sont toujours en cours au large du golfe de Gascogne ; les côtes des Pays de la Loire ne devraient pas êtres touchées par la pollution selon le préfet de la région, contrairement à la Charente Maritime et à la Gironde, qui pourraient être impactées.
Pour Jacky Bonnemains, de l’ONG Robin des Bois, « C’est la première fois dans l’histoire de l’accidentologie maritime qu’un inventaire aussi détaillé est rendu public. Tout est inquiétant dans cet inventaire », estime-t-il, « aussi bien les matières dangereuses que non dangereuses, avec probablement des ordinateurs, des pièces de rechange automobile, même un véhicule à hydrogène hautement explosif [au contact de l’air] et nous avons 55 conteneurs dont on ignore le contenu ».
Nicolas Tamic, du Cedre, spécialisé dans les pollutions accidentelles des eaux, s’est voulu rassurant en rappelant notamment que l’acide, « plongé dans un élément liquide et notamment dans autant d’eau se dilue. On est dans une zone où il y a très peu de courants et en plein dans une grosse bulle anticyclonique. Nous n’avons donc pas de vent, ce qui fait que la pollution reste sur place, mais elle n’est pas facile à attraper car elle est morcelée », indique-t-il.
Les remorqueurs espagnols Alonso de Chaves et Maria de Maetzu ainsi que le VN Partisan sont actuellement positionnés à la verticale de l’épave, « où une irisation de surface parsemée d’amas de fioul lourd est toujours visible », précise la préfecture maritime. Les navires de soutien Argonaute et VN Sapeur, le BSMA Rhône, le Ria de Vigo et le TSM Kermor sont par ailleurs toujours engagés sur la pollution initiale qui a dérivé.
La barge TSM Dora, affrétée par l’armateur italien Grimaldi, est arrivée sur place. Deux autres navires affrétés par Grimaldi ont de leur côté récupéré « trois conteneurs de produits alimentaires, dont un en très mauvais état », selon la préfecture maritime. Un quatrième navire affrété par le groupe Grimaldi, doté d’un véhicule sous-marin téléguidé, arrivera lundi prochain sur place.
« A ce stade, compte-tenu des conditions environnementales au centre du golfe de Gascogne, de la distance à la côte et des résultats des modèles fournis par le comité de dérive, une arrivée sur le littoral français d’amas de fioul lourd semble très peu probable avant 10 jours », explique la préfecture maritime de l’Atlantique.