8 Juin 2023
En 2003 au large de l’Australie, le cinéaste Dave Riggs pose une balise sur un grand requin blanc qu’il surnomme Requin Alpha. Son objectif : en suivre les déplacements avec une équipe de chercheurs, dans le cadre d'un film réalisé pour la chaîne de télévision ABC. Quatre mois plus tard, la balise est retrouvée échouée sur une plage et les données qu’elle révèlent sont pour le moins troublantes.
Après plusieurs semaines d’activité « normale » du squale qui longeait les côtes sud-ouest de l’Australie, à 70km au large de Bremer Bay le requin aurait plongé très brutalement et à pleine vitesse, atteignant près de 600 mètres de profondeur. C’est un comportement que les biologistes avaient du mal à expliquer, jusqu’à découvrir les informations des capteurs thermiques de la balise.
A 580 mètres de profondeur, la température est passée de 8,8 °C (température de l’eau) à 26 °C en quelques secondes à peine. Le seul scénario qui pourrait expliquer ce brusque changement, c’est que Requin Alpha aurait plongé pour tenter d’échapper à plus gros que lui, mais se serait fait dévorer malgré tout.
Seulement, ces données interpellent les biologistes pour plusieurs raisons.
Déjà, les grands requins blancs sont considérés comme des super-prédateurs, c’est-à-dire qu’ils sont au sommet de la chaîne alimentaire dans leur habitat. Il est par conséquent extrêmement rare qu’un individu adulte se fasse dévorer ainsi.
Mais surtout, la température de 26 °C du corps de l'animal qui a dévoré Requin Alpha ne correspond à aucun des prédateurs marins capables de tuer un grand requin blanc.
Il faut bien comprendre que dans l’océan, les seuls prédateurs capables d’un tel exploit sont les orques, et les autres grands requins blanc. Et bien que des cas d’orques dites « tueuses » de requins aient déjà été observés, comme par exemple les deux mâles surnommés Bâbord et Tribord qui auraient tué et dévoré au moins cinq requins blancs au large de l’Afrique du Sud en 2017. Il est difficile de croire qu’une orque soit responsable du sort de Requin Alpha, car la température ne correspond pas.
La chaleur corporelle d’une orque oscille entre 36,4 °C et 38 °C, elle est donc assez proche de notre propre température corporelle mais surtout de 10 °C supérieure à la température enregistrée par la balise.
Le tueur de Requin Alpha n’est donc pas une orque.
Mais alors qu’on pourrait penser que le coupable est tout désigné, puisque le seul autre tueur de grand requin blanc est son semblable… la température ne correspond pas non plus.
La chaleur corporelle des grands requins blanc varie énormément puisqu’ils peuvent adapter leur température corporelle de 5 à 12 °C de plus que l’eau qui les entourent. Mais quand Requin Alpha a été mangé, la température est montée d'environ 9 °C à 26 °C, c’est 5 °C de plus que la température maximale qu’aurait pu produire un autre grand requin blanc.
Il n’a donc pas été dévoré par un de ses semblables, mais bien par un autre prédateur qui aujourd’hui encore, reste un réel mystère.
Par ailleurs, l’existence d’un tel prédateur au grand requin blanc détrônerait le squale de sa place de super-prédateur. Sans compter que pour avaler une bête de trois mètres, ce monstre marin devait mesurer au moins le double.
Pas étonnant que Requin Alpha ait tenté de s’enfuir face à une telle menace.