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Rod Heikell, le pionnier de la croisère en Méditerrannée

Avant l'arrivée d'Internet, des sites de partage d'information entre marins, de l'arrivée de la cartographie électronique, les plaisanciers du siècle dernier utilisaient, pour préparer leur croisière, d'épais ouvrages, qui seuls étaient en mesure de révéler les mouillages abrités d'une côte inconnue, mais aussi toute une foule d'infirmations pratiques ou pittoresques. 

La lecture de ces pilotes côtiers permettait et permet toujours, de longs mois d'avance, de se plonger en rêve, dans la croisière à venir. 

L'auteur du plus connu de ces ouvrages, le néo-zélandais Rod Heikell, a fait rêver et naviguer plusieurs générations depuis le début des années 1970, démarrage des activités littéraires !

Rod Heikell, le pionnier de la croisère en Méditerrannée
Rod Heikell, le pionnier de la croisère en Méditerrannée

Ayant abandonné ses études britanniques, Heikell est arrivé en Grèce début 76, sur un tout petit sloop de 20'. Devenu chef d'une flottille de voiliers chez Sunsail, il dessine des plans et rédige des itinéraires pour aider ses clients qui n'avaient alors en main que les cartes de l'amirauté britannique, des cartes dont les relevés sont parfaitement dressés, mais qui manquent totalement d'informations touristiques...

De là, est né le "Greek Waters Pilot", un ouvrage édité au Royaume-Uni chez Imray et traduit en français puis distribué par Vagnon. Ce premier pilote, ré-édité 13 fois, compile des données sur 450 ports et mouillages, des données accompagnées de schémas, et d'une foule d'indications utiles comme le type de fond, la présence de navires de commerce, et celle des services à terre.

Jamais vous ne pouviez prendre la parole divine, le Heikell, en défaut. Rod et son épouse Lu étaient et sont toujours de bons marins dont les conseils et les observations sont avisés, fruit de l'expérience. On est bien loin des pilotes qui rassemblent des milliers d'avis et de conseils d'inconnus...

Cette Bible, car c'est sous le nom de Bible de Heikell que le pilote était connu dans le petit milieu  des voyageurs à la voile. Avec le Heikell à bord, on pouvait croiser des eaux inconnues et arriver de nuit dans n'importe quel port décrit. Des ports démunis d'infrastructures, très loin des marinas d'aujourd'hui, ou un officier désagréable vous faisait mettre à couple d'un chalutier espagnol monté par un équipage égyptien qui cuisinait ses sardines sur le pont, au son d'une musique orientale. 

Le Heikell en mains, le plaisancier français moyen du siècle dernier, pas le grand voyageur, pouvait vivre ses rêves d'évasion.

Il voyageait d'un mouillage à l'autre, sans crainte, connaissant d'avance les escales ou passer la nuit.

On voyageait sur de petits bateaux 30, 35 ', un 40' était un très grand yacht ! On effectuait une partie du voyage chaque année, en laissant le voilier au sec dans un chantier improbable, loin de tout dans lequel un ou deux voiliers hivernaient, au milieu d'une flotte hétéroclite locale. Le GPS n'existait pas, on relevait des amers pour déduire sa position, des amers toujours soigneusement décrits par Rod Heikell et son épouse Lu.

Certains passaient deux ou trois semaines, à ces croisières annuelles, d'autres, dont nous faisions partie, y passaient parfois plusieurs mois. 

Parti de France, via la Corse, l'Italie, l'Adriatique, la Croatie, le voilier guidé par Heikell empruntait le canal de Corinthe, traversait en flânant les iles grecques, passait en Turquie, à Chypre, puis en Syrie, au Liban, en Israël, hésitait devant le canal de Suez pour continuer vers la Libye, alors à peu près fréquentable, la Tunisie avant de remonter vers Malte, la Sicile et de retrouver les eaux françaises... Un voyage d'une décennie, effectué par petits bouts, chacun accompagné du Heikell de la zone, un ouvrage qui finissait taché du café des veilles, de l'huile d'olive turque, du retzina grec, du fromage syrien ou du houmous libanais.

Un ouvrage qui restait à bord, dans la blbliothèque du bord, un meuble dont la seule disparition à bord des voiliers modernes en dit long sur l'état de la société moderne...

À moins qu'il n'accompagnât son propriétaire à son domicile et venait se ranger, soigneusement, en compagnie de l'ensemble des livres de cette merveilleuse collection. Des livres qui, annotés, cornés, chargés de souvenirs, d'odeurs et de tickets et bons en tout genre formaient d'incroyables recueils de souvenirs !

Alors, oui, il y a Navily maintenant, mais en ce qui me concerne, rien ne remplacera jamais un Heikell !

A mon vieux pote Jean Claude.

Deux des plans originaux de "Greek Water Pilot"

Deux des plans originaux de "Greek Water Pilot"

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