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Crimea et Caucasus, les yachts de Brejnev

Crimea et Caucasus, les yachts de Brejnev

Leonid Brejnev, secrétaire général du Parti Communiste de l’Union Soviétique entre 1960 et 1982, et les heureux membres de la nomenklatura, affectionnaient particulièrement la Crimée et son climat méditerranéen.

A la différence de ses prédécesseurs, qui se contentaient de datchas, Brejnev avait le pied marin. C’est ainsi qu’il fit construire deux yachts jumeaux, destinés à son usage exclusif, le Crimea et le Caucasus.

Un apparatchik bien loin du peuple

Brejnev à bord, notez la montre Rolex en or

Nommé à 53 ans président du Praesidium de l’URSS, fonction impliquant de fréquents déplacements à l’étranger, Leonid Brejnev ne dédaignait pas un style de vie luxueux. Villas, avions, montres en or, datchas en Crimée, chasse à l’ours, pêche au gros. Prenant souvent personnellement le volant de sa Dodge Charger 1970, il ne manquait au leader soviétique qu’un yacht…

Brejnev à la chasse

Un, non deux yachts !

Lancés en 1975 au chantier Severnaya Verf (Northern Shipyard), alors spécialisé dans la production de navires de guerre rapides comme les destroyers, Crimea et Caucasus désignaient d’imposants navires jumeaux relevant administrativement des garde-côtes.
Pourquoi deux navires jumeaux ? On l’ignore, peut-être pour s’assurer de la disponibilité permanente d’un navire en cas d’avarie ?
N’imaginez pas qu’il s’agissait de navires de patrouille, non, mais les garde-côtes dépendaient de la sécurité intérieure, elle-même chapeautée par le KGB, en charge de la sécurité des dignitaires de l’URSS.

D’une longueur de 45 m pour une largeur de 9 m, dotés de 3 ponts et pesant près de 300 tonnes à vide, ces bateaux atteignaient une vitesse maximale de 31 nœuds à pleine vitesse.

La Crimée, le modèle soviétique de la dolce vita

Péninsule aujourd’hui annexée par la Russie, la Crimée est baignée de tous temps d’un agréable climat bien différent des rigoureux hivers moscovites.

Située à la même latitude que l’Italie, c’est depuis toujours, une zone balnéaire de villégiature. Réservée à la noblesse du temps du Tsar, ses stations balnéaires et ses plages le sont, sous l’union soviétique, à une classe sociale privilégiée du régime : la nomenklatura.

Ces fonctionnaires, tous membres du parti communiste, y coulent des journées de repos heureuses, bien loin de la vie laborieuse et difficile de la population et à des années lumières de celle des millions de déportés au goulag.
C’est tout naturellement ici que les pontes du régime soviétique effectuaient le plein d’énergie, profitant de la mer noire et du soleil. C’est aussi ici, à Yalta, que Staline reçut Roosevelt et Churchill en 1944 pour y dessiner les contours de la nouvelle Europe, une fois l’Allemagne nazie définitivement vaincue.

Recevoir ses amis au soleil

Soleil, détente, jolies jeunes femmes réceptives et très curieuses et libations très alcoolisées faisaient intégralement parti du processus diplomatique et de négociation soviétique, où les banquets extrêmement arrosés succédaient aux longues négociations.

Le président Poutine lui-même aurait dit qu’il n'existerait que trois méthodes valables pour influencer un homme : le chantage, les menaces de mort et la vodka.

Récemment, un général US, Michael Carey, directeur des opérations nucléaires américaines, en fit encore les frais en 2013 au cours d’un voyage extrêmement chaotique et imbibé qui le conduit à la démission…

La réputation de Brejnev était assez terrible à ce sujet, il tenait, en Crimée et ailleurs, des banquets interminables au cours desquels on tirait des coups de feu avec les nouveautés parmi les armes légères en dotation dans l’Armée Rouge…

C’est tout naturellement en mer Noire, en Crimée que l’on basa les deux yachts. Le cubain Fidel Castro, le chancelier Willy Brandt, le conducator roumain Ceausescu, Henry Kissinger, Richard Nixon, bien des responsables politiques de haut rang furent accueillis à bord.

On débouchait une bouteille de champagne dans l’annexe avant même de mettre le pied à bord.

Dans l’annexe avec Castro

Le président américain lui-même, Richard Nixon fût reçu à bord, en pleine guerre froide et repartit avec un présent peu commun, un hydrofoil à moteur de 28’, le Volga 70.

Désormais obsolète, Caucasus a fait l'objet d'une importante campagne de refit en 2013, dans le but d’en faire le navire état-major des services civils de sauvetage en mer noire et mer d’Azov pour le compte de la Russie.

Le Caucasus à son port d’attache

Le Crimea, son sister-ship, se retrouve immatriculé dans la marine ukrainienne comme garde-côte armé et croise dans les mêmes eaux…

Les deux navires, appartenant à des nations désormais ouvertement belligérantes, pourraient-ils être amenés à se rencontrer ? Brejnev s’en retournerait dans sa tombe !

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