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Fincantieri/Naval Group – Pourquoi le projet « d’Airbus de la mer » se complique

Le groupe italien Fincantieri a annoncé un rapprochement avec son compatriote Leonardo, une décision qui change la donne quant à sa possible alliance avec le français Naval Group. L’échange d’actions entre les deux constructeurs navals européens (entre 5 et 10 %) acté en février 2018 et qui devait aboutir in fine à une alliance, a été bloqué par Matignon. Une alliance moins menacée par les constructeurs eux-mêmes que par les mauvaises relations actuelles entre la France et l’Italie. 

Fincantieri/Naval Group – Pourquoi le projet « d’Airbus de la mer » se complique
Fincantieri/Naval Group – Pourquoi le projet « d’Airbus de la mer » se complique

Officiellement, ce rapprochement annoncé le mardi 9 octobre ne change rien aux discussions ouvertes depuis l’an dernier avec Naval Group (ex-DCNS). Dans la pratique, il ne devrait pas faciliter des négociations déjà laborieuses, minées par les relations orageuses entre la France et l’Italie, suite à l’arrivée au pouvoir du gouvernement populiste de Matteo Salvini, dont les vues politiques sont diamétralement opposées à celles d’Emmanuel Macron. 

Un rapprochement italo-italien

Cet accord entre Fincantieri et son compatriote Leonardo (ex-Finmeccanica) consiste en une plus grande coopération dans l’intégration des systèmes de combat. Craignant d’être laissé de côté dans l’alliance Fincantieri-Naval Group, Leonardo remporte une victoire avec ce rapprochement.

Les deux sociétés italiennes s’engagent à faire d’OSN (Orizzonte Sistemi Navali, leur filiale commune possédée à 51 % par Fincantieri et 49 % par Leonardo) leur autorité unique de design pour les systèmes de combat des frégates et autres navires de guerre vendus à l’exportation. La filiale OSN existait déjà, mais avec un partenariat limité à la Marine italienne. 

La société Leonardo s’assure en fait d’un partenariat privilégié avec Fincantieri en ce qui concerne la définition et l’intégration des systèmes de combat, en Italie et à l’international. Aussi, comment Naval Group, spécialisé dans la conception et l’intégration des systèmes de combat, et Fincantieri pourront-ils fournir une offre commune à l’export ?

"Un accord pour rééquilibrer les forces en présence"

Au Canada, une proposition commune des deux groupes sur la vente de 15 frégates FREMM - qui n’avait pas été retenue - alliait le savoir-faire de Fincantieri en matière de construction de bateaux et l’expérience de Naval Group dans l’intégration numérique des systèmes d’armes. 

L’Italie considère que ce rapprochement italo-italien ne serait pas rédhibitoire pour une alliance avec Naval Group. Pour Giuseppe Bono, PDG de Fincantieri, il s’agit au contraire « d’un accord pour rééquilibrer les forces en présence et faciliter la coopération entre les deux groupes ». Il a d’ailleurs rappelé son attachement à cet « Airbus de la mer ». 

Pour sa part, Naval Group ne se déclare pas surpris et évoque même cet accord comme un pas de plus vers la consolidation de l’alliance… Car le rapprochement Fincantieri-Leonardo constitue un vrai rééquilibrage pour Fincantieri, qui se dote par là même d’une capacité dans les systèmes de combat dont il était jusqu’alors dépourvu, contrairement à Naval Group. 

"L'Airbus de la mer" fragilisé ?

Pas sûr que le message suffise à faire avaler la pilule au français Thales, actionnaire de Naval Group déjà réticent à ce rapprochement et principal rival industriel de Leonardo...

Autant d’éléments qui ne devraient pas faciliter la réalisation du « Projet Poséidon », déposé par Naval Group en juin dernier au ministère de la Défense, et qui ambitionne de consolider l’industrie navale militaire européenne en créant un « Airbus de la mer » franco-italien. 

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’était rendu en août à Rome pour confirmer les projets d’alliance dans le domaine naval entre la France et l’Italie, tant civil (reprise de 51 % des Chantiers de l’Atlantique par Fincantieri) que militaire, avec l’échange de participations entre Naval Group et Fincantieri. Un groupe de travail entre les deux constructeurs navals se réunit depuis régulièrement, dans l’objectif de trouver des projets communs structurants. 

L'échange d'actions bloqué 

L’alliance - pour l’instant potentielle - dévoilera au salon Euronaval (23-26 octobre au Bourget) un nouveau projet de ravitailleurs pétroliers pour la Marine Nationale (FLOTLOG), peut-être pas assez suffisant pour initier un vrai rapprochement entre les deux groupes, dans un contexte diplomatique compliqué entre les deux pays, avec l’arrivée au pouvoir en Italie d’un gouvernement populiste et eurosceptique (Ligue du Nord & Mouvement 5 Etoiles) dirigé par Matteo Salvini, adversaire politique désigné d’Emmanuel Macron. 

L’échange d’actions entre les deux groupes a donc été bloqué en septembre par Matignon, Naval Group étant majoritairement détenu par l’Etat, dans un dossier qui implique le ministère de l’Economie, le ministère des Armées, la DGA et Thales (qui détient 35 % de Naval Group). 

Si cette alliance n’aboutit pas, Fincantieri pourrait être tenté de se rapprocher des Allemands de TKNS ; une crainte présente dans les milieux navals français, qui connaissent les difficultés (sinon l’impossibilité) de travailler avec ce chantier allemand… 

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