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D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon

Les fonds marins situés au large de l'archipel d'Ogasawara, à 2000 kilomètres au sud-est de Tokyo, contiendraient de grandes concentrations de ces minéraux très convoités, d'après une étude publiée le 10 avril dans la revue Scientific Reports. Cette découverte pourrait donner un coup de boost à l'économie japonaise : les chercheurs qui ont réalisé cette étude ont cartographié de vastes réserves de terres rares, suffisantes selon eux pour répondre  à la demande mondiale pour une durée « quasi infinie ». 

D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon
D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon
D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon
D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon
D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon
D'immenses gisements de terres rares découverts au large du Japon

Les terres rares présentent aujourd'hui un intérêt économique et commercial majeur car elles sont essentielles à la fabrication des produits de haute technologie comme la téléphonie (smartphones), l'électroménager, le laser, les LED ou encore les énergies renouvelables (éolien, véhicules électriques...). Ces éléments métalliques rares sont abondants dans les différentes couches de la croûte terrestre, mais très dispersés géographiquement, ce qui rend compliquée leur extraction. 

A l'heure actuelle,  « le monde dépend fortement de la Chine pour les terres rares, Pékin produisant la plupart des éléments actuellement disponibles sur le marché », note Japan Today. La Chine est en effet « le premier producteur d’éléments de terres rares au monde [97 %, NDLR] et compte divers types de gisements », confirme un rapport de l'United States Geological Survey (USGS, Institut Géologique des Etats-Unis). Les autres pays qui possèdent des terres rares en exploitent également, mais à des prix tellement élevés qu'ils préfèrent les importer de Chine. 

Malgré des données très lacunaires, l'USGS estimait fin 2017 les réserves mondiales en oxydes de terres rares à 120 millions de tonnes, détenues à 37 % par la Chine, devant le Brésil (18 %), le Vietnam (18 %), la Russie (15 %), l'Inde (6 %), l'Australie (2,8 %), le Groenland (1,3 %) et les Etats-Unis (1,2 %). 

Une découverte majeure pour le Japon

Le Japon dépend aujourd'hui largement de son voisin chinois pour son approvisionnement en terres rares, indispensables aux industries électroniques, et doit accepter les prix dictés par celui-ci. Les gisements trouvés au large du pays, suffisants pour assurer la demande mondiale pendant plusieurs siècles, pourraient changer la donne et lui permettre de s'affranchir des taxes de Pékin. 

Découvertes dès 2011 (annoncées dans la revue Nature Geoscience), ces nouvelles réserves de terres rares ont fait l'objet de plusieurs expéditions scientifiques dans les années qui ont suivi. 

Posant d'importants problèmes environnementaux et difficile à réaliser dans une région aussi reculée de la ZEE nippone, le début de l'extraction est alors prévu pour 2023, pour une commercialisation prévue encore plus tard d'après un expert interviewé par le Wall Street Journal. « Le gouvernement [japonais] semble toutefois déterminé à la développer », souligne le South China Morning Post

16 millions de tonnes de terres rares, un approvisionnement mondial assuré pour plusieurs siècles

Une première expédition a été menée en juin 2012 par l'Agence japonaise pour les sciences et technologies marines et terrestres (Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology, JAMSTEC) dans les fonds marins de l'île Minamitori-shima.

Une seconde expédition en janvier 2013 a révélé que des échantillons de sédiments vaseux, prélevés à 5800 mètres de profondeur, présentaient une concentration en terres rares 20 à 30 fois plus élevée que celle des mines chinoises. 

Mais c'est véritablement la quantité de ces précieux minéraux dans les boues sous-marines de l'archipel d'Ogasawara qui a dépassé toutes les espérances : dans la revue Nature, les scientifiques estiment que ces gisements représentent sur une surface de 2500 km² et à une profondeur moyenne de 5000 mètres plus de 16 millions de tonnes de terres rares. 

La plus récente publication (le 10 avril, dans Scientific Reports) révèle que ces 16 millions de tonnes estimées représenteraient 780 ans d'approvisionnement mondial en yttrium, 620 ans pour l'europium, 420 ans pour le terbium, et 730 ans d'approvisionnement pour le dysprosium, autant d'éléments indispensables pour la filière électronique et les nouvelles technologies. 

Ces nouveaux résultats obtenus (par rapport aux estimations des années précédentes) s'expliquent par le développement d'une nouvelle technique d'extraction :  « L’équipe a développé une méthode efficace pour séparer les éléments précieux des autres dans la boue » détaille Japan Today.

Cette nouvelle technique constitue une avancée majeure dans le domaine des terres rares, dont la demande est toujours croissante, ainsi qu'une défi environnemental, les écologistes s'alarmant des conséquences pour l'écosystème marin de la zone définie. 

Un défi industriel et environnemental

L'extraction de terres rares représente en effet un danger, à la fois sanitaire pour les ouvriers travaillant sur les sites, mais également environnemental, comme l'explique l'océanographe Craig Smith de l'Université d'Hawaï, dans une interview accordée à Nature News en 2011 : 

« L'extraction de ces terres rares nécessite des bains d'acide, et peut avoir un impact particulièrement nocif sur les sites hydrothermaux, qui abritent des écosystèmes fragiles et de nombreuses espèces endémiques. »

« Le processus ne présentera aucun danger pour les sites puisque ces acides ne seront pas reversés dans l'eau », tempère Yasuhiro Kato, un des auteurs de la découverte. 

Malgré les nombreuses difficultés, l'équipe de chercheurs à l'origine de la découverte s'est donnée 5 ans pour réussir, à l'échelle expérimentale, une première extraction de ces terres rares. 

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