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Vagues scélérates (2/3) - Les témoignages et les naufrages

Bien des navires se perdaient ou se perdent corps et biens sans qu’il ne soit possible de connaître la raison de leur naufrage.
Incendie, accident, tempête, vague scélérate, qui connaît jamais les raisons d’un naufrage sans le témoignage des disparus?

Vagues scélérates (2/3) - Les témoignages et les naufrages

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1498, Christophe Colomb décrit une “vague géante” qui souleva ses vaisseaux par le ¾ arrière, alors au large de la péninsule du Venezuela. Les navires s’en tirent sans dégâts.

1828, l’Astrolabe, commandé par Dumont d’Urville observe des vagues qu’il qualifie de “monstrueuses” au large de la Nouvelle-Zélande. Le choix de cet adjectif, par un explorateur du temps de la marine à voile l'observant depuis le pont d’une frégate et à prendre au sérieux. Le moins que l'on puisse penser c’est que ces hommes étaient amarinés !

1909, le paquebot Waratah quitte Durban, en Afrique du Sud, et disparaît sans laisser de traces dans la zone du courant des Aiguilles. Un navire présent sur la zone fait état d’une “vague gigantesque”.

Avril 1916, Sir Ernest Shackleton, à bord du James Caird, une baleinière non pontée, ayant laissé son équipage hiverner sur une île au large de l'Antarctique, suite au naufrage de l'Endurance, rencontre une vague scélérate, au milieu de détroit de Drake, lors de son périple de 800 NM à la recherche de secours.
La dixième nuit, à la barre, Shackleton raconte:
« A minuit, j’étais au gouvernail. Soudain, vers le sud, m’apparut une ligne claire dans le ciel. J’en prévins les autres ; puis, après un instant, je compris que la clarté en question n’était pas un reflet dans les nuages, mais la crête blanche d’une énorme vague ! Après vingt-six ans de navigation, je connaissais l’océan dans toutes ses humeurs, mais jamais je n’avais rencontré sur ma route une vague aussi gigantesque. C’était un puissant soulèvement qui n'avait rien de commun avec les hautes lames coiffées de blanc, nos ennemis inlassables.
Je hurlais :
« Pour l’amour de Dieu, tenez bon, nous y sommes ! »

Le James Caird

En hiver 1943 au sud du Groenland, le pont avant du paquebot Queen Mary est enfoncé de 15 cm, tandis que les vitres de sa passerelle volent en éclat à 27 m de haut. Les U-Boot grouillant dans la zone n'y sont pour rien, c’est une vague qui causa ces dégâts.

Le Tanker norvégien Wilstar est touché en Atlantique Nord par une vague scélérate estimée à une trentaine de mètres.

12 Décembre 1978, le cargo allemand München disparaît corps et biens après avoir annoncé par radio un impact avec une vague "énorme" ayant couché le bateau. Il va dériver 33 heures avant de sombrer, désemparé. On retrouvera des canots, arrachés au navire dont les fortes attaches ont été tordues de près de 90° sous l’impact.

Un canot du München

En 1980, lors du Typhon Orchid, le MV Derbyshire, 91.000 tonnes, 294 mètres, sombre corps et biens avec l’ensemble de son équipage, au large d'Okinawa.
Les recherches menées avec un sous-marin démontrent les dégâts infligés à l’avant du bateau qui finirent par le faire couler.

En hiver 1985, le phare du Fastnet à reçu une vague de 48m de hauteur, sans dégâts.

Fin août 1995, le Queen Mary II rencontra, tout comme son prédécesseur, une vague mesurée à 95’ (29 m). Le commandant surfa la vague "qui ressemblait aux falaises de Douvres” avec son navire de 345 m !

Dans le golfe du Mexique, durant l'ouragan Ivan, les balises américaines de détection de pression au fond des océans détectent une vague de 27m et estiment la probabilité de génération, par cet ouragan, de plusieurs vagues de 40 m de hauteur proche de son œil.

En 2010 en Méditerranée, dans le golfe du Lion, le paquebot Louis Majesty encaisse 3 vagues de 9 mètres de haut, venant de nulle part, par temps maniable. 2 morts.

Les effets d’une vague scélérate sur la structure d’un navire

La pression à l’impact sur le Derbyshire a été estimée à une centaine de tonnes par m². Sans protection et renforts adaptés, la plupart des navires sont incapables de supporter une telle pression.

A la suite de ce naufrage, l’IMO (International Maritime Organisation) émit des recommandations pour la construction de navires de plus de 150 m. Cloisons et double fond renforcés accentuent la résistance des navires en présence de vagues d’une hauteur de 20m.

Les hauteurs relevées de ces vagues extraordinaires n’ont pas conduit à une refonte de ces textes. Comment se prémunir de ce qui est si rare ?

Seules les marines militaires, aux moyens très importants, ont toujours bâti des navires à la solidité structurelle allant bien au-delà des exigences administratives de classe.

 

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